La démence : généralités Un texte à l’intention des infirmiers et aides-soignants

173 | par Michel

Commençons par une mise au point : c’est délibérément que nous allons parler de démence. Or on sait à quel point ce mot est controversé ; on lui reproche d’être péjoratif, méprisant, traumatisant pour les familles, pour ne rien dire du malade. C’est vrai, et il faut y faire attention : le grand public se fait une idée fausse de ce qu’est la démence. Le mot évoque un sujet en proie à la terreur, le délire, la violence aveugle. C’est évidemment la raison pour laquelle on préfère le plus souvent parler de « maladie d’Alzheimer ». C’est une habitude répandue dans notre culture : quand une chose gêne on change son nom ; c’est ainsi que les aveugles sont non-voyants, et que l’avortement est une IVG.

Il faut à la fois être attentifs à cette question et ne pas trop céder de terrain. On ne parle pas de démence à un malade, et on ne prononce pas le mot devant la famille, du moins pas sans le commenter, l’accompagner. Mais par quoi va-t-on le remplacer ? Les choses ont un nom, et des expressions comme « désorientation » ou « troubles mnésiques », ne disent que la moitié des choses, ce qui engendre des idées fausses. D’autre part il est clairement établi maintenant que les malades sont soulagés par l’annonce du diagnostic : rien n’est plus pénible pour eux que d’entendre parler de dépression ou de vieillissement, alors qu’ils savent bien, eux, qu’il s’agit d’autre chose.

AU FAIT, QU’EST-CE QUE LA DÉMENCE ?

Devenir dément, c’est perdre la raison.

Le cerveau est un organe qui remplit deux ordres de fonctions :
- C’est le centre qui règle la mécanique des mouvements et des sensations.
- C’est le siège de la pensée.

Il existe des maladies de la pensée. Ces maladies sont à leur tour de deux ordres :
- Il y a les maladies psychiatriques : pour une raison ou pour une autre, le sujet pense mal ; il pense des choses qui n’existent pas, ou il souffre de choses dont il ne devrait pas souffrir. Mais il pense : témoin le malade qui délire, son raisonnement est impeccable, le problème est qu’il est bâti sur des données fausses ; c’est pourquoi on a pu dire : le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison.
- Il y a les démences : pour une raison ou pour une autre, le sujet ne sait plus penser.

Ce point, plus difficile que nous ne le laissons entendre ici, sera repris plus tard.

Il existe de multiples formes de démence. Mais la plus répandue est celle qu’on nomme la maladie d’Alzheimer. C’est elle qui a été prise comme modèle de référence, et qui fera l’objet, un jour, d’un autre article.

NUANCES SUR LA MALADIE D’ALZHEIMER :

Il y a plusieurs points à reconsidérer sur la maladie d’Alzheimer.

Le premier est sans doute de savoir de quoi on parle : autrefois, on savait que grand-père radotait, on savait qu’il fallait le surveiller et on savait le mettre au coin de la cheminée à écosser les haricots. On savait que le radoteur était un dément sénile : Les Grecs le savaient déjà, et les Romains avaient imaginé des mesures de tutelle pour les personnes âgées. Puis un jour on a décidé que le terme de « dément sénile » manquait de classe, et on a choisi de parler de maladie d’Alzheimer. Pourtant ce qui avait intrigué Aloïs Azheimer c’était précisément de voir des cas de démence survenir chez le sujet jeune, 50-65 ans ; et cette forme, dramatique, qui pose des problèmes spécifiques, reste rare.

Pouvait-on étendre ainsi l’appellation « maladie d’Alzheimer » à la démence du sujet âgé qui, elle, est beaucoup plus fréquente ? Oui, sans doute, car elles se ressemblent beaucoup, et à tous points de vue, ce qui fait qu’on dit à présent qu’il s’agit exactement de la même affection ; reste à se demander si c’est vraiment le même processus qui détruit un cerveau à 50 ans et à 90. C’est à cause de cette réserve qu’on trouve encore quelques gériatres pour distinguer la maladie d’Alzheimer stricto sensu et la démence sénile de type Alzheimer.

