La dyspnée terminale Un petit texte à l’intention des équipe soignantes

67 | (actualisé le ) par Michel

À l’extrême fin de vie la dyspnée est une situation assez fréquente : ce n’est pas pour rien que dans la vision la plus répandue on meurt quand s’arrête la respiration. Il est donc naturel qu’il y ait des troubles respiratoires en fin de vie.

La dyspnée terminale pose avant tout la question de sa tolérance :
- Par le malade.
- Par l’entourage.
- Par les soignants.

ÉVALUER LA SITUATION :

La première chose à faire est de se donner les moyens de comprendre où on en est.

Observer la dyspnée :

En phase terminale on ne va certainement pas se lancer dans des démarches diagnostiques compliquées. Mais il faut tout de même essayer de réfléchir, car il est toujours très difficile de dire combien de temps il reste. Or si la situation doit durer quelques demi-journées, alors il y aura parfois quelques cartes à jouer, non pour reculer l’échéance mais pour améliorer le confort.

En particulier il faut au moins étudier les caractères objectifs de la dyspnée :
- Quelle est la fréquence respiratoire ?
- Y a-t-il des pauses ? De quelle durée ?
- Y a-t-il une désaturation ? Si la saturation en oxygène est normale, on pourra s’interroger sur l’importance de la composante anxieuse.
- Y a-t-l une cyanose ? des sueurs ?
- Y a-t-il des signes de lutte ?

Il faut aussi se demander si le malade a une raison connue de présenter cette dyspnée :
- Il peut avoir un cancer du poumon.
- Il peut avoir une infection.
- Il peut avoir une embolie pulmonaire…
- Y a-t-il un encombrement bronchique ?
- Y a-t-il une défaillance cardiaque ?
- Y a-t-il un spasme bronchique ?
Dans ces cas, et même en période d’agonie, la connaissance du mécanisme pourra influencer la prise en charge.
- Quel est le mécanisme de la dyspnée ? Il y a en effet des dyspnées d’origine centrale, qui ne sont pas perçues par le patient ; il n’en souffre donc pas.

Observer les réactions :

Il faut enfin se demander quelles sont les répercussions de la dyspnée :
- Le malade est-il conscient ?
- Est-il agité ? Anxieux ? Est-il capable de parler ?
- Quelle est la réaction de l’entourage ?

Toutes ces étapes sont nécessaires pour ajuster la stratégie. En particulier il faut arriver à se demander qui a besoin qu’on intervienne. Et cette question est très délicate :
- On soigne le malade, non son entourage.
- Il n’est pas acceptable éthiquement de donner à un malade un traitement qui ne lui serait pas nécessaire pour soulager la souffrance de son entourage.
- Mais l’entourage gardera longtemps la dernière image du défunt.
- Il ne faut pas que cette image soit trop terrible.
- Même si elle est fausse.

LES MOYENS À NOTRE DISPOSITION :

IL faut d’abord utiliser tous les moyens disponibles pour rassurer le malade et son entourage. Parler, expliquer, prendre du temps. Resrer présent, distraire. Ouvrir les fenêtres. Ces moyens sont importants, ils sont tout de même souvent insuffisants, car l’anxiété des protagonistes est souvent massive : la peur d’être étouffé est une des pires qui soient.

L’oxygène n’est pas le traitement de la dyspnée agonique.
- C’est une source d’inconfort.
- C’est inefficace.
- C’est inutile.
- Mais cela améliore la respiration de ceux qui regardent.

Les aérosols, les diurétiques et la scopolamine, les aspirations, ont une place non négligeable en fonction des constatations cliniques.

MAIS LES DEUX GRANDS TRAITEMENTS SONT :

Le midazolam :

- Il ne traite pas la dyspnée
- Mais l’angoisse qui l’accompagne.
- Or c’est l’angoisse qui fait souffrir le malade.
Mais le midazolam ne peut être utilisé facilement que si la dose nécessaire n’entraîne pas de sédation. Sinon on est dans une autre démarche.

La morphine :

C’est le traitement essentiel.
La morphine est un dépresseur du centre respiratoire ; normalement la dépression respiratoire est un signe de surdosage.

Ici on va créer un léger surdosage pour obtenir :
- Non pas une dépression respiratoire.
- Mais un simple ralentissement du rythme.
Du coup le malade lutte moins.

Le résultat est :
- Subjectivement : la disparition de l’angoisse : c’est probablement la stimulation du centre respiratoire qui génère l’angoisse ; si on déprime le centre respiratoire, on obtient un état où le malade ne sait plus qu’il respire mal.
- Objectivement : l’amélioration de la performance respiratoire (par moindre ventilation de l’espace mort).

MISE EN ŒUVRE DE LA MORPHINE :

Quand on le peut on explique la stratégie au malade. Il est rare qu’on le puisse car ces dyspnées terminales s’accompagnent souvent de troubles de la compréhension. On peut tout de même souvent :
- Lui demander si sa respiration est pénible, ou lui faire remarquer que nous la trouvons telle.
- Lui dire que nous allons mettre en oeuvre des traitements pour l’apaiser.
- Insister sur le fait que ce n’est pas un exercice dangereux.

On lexplique toujours la stratégie à la famille. L’esprit de la loi Léonetti l’impose [1] ; par ailleurs on lui signifie ainsi que nous ne sommes pas impuissants, ce qui déjà la rassure ; enfin, et peut-être surtout, le fait d’expliquer les options à la famille force l’équipe à une clarification de la démarche : quand on ne peut dire ce qu’on fait, il y a des chances que ce soit parce que ce n’est pas éthiquement clair.

On fait une titration :
- Chez le malade qui ne prend pas de morphine : essais par 10 mg s.c. ou i.v.
- Chez le malade qui prend de la morphine : dose antalgique + 20%.
- Le critère est la fréquence respiratoire : on vise une fréquence entre 15 et 20 par minute.

CONDITIONS ÉTHIQUES :

On dit volontiers que la morphine dans ces situations ne pose pas de problème. C’est une position absurde.
- Ce qui est vrai c’est que si on l’utilise scrupuleusement il semble que l’adjonction de faibles doses de morphine n’accélère pas le décès.
- Ce qui est vrai c’est qu’à la fin de la fin de vie, même si le décès s’en trouvait un peu hâté, ce serait de manière marginale.
- Mais ce qui est absurde c’est d’affirmer qu’il n’en est rien, alors que le malade meurt et que nous nous trouvons dans une zone où tout de même il est illusoire d’espérer pouvoir démêler les choses.

Mais cela ne nous retire en rien la possibilité de rcourir à la morphine dans ce conditions car les dangers éventuels sont couverts par la règle du double effet. Il y a simplement des condition drastiques :
- 1. Vérifier que le traitement est nécessaire, c’est-à-dire notamment avoir répondu à la question : qui veut-on soigner ?
- 2. Respecter la posologie indiquée.
- 3. Surveiller la fréquence respiratoire : on vise une fréquence entre 15 et 20 par minute. Ce geste de surveillance est capital pour garantir la justesse éthique de la démarche.

Notes

[1L’esprit, pas la lettre : car si on utilise strictement la démarche sus-décrite, alors il s’agit d’un acte de soin ordinaire, non d’une décision posant problème éthique, comme serait une sédation