Les troubles du transit en gériatrie

157 | par Michel

PRISE EN CHARGE DES TROUBLES DU TRANSIT

LA DIARRHEE :

Définition :

La diarrhée se définit par l’augmentation de volume des selles. Elle ne se juge pas sur la consistance ou sur l’aspect : une selle molle n’est pas une diarrhée. On ne parle de diarrhée qu’en fonction du nombre de selles.

En pratique [1] la diarrhée est « l’émission trop fréquente de selles trop liquides ».

On doit distinguer :
- La diarrhée aiguë, correspondant en général à une gastro-entérite virale. Elle est épidémique et de courte durée (2 jours).
- La diarrhée chronique, pour laquelle des examens compliqués sont nécessaires. Elle se définit par une durée supérieure à 15 jours. La diarrhée chronique est très rare.
- La fausse diarrhée sur fécalome, qui est en pratique la
situation la plus courante.

Stratégie devant une diarrhée :

S’agit-il d’une diarrhée ?

Non seulement on compte le nombre de selles (pas de diarrhée à moins de 3 selles dans la journée), mais on se renseigne sur le transit dans les semaines qui ont précédé (recherche d’un épisode de constipation).

On se renseigne également sur l’ordonnance. Le ridicule est l’association laxatifs-antidiarrhéiques.

Une des principales causes de diarrhée aiguë est l’infection urinaire. Les signes de la pathologie urinaire sont des signes digestifs.

Y a-t-il des signes associés ?

- Signes digestifs : vomissements, douleurs, sang. Dans ce cas le diagnostic médical devient urgent.
- Fièvre : une diarrhée fébrile conduit à de multiples diagnostics, tous urgents eux aussi, même si en pratique le plus fréquent restera la gastro-entérite virale bénigne.
- Fécalome : c’est l’obsession. La fausse diarrhée sur fécalome est facile à reconnaître quand on y pense ; elle est souvent caractérisée par des selles liquides mais peu abondantes.
- Signes urinaires : la bandelette urinaire doit être systématique, même si elle n’est pas facile... la recherche d’un globe vésical est fondamentale.
- Conséquences de cette situation : il faudra évaluer le risque de déshydratation, l’incidence sur le confort (douleurs...).

Quelle est la prise en charge ?

Avant toute prescription :

- 1. On commence par prendre des précautions au niveau cutané.
- 2. Arrêt des laxatifs.
- 3. Bandelette urinaire.
- 4. Se demander s’il y a d’autres cas.
- 5. Décision sur une éventuelle réhydratation : il suffit de vérifier qu’il n’y a ni tachycardie ni hypotension.

Du point de vue médicamenteux on dispose des pansements type argile, mais le plus efficace et le plus simple est l’usge de produits ralentisseurs, type lopéramide [2].

Les ralentisseurs ne sont pas donnés en présence de morphine :
- Parce que la morphine est le plus puissant d’entre eux.
- Parce que toute diarrhée sous morphine est d’abord une fausse diarrhée.
- Parce que ces produits sont des morphiniques, et que des interactions médicamenteuses sont possibles.

Le traitement par ralentisseur ne peut être donné plus de 24 heures sans vérification médicale. Au bout de 24 heures on surveille :
- L’évolution du transit.
- L’évolution de l’alimentation et des apports en eau.
- L’évolution des autres symptômes.

LA CONSTIPATION :

Autant la diarrhée est vite (souvent trop vite) repérée par les soignants, autant la constipation est négligée. C’est que la diarrhée est plus gênante pour le soignant que la constipation. Pourtant c’est là le problème essentiel.

Définitions :

- La constipation est le fait pour un sujet d’avoir des selles trop peu fréquentes.
- Pour un sujet âgé, il est normal de n’avoir que trois selles par semaine.

On va donc parler de constipation :
- A partir de trois jours sans selles.
- Ou parfois si le sujet se plaint : douleurs et inconforts sont souvent rapportés (mais il ne faut pas toujours y croire).

Les morphiniques (morphine, codéine, Di-Antalvic, Topalgic) induisent une constipation.

Le risque de la constipation est le fécalome, qui se révèle souvent par une fausse diarrhée :
- Toute diarrhée doit d’abord faire penser à un fécalome.
- Aucune diarrhée ne doit être traitée à moins de 3 selles par 24 heures.

L’insuffisance des boissons et d’exercice physique favorisent la constipation.

Toute constipation récente doit faire penser :
- A une infection urinaire.
- A un cancer colique.

Stratégie générale de prise en charge :

Le diagnostic de constipation suppose :
- Un chiffrage : moins de 3 selles par semaine.
- Un examen médical préalable.
- Une bandelette urinaire.
- Une révision de l’ordonnance (morphiniques, mais aussi diurétiques, etc...).

La prise en charge suppose :
- La mise en place d’une surveillance des selles.
- L’étude sur 1 semaine des apports en fruits et légumes.
- L’étude sur 1 semaine des apports en eau.
- L’étude sur 1 semaine de l’activité physique.

La constipation est bien prise en charge quand il y a au moins 3 selles par semaine et aucune plainte du malade. La stratégie est toujours révisée tous les mois.

Les moyens :

Les laxatifs :

Nous disposons de laxatifs :
- Les osmotiques : c’est le laxatif de base.
Ils agissent en augmentant la quantité d’eau contenue dans les selles. Ce sont donc les plus naturels de tous les laxatifs. Ils sont indiqué dans toutes les formes de constipation.
La dose est de 1 à 3 sachets par jour, parfois plus [3]. Attention : aucun autre médicament ne doit être pris en même temps.

- Les préparations pour coloscopie : C’est la même chose, mais le produit est plus concentré.
La dose est de 1 sachet par jour. En pratique il n’est utilisé qu’en présence d’un fécalome, ou lorsque le transit n’est obtenu qu’au prix de plus de 3 sachets de laxatifs osmotiques standard.

Les laxatifs végétaux (séné, csarcara...) : Ce sont des laxatifs très irritants, qui ne doivent être utilisés que pour traiter la constipation induite par la morphine ou pour certaines situations neurologiques (notamment les paraplégies et la maladie de Parkinson.

Les lavements :

Ils ne sont utilisés que pour éviter ou pour traiter un fécalome. Il y a deux types de lavements :

- Le lavement aux laxatifs osmotiques : C’est un lavement de petit volume. Il est utilisé en routine.

- Le grand lavement évacuateur : Il est utilisé après échec du précédent et se compose de 2 l d’eau tiède additionné d’un petit lavement [4]. Il suppose un patient coopérant et est réservé aux fécalomes prouvés ayant résisté aux autres mesures.

Les lavements sont utilisés :
En cas de fécalome.
En cas d’absence de selles depuis 4 jours.

Le fait d’administrer un lavement à un patient prenant des laxatifs impose de réviser la stratégie laxative.

La surveillance :

Le suivi du traitement laxatif comporte :
- Une surveillance des selles.
- Une surveillance de apports en eau.
- Un bandelette urinaire deux fois par mois.
- Une révision de la stratégie tous les mois.

Le fécalome :

Le fécalome est un événement extraordinairement fréquent dans une institution normale.

Il y a à cela de multiples raisons :
- Vieillissement du tube digestif, avec diminution des sécrétions et de la motricité.
- Diminution de l’activité physique.
- Diminution des apports en eau et en fibres.
- Médicaments.

Quand penser à un fécalome ?

Tout trouble digestif doit faire poser quatre questions :
- 1.Médicaments ?
- 2.Infections urinaires ?
- 3.Infarctus ?
- 4.Fécalome ?

On évoquera donc un fécalome devant :
- 1.Une constipation : soit constipation de plus de 4 jours, soit selles très espacées ; dans ce cas il peut y avoir une accumulation progressive de selles.
- 2.Une diarrhée : autant la constipation est fréquente, autant la diarrhée est rare. Le plus souvent il s’agit d’une fausse diarrhée : le fécalome irrite la paroi intestinale, et le sujet a la diarrhée parce qu’il est constipé.
- 3.Des vomissements, en sachant que c’est aussi un signe d’infarctus et d’infection urinaire.
- 4.Une anorexie.
- 5.Une agitation (chez le dément par exemple), un changement de comportement.

Diagnostic :

- 1.L’examen abdominal permet souvent de découvrir un intestin encombré.
- 2.Le toucher rectal repère les fécalomes bas situés.
- 3.La radiographie de l’abdomen repère les autres.
- 4.Le seul critère absolu est l’évacuation...

Le diagnostic de fécalome suppose notamment une recherche de globe vésical (le sondage doit être fait très facilement) et d’infection urinaire.

Traitement :

Il faut évacuer le fécalome. On fait donc un petit lavement, éventuellement un second. Si cela suffit, il ne reste plus qu’à mettre en place une stratégie laxative. Attention, l’évacuation d’une grande quantité de selles ne signifie pas la guérison : le fécalome est évacué non pas quand le lavement donne des selles, mais quand il n’en donne plus. Ne pas oublier d’envisager une évacuation manuelle.

En cas d’échec, il faut ajouter une préparation pour coloscopie pendant 1 semaine maximum. On envisage le grand lavement, éventuellement répété.

Il est capital de surveiller l’hydratation, car ces manoeuvres ne sont pas toujours bien tolérées de ce point de vue.

Notes

[1La théorie est un peu plus complexe, mais il s’agit ici de rester simple et efficace

[2Ils sont contestés, mais en pratique on garde le sentiment d’une efficacité irremplaçable.

[3Une expérience déjà ancienne avait été menée par une équipe qui proposait de préparer une boisson laxative donnée systématiquement.

[4Les formules sont aussi innombrables que pittoresques ; rien ne semble avoir fait la preuve de sa supériorité.