En second lieu il faut se demander quel est le mécanisme de la maladie. Et on se trouve grossièrement face à deux types de théories.

La première théorie est celle du trouble organique. Son principe est simple : le cerveau vieillit, comme tous les organes. A sa surface se forment, de manière tout à fait normale, ce qu’on appelle des plaques séniles, qui sont des zones où les cellules ne fonctionnent pas. S’il y a trop de plaques, ou si elles sont trop mal situées, on peut voir apparaître une démence.

Le problème est qu’il y a des gens qui deviennent malades alors qu’ils ont peu de plaques, et à l’inverse des gens qui ont beaucoup de plaques et vont très bien. Ceci a conduit certains auteurs à dire que la maladie d’Alzheimer est d’abord un trouble psychologique : la démence est un refuge, et le sujet préfère s’arrêter de penser plutôt que de penser des choses qui lui font trop peur.

Et les tenants de ces théories se livrent des combats sanglants.

Comme d’habitude en pareil cas, il est probable que la réalité est plus simple : vieillir est une crise, c’est un travail, et ce travail est plus ou moins douloureux ; pour le mener à bien il faut un cerveau en bon état. C’est pourquoi on peut dire qu’il y a trois sortes de sujets :
- Ceux à qui vieillir pose assez peu de problèmes, mais dont le cerveau est si abîmé qu’ils ne peuvent plus les résoudre : ils deviendront déments.
- Ceux dont le cerveau est encore en assez bon état, mais qui vivent si mal leur vieillissement qu’ils ne peuvent s’en sortir : ils deviendront déments.
- Ceux dont le cerveau n’est pas trop endommagé et dont la crise n’est pas trop grave : ils échapperont à la maladie.

Le troisième point est la conséquence directe des deux premiers. Actuellement on considère qu’il n’y a qu’une sorte de maladie, qu’on regroupe sous l’appellation univoque « démence de type Alzheimer ». Il y a tout de même des raisons de penser que la réalité est plus complexe, qu’il y a plusieurs problématiques n’ayant guère à voir les unes avec les autres.
- Il y a tout d’abord, on l’a dit, les rares formes du sujet jeune, voire très jeune. C’est une première situation.
- Vers 70-80 ans la problématique de la crise est la plus pertinente, mais aussi la plus complexe. On trouvera donc des gens qui ont une forme de maladie identique à celle des sujets plus jeunes. Mais on trouvera aussi des malades qui vivent une grave crise de vieillissement, ou un isolement social majeur, ou un deuil infaisable : cet effondrement cognitif fait irrésistiblement penser à une sorte de suicide intellectuel. Naturellement toutes les formes intermédiaires sont possibles entre ces deux extrêmes.
- Il y a enfin les formes du sujet très âgé, où on voit peut-être surgir un troisième phénomène, infiniment plus simple. Ici encore certains de ces malades feront une maladie d’Alzheimer classique, comme le sujet plus jeune ; d’autres feront une forme qui évoque la crise du vieillissement ; mais il en est encore d’autres qui semblent vivre (et qui le disent : pourquoi ne les croirait-on pas ?) un paisible renoncement à la pensée, tout simplement parce qu’ils se désintéressent du monde extérieur.
Cette distinction a tout de même une importance, d’abord parce qu’elle aide à rendre compte des différences de présentation des malades, mais aussi parce que l’évolution, ou le pronostic du retour à domicile, ont toute chance de ne pas être les mêmes selon la forme à laquelle on a affaire.

EXIGENCE DU DIAGNOSTIC :

Il ne suffit pas d’être âgé pour être dément. Il ne suffit pas d’avoir un trouble du comportement, il ne suffit pas d’être dépendant. Il y a des critères de diagnostic. Et parmi ces critères il y en a deux qu’on doit garder à l’esprit en toutes circonstances :
- Il s’agit d’un diagnostic d’élimination : le trouble ne peut pas être expliqué autrement.
- Le critère essentiel est évolutif : on ne peut poser le diagnostic à la première consultation ; ou alors c’est qu’on a affaire à une forme tellement évoluée que cela n’a plus guère d’importance.

Ensuite, il faut plusieurs conditions :

Il faut d’abord un trouble de la mémoire. Si la mémoire n’est pas perturbée, on ne peut pas parler de maladie d’Alzheimer.

Mais il faut aussi d’autres troubles :
- D’abord, un trouble du langage.
- Mais il faut aussi un trouble des [1], des gnosies [2].
- Il faut un trouble de l’orientation.
- Il faut un trouble du raisonnement, du jugement [3].
- Il faut enfin des troubles du comportement. Ces troubles sont ceux qui font le plus souffrir les malades et les familles. Ils font partie intégrante de la maladie, au point que leur absence doit faire douter du diagnostic, même si au moins partiellement, ils sont réactionnels : pour l’essentiel il s’agit des procédés que le malade met en œuvre pour sauver les apparences [4].
Tout cela dit, et nous le reverrons, il reste un point fondamental : l’hospitalisation a tendance à majorer les troubles. Cela ne veut pas dire qu’elle les déclenche, ou qu’elle aggrave la maladie ; cela signifie simplement que, privé de ses repères, le malade se montre dans toute l’étendue de ses dégâts. A l’hôpital on est idéalement placé pour voir tout ce qui ne fonctionne plus ; on est beaucoup plus mal placé pour voir ce qui fonctionne encore. C’est pourquoi il faut être prudent avant de poser un diagnostic.

Il est très important d’utiliser les tests. Car trop souvent on porte le diagnostic de démence sur une impression ; or il est très important d’être systématique : il y a ou il n’y a pas un trouble de l’orientation. Il y a ou il n’y a pas un trouble du jugement. Tout le monde connaît le MiniMental Score, test très rapide qui permet d’explorer grossièrement l’ensemble des fonctions intellectuelles. D’autres tests sont intéressants (les plus utiles étant ceux que le médecin s’est fabriqués lui-même). Il faut accorder une mention spéciale à la grille IADL, qui passe en revue l’ensemble des activités de la vie quotidienne. Mais a contrario il ne faut pas oublier que ces tests sont très imprécis, et que leur interprétation demande du discernement : l’épreuve de calcul du MiniMental est moins simple qu’elle n’en a l’air, et quand on demande au malade quel est le nom du Premier Ministre on ne se demande pas combien de Français l’ignorent parce qu’ils s’en moquent complètement.

Il en résulte que même dans le cas de la maladie d’Alzheimer, le diagnostic n’est pas aussi simple qu’il en a l’air.

D’AUTRES DÉMENCES :

Si la maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des démences, elle est loin d’être la seule. Le problème est que les choses sont encore très confuses dans ce domaine.

Bref il faut regarder le monde de la démence d’un peu plus près.

Les démences dégénératives sont les démences liées à une anomalie du vieillissement cérébral. Elles représentent 70% de toutes les démences. Dans ce cadre la démence type Alzheimer et la maladie d’Alzheimer proprement dite représentent à elles seules 80% des démences dégénératives. C’est un point très important pour le diagnostic : on verra par exemple qu’il existe des démences liées à la maladie de Parkinson ; mais même chez le parkinsonien la démence type Alzheimer reste la démence la plus fréquente.

Les autres démences sont donc moins fréquentes, mais il faut tout de même en parler.

Les démences fronto-temporales :

Le modèle de ces maladies est constitué par l’histoire de Phinéas Gage, un jeune chef de chantier sur les voies ferrées de Nouvelle-Angleterre, qui, un jour d’été 1848, eut le crâne perforé par une barre à mine. Le malheureux survécut à la perte d’une bonne portion de son cerveau, sans que ses facultés intellectuelles parussent affectées. Mais bien vite Gage devint méconnaissable et perdit son emploi. Auparavant avenant et dynamique, il devint ombrageux, grossier, et finit misérable en Californie, après avoir échoué dans toutes ses entreprises.

