Cet article a été revu le 309 novembre 2014

L’alimentation du sujet âgé

81 | (actualisé le ) par Michel

L’ALIMENTATION DU SUJET ÂGÉ

LES DÉPENSES ÉNERGÉTIQUES DE L’ORGANISME :

Que se passe-t-il chez le sujet jeune ?

L’organisme ne peut survivre qu’en dépensant de l’énergie. Et il dépense cette énergie de trois manières.

Le premier poste de dépense est ce qu’on appelle le métabolisme de base : quelle que soit la situation il faut que le cœur batte, que les poumons respirent, que la température se maintienne, et cela consomme de l’énergie. L’une des activités les plus gourmandes en énergie est la digestion : on considère par exemple que si on consomme 100 g de protéines, il faudra en brûler 30 g pour pouvoir assimiler les 70 qui restent [1]. Ce métabolisme de base représente à peu près 60% des dépenses totales.

Le second poste est celui auquel on pense spontanément, et à tort : il s’agit de l’activité physique et intellectuelle. En fait la machinerie humaine est remarquablement efficace, et il suffit de peu d’énergie pour assurer les besoins musculaires. Cela représente à peu près 25% de la dépense totale d’un sujet sédentaire [2].

Le troisième poste de dépense concerne le renouvellement des tissus (sang, peau, organes digestifs, foie...), la synthèse des protéines (anticorps, protéines de transport, hormones...), et chez l’enfant la croissance. Cela représente pour un adulte environ 15% de la dépense totale.

Que se passe-t-il chez la personne âgée ?

On a tendance à croire que chez la personne âgée ces dépenses vont en diminuant. C’est très largement faux.
- Le métabolisme de base est très peu touché : il faut toujours la même dépense pour faire battre le cœur, respirer les poumons, digérer les aliments.
- L’activité intellectuelle et physique diminue, mais cela n’entraîne pas une grade diminution de la dépense : certes le sujet âgé marche moins mais cet exercice lui est plus difficile, et s’il accomplit moins de gestes chaque geste lui est plus coûteux ; par exemple il perd une bonne partie de son système d’équilibration, et il doit pour garder son équilibre mettre en jeu des groupes musculaires dont nous ne nous servons habituellement pas [3].
- Quant au renouvellement des tissus et à la synthèse des protéines, certaines dépenses augmentent, d’autres diminuent, et le solde global est peu modifié.
Au total on pense généralement que la personne âgée a des besoins nutritionnels diminués. C’est exact, mais beaucoup moins qu’on ne le croit : disons que si un adulte jeune a besoin en moyenne de 2 500 kCal/j, un adulte âgé a encore besoin de 2 000 kCal/j, l’homme un peu plus que la femme, mais cette différence est relativement négligeable [4].

Que se passe-t-il chez le malade ?

Mais les choses sont souvent bien pires, car si la personne âgée n’a plus besoin de pourvoir à sa croissance il y a chez elle des postes de dépense qui n’existent pas chez l’adulte jeune. Il s’agit de toutes le dépenses liées à la maladie et à ses conséquences. Toute maladie consomme de l’énergie et des protéines. Prenons l’exemple de l’infection : il faut de l’énergie pour faire monter la température, et la réaction inflammatoire vise à fabriquer des leucocytes, des protéines, des hormones, des anticorps. De même la réparation d’une escarre impose de fabriquer en grandes quantités des protéines qu’on va retrouver dans la fibrine et les sécrétions, sans parler de celles qui sont nécessaires à la fabrication des tissus cicatriciels. Naturellement le cancer est une situation où le besoin d’énergie augmente parce que le cancer lui-même en utilise beaucoup ; si les cancéreux maigrissent c’est parce que le cancer sécrète des hormones qui diminuent l’appétit, mais c’est aussi parce que les besoins augmentent [5].

On peut dire que toutes les situations d’agression augmentent les besoins énergétiques de l’organisme. La dénutrition est une cause majeure d’aggravation des maladies.

LES APPORTS ALIMENTAIRES : ASPECTS QUALITATIFS :

Dans les apports alimentaires on distingue habituellement cinq catégories, cinq composants :
- Les protides : c’est en très gros ce qui sert à construire les tissus, le sang, les hormones. On en trouve dans les produits animaux, mais aussi dans les légumes secs.
- Les glucides : ce sont les diverses formes de sucres et de farines. Ce sont essentiellement des sources d’énergie rapidement disponibles ; le sucres sont d’utilisation très rapide (on les appelle des sucres rapides), les farineux sont d’utilisation un peu plus lente (on les appelle des sucres lents).
- Les lipides : ce sont les corps gras sous toutes leurs formes. Leur principale fonction est de fournir une énergie lentement disponible, ou même une forme de stockage.
- L’eau.
- Les minéraux (essentiellement le fer et le calcium, mais on sait bien qu’il y en a d’autres qu’il faudrait étudier), et les fibres.