On a pu établir que l’accident avait lésé des zones cérébrales appelées cortex préfrontal, et qui sont des zones fortement impliquées dans le traitement des émotions. Ainsi Gage voyait bien les résultats désastreux de ses décisions, mais il était incapable de tirer la leçon de ses erreurs ; il savait raisonner, mais il ne savait plus adapter son comportement en fonction des résultats de son raisonnement. Le résultat est le même que s’ils ne savaient pas penser : ces sujets sont incapables de vivre de manière autonome, alors même que leur aptitude à raisonner est préservée. Ils présentent une démence fronto-temporale.

Elles surviennent souvent chez le sujet relativement jeune (la forme présénile s’appelle la démence de Pick). Elles diffèrent de la démence type Alzheimer par une atteinte plus importante de la partie antérieure du cerveau. La principale conséquence est l’importance des troubles du comportement.
- Troubles de l’humeur à type de dépression ou au contraire d’agitation, conduisant à deux ambiances particulières de maladie : une forme apathique et une forme hyperdynamique.
- Rigidité mentale.
- Troubles du comportement alimentaire, avec souvent une boulimie.
- Troubles du comportement social, avec négligence physique, désinhibition, conduites sexuelles déplacées.
- Cette perte du sens des convenances rend le sujet moins capable de maîtriser son agressivité.
- Incontinence fréquente, liée à la négligence.

On note par ailleurs des troubles cognitifs :
- Grand trouble de l’attention.
- Trouble du langage, relativement précoce.
- Anosognosie [5].

Le problème essentiel est ici celui des « fonctions exécutives ». On regroupe sous ce terme tout ce qui permet au sujet de réaliser l’anticipation, la sélection d’un but, sa planification, l’organisation de la démarche, l’évaluation des résultats, la formulation d’hypothèses différentes, l’autocritique, l’auto-correction, la souplesse mentale, la persistance dans la tâche, la capacité d’ajustement en cours de route, la capacité d’adaptation aux changements. Ces fonctions sont non spécifiques mais essentielles à tout comportement dirigé.

Les déments fronto-temporaux sont longtemps pris en charge par des psychiatres, d’autant qu’il peut y avoir des épisodes de délire, et que les troubles portant sur la mémoire et le raisonnement sont plus tardifs et passent inaperçus derrière les troubles du comportement. Bref il s’agit de malades dont dès le début la prise en charge est particulièrement difficile, d’autant que la souffrance de la famille y est très importante et la tolérance de la société très limitée.

Naturellement il y a des formes de passage, comme la gliose sous-corticale, qui associe les démences de Pick et d’Alzheimer.

Les démences sous-corticales :

Ce sont des démences dégénératives, comme la maladie d’Alzheimer.

Elles touchent ce qu’on appelle les noyaux gris, c’est à dire les structures impliquées dans la maladie de Parkinson. Il faut bien voir qu’on entre ici dans des problèmes très complexes, et passablement mal définis.

La maladie de Parkinson s’accompagne de troubles intellectuels et affectifs. Mais le parkinsonien ne devient pas dément pour autant (c’est pourquoi quand le parkinsonien devient dément il faut d’abord penser à la démence type Alzheimer), et les troubles restent légers. Quand ils s’aggravent ils peuvent donner lieu à une véritable démence, qui présente quelques caractéristiques :
- La rareté des troubles du langage.
- Le ralentissement psychomoteur.
- La fluctuation du trouble intellectuel.

En fait il est très difficile de faire la part de ce qui revient à la maladie de Parkinson (quand on interroge un parkinsonien il faut savoir attendre, parfois longtemps, sa réponse ; mais si on attend la réponse vient et elle est exacte), aux effets secondaires des médicaments, à une autre démence et enfin à la démence parkinsonienne elle-même.

C’est l’accumulation des difficultés qui rendent le parkinsonien dément, alors que pourtant il n’a pas à proprement parler de trouble intellectuel. Mais le résultat est le même : placé dans les conditions ordinaires de la vie, il ne peut faire face aux difficultés. Réflexion faite il n’en va guère autrement avec l’Alzheimer : si on compense son trouble de mémoire, si on optimise ses capacités d’attention, si on le réoriente, il est nettement plus performant...

Dans certains cas l’examen des cerveaux malades a permis de mettre en évidence dans de nombreux cas des formations particulières appelées corps de Lewy ; cette constatation a permis de penser qu’on avait découvert là une forme particulière de démence. En fait ce n’est pas certain, et on se demande maintenant si la démence à corps de Lewy ne serait pas une variante de la démence type Alzheimer.

La démence à corps de Lewy associe donc :
- Un syndrome parkinsonien rendu un peu particulier par l’absence de tremblement et l’inefficacité du traitement.
- Un trouble intellectuel portant sur l’attention, les fonctions exécutives, et à un moindre degré la mémoire.
- Un trouble de la vigilance, avec des épisodes de somnolence impressionnants.
- Des hallucinations visuelles récidivantes, précises, élaborées, animées, persistantes.
- Des syncopes et des chutes, comme dans tout syndrome extrapyramidal.
- Une grande fluctuation des symptômes.

Deux points sont importants :
- L’évolution, qui se fait de manière très sombre vers la grabatisation et le décès.
- Le traitement : on pense que les médicaments habituels de la maladie de Parkinson doivent être utilisés avec prudence chez ce type de déments, mais surtout que les neuroleptiques y sont pratiquement interdits, du fait d’effets paradoxaux.

D’autres démences sous-corticales sont :
- La paralysie supranucléaire progressive, qui réalise une maladie de Parkinson grave et aboutissant à une incapacité totale à bouger, avant de se terminer par une démence. Les frontières entre maladie de Parkinson, démence à corps de Lewy et autres formes de démence sous-corticale sont très floues.
- Mais aussi la chorée de Huntington, héréditaire.
- Et la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Les démences vasculaires :

Il existe bien des moyens d’endommager un cerveau. L’un des plus efficaces est le trouble de la circulation. Deux mécanismes sont en cause :
- La baisse du débit cérébral, le plus souvent par embolie : un caillot va obstruer une artère, entraînant une paralysie. Selon la zone atteinte on peut aussi observer des troubles intellectuels. D’autre part on peut ne rien voir du tout, parce que l’embolie est toute petite ; mais à force de se répéter, elle finit par endommager le cerveau (une variante est le bas débit cérébral qui peut survenir lors d’une anesthésie, mais aussi lors d’un traitement anti-hypertenseur trop sévère ; ceci explique qu’il faut être tolérant en matière de tension chez le sujet très âgé).
- L’hémorragie cérébrale, au contraire, liée à une surpression. Ici aussi quand l’hémorragie est importante on a une hémiplégie, mais de petites hémorragies répétées peuvent conduire à une détérioration intellectuelle.

Ces démences vasculaires, ont plusieurs appellations dont la spécificité n’est pas toujours claire : démence artériopathique, démence de Binswanger, leucoaraïose, lacunes cérébrales, syndrome pseudo-bulbaire...

On peut les reconnaître à quatre particularités :

- C’est une démence évoluant par à-coups, au rythme des embolies et des hémorragies.
- Il y a des signes neurologiques : si c’est une démence vasculaire, il y a eu des embolies ou des hémorragies dans les zones qui commandent les mouvements.
- Il y a des lésions au scanner.
- Il y a une athérosclérose diffuse ou une hypertension artérielle ; mais il faut se souvenir d’un dogme : en toutes circonstances et chez tous les sujets quelle que soit leur pathologie, la démence type Alzheimer est la plus fréquente. C’est donc le premier diagnostic à évoquer, même chez le vasculaire.

Il est important de faire le diagnostic car on peut freiner l’évolution des démences vasculaires :
- Contrôle de l’hypertension, en se rappelant toutefois que le cerveau de l’hypertendu tolère très mal l’hypotension, pour ne rien dire de ses coronaires.
- Antiagrégants.
-Protecteurs vasculaires, circulotropes, etc, qui dans cette indication pourraient avoir une certaine efficacité.

Les démences vésaniques :

Par ce vieux terme on désigne les démences qui surviennent chez les malades mentaux. Certes ces malades ne sont pas prémunis contre les démences dégénératives, et notamment l’Alzheimer ; chez eux comme chez les autres ces démences sont les plus fréquentes. Mais il est courant de voir qu’avec l’âge l’évolution des psychoses, ou des schizophrénies, tend à se faire sur un mode déficitaire, un peu comme si à force de penser des choses fausses, le malade finissait par ne plus savoir penser du tout. Très caractéristique de ce point de vue est l’évolution des dépressions chroniques ou récidivantes, et les rapports entre démence et dépression sont particulièrement difficiles à évaluer : soit que le déprimer finisse là aussi par renoncer à penser, sout que la dépression soit un facteur favorisant de l’Alzheimer ; question d’autant plus délicate à trancher que, naturellement, le malade qui commence à sentir que ses capacités intellectuelles déclinent a toutes les raisons de se déprimer.

Les autres démences :

On se contentera de rappeler les troubles intellectuels qui accompagnent les tumeurs, les hématomes. On en rapproche la démence des boxeurs, par accumulation des micro-traumatismes. C’est la raison pour laquelle le scanner est important : il ne fait pas le diagnostic de démence, mais il permet de découvrir d’autres choses.

Il y a des démences infectieuses (syphilis, encéphalite HIV, encéphalite nécrosante à herpes virus, méningo-encéphalites infectieuses). Dans ces situations, le traitement de la maladie permet d’éviter l’aggravation des troubles. Mais ce qui a été détruit le reste, et le déficit intellectuel est irréversible. C’est la même situation avec la démence alcoolique : les dégâts sont définitifs, même si on a souvent de bonnes surprises quand on attend suffisamment longtemps.

Il faut évoquer l’hydrocéphalie à pression normale :
- Elle est causée par un trouble chronique de l’évacuation du liquide céphalo-rachidien, constitué à bas bruit, et auquel l’organisme s’est adapté par une dilatation ventriculaire.
- On recherche la triade d’Hakim-Adams : trouble de la marche (avec notamment tendance à la chute en arrière lors de la mise en mouvement), négligence sphinctérienne (et non incontinence), troubles intellectuels.
- Le diagnostic se fait sur le scanner quand la dilatation est majeure ; la preuve est apportée par l’amélioration parfois spectaculaire obtenue par une ponction lombaire soustractive.
- Le traitement peut être une dérivation avec son risque infectieux ; on peut parfaitement se contenter de ponctions évacuatrices répétées. En fait les choses sont rarement aussi simples, et on observe souvent avec la ponction une amélioration sans lendemain, ou l’absence d’amélioration malgré des dégâts radiologiques spectaculaires.

D’autres causes de troubles intellectuels :

Elles sont rares mais doivent être évoquées systématiquement :
- L’hypoglycémie, qui certes se manifeste par un tableau aigu, mais peut laisser des séquelles graves.
- Les troubles thyroïdiens : troubles du comportement en hyperthyroïdie, ralentissement intellectuel parfois majeur des hypothyroïdies.
- Les médicaments.
- L’hypercalcémie, souvent cancéreuse.
- L’intoxication oxycarbonée chronique.
- Les carences vitaminiques.

Notes

[1praxiesLes praxies sont les fonctions qui permettent de réaliser certaines opérations : il y a une praxie de l’écriture, une praxie de la marche, une praxie du dessin, ou plus banalement une praxie du tire-bouchon ou du tournevis.

[2Les gnosies sont les fonctions de reconnaissance (des mots, des formes, des objets, des visages...)

[3Le raisonnement est ce qui fait dire que 1000 est plus grande que 1 ; le jugement est ce qui fait dire que 1000 est un grand nombre.

[5L’anosognosie est le fait pour le malade de ne pas se rendre compte de son trouble.