CONSÉQUENCES DE LA DÉNUTRITION :

L’insuffisance des apports alimentaires a deux conséquences.

Il y a des conséquences sur l’état général :
- Amaigrissement.
- Fatigue, pouvant aller jusqu’à la grabatisation.
- Risque d’escarre.
- Diminution de la production d’anticorps, aboutissant à un déficit immunitaire et à un risque accru d’infections, à une lenteur de guérison des maladies en cours.

Mais il y a aussi des conséquences en termes de fonctionnement de l’organisme. On a dit que la source d’énergie la plus facile à utiliser est celle des sucres rapides, puis des sucres lents ; mais le problème est que lorsque les glucides viennent à manquer, la source d’énergie la plus facile à utiliser ensuite n’est pas celle des lipides mais celle des protides. Soumis à une agression imprévue l’organisme va donc utiliser dans un premier temps ses propres protéines et non ses lipides de réserve, ce qui, certes, lui permet de faire face, mais aggrave considérablement sa situation, un peu comme un berger qui, en cas de famine, mange son troupeau parce qu’il n’a pas le temps d’aller le vendre.

Toute agression va donc se traduire par une perte d’énergie mais plus encore par une perte de protéines, perte qu’il faudra compenser ; cette véritable crise protéique est aggravée par le fait que la personne âgée modifie ses habitudes alimentaires et a tendance à manger moins de produits animaux.

LES TROUBLES DE L’APPÉTIT :

On vient de dire que les besoins alimentaires des personnes âgées sont bien plus importants qu’on ne le croit. Il est faux de penser que la personne âgée se contente de peu. Toutefois nous savons bien que les besoins sont individuels, et qu’il y a des sujets qui vivent très bien avec la moitié ou le tiers de ce qui est considéré comme normal. La conclusion qu’il faut en tirer est simplement que les sujets qui vont bien alors qu’ils mangent peu doivent faire l’objet d’une surveillance un peu plus étroite.

Cependant souvent la personne âgée nous inquiète ; quand nous l’interrogeons elle nous dit qu’elle n’a pas faim. Cette anorexie reconnaît de multiples causes :
- 1. La maladie peut être anorexiante : cancer et ses traitements ; nausées d’une infection urinaire ou respiratoire, d’un fécalome ; douleur ; dyspnée respiratoire ou cardiaque ; troubles biologiques (calcium, hydratation)...
- 2. Le manque d’activité physique est évidemment préjudiciable.
- 3. Les traitements peuvent être anorexiants, et l’ordonnance est la première chose à regarder en cas de trouble alimentaire.
- 4. La dépression est à dépister systématiquement.
- 5. Mais il y a surtout la nature de ce qu’on donne à manger au malade : produits inadaptés, mal préparés, mal assaisonnés (le sujet âgé perd le goût) ; les régimes (sans sel, diabétique, sans résidu) sont le plus souvent absurdes.
- 6. La question des textures est capitale, et il faut faire une guerre sans merci à toutes les modifications qui ne sont pas indispensables : on n’a jamais eu besoin de dents pour mastiquer de la viande, et il est faux de croire que le haché évite des fausses routes ; or ces textures modifiées dénaturent dramatiquement le goût des aliments et leur présentation est toujours très anorexiante.
- 7. Enfin le repas a une fonction sociale, et l’environnement est capital : ce point recouvre toute la question de la présentation (service à l’assiette, nappes...), mais aussi l’environnement : il faut de la lumière, du calme, il faut éteindre le téléviseur, il faut du temps ; l’absence de vin à table est une sottise.
D’autres fois elle a faim mais ne peut manger :
- 8. L’état bucco-dentaire peut être en cause, et il faut apprendre à regarder une bouche.
- 9. La démence amène souvent le sujet à ne plus reconnaître la sensation de faim ; ou encore il ne sait plus manger.
- 10. L’état neurologique ou rhumatologique est à étudier : peur de la fausse route, lésion des épaules, douleur...

LA SURVEILLANCE DE L’ÉTAT NUTRITIONNEL :

Il faut d’abord repérer les malades en danger. Ce sont :
- Tous les malades atteints d’une affection aiguë.
- Tous les déments.
- Tous les grabataires, surtout s’ils ont des escarres.
- Les patients atteints de maladies chroniques débilitantes, notamment les cancers.

Mais cela ne dispense pas d’observer tout le monde, et l’erreur est de se contenter d’une appréciation rapide : « Il mange ». Il faut donc organiser la surveillance alimentaire. Il suffit de noter sur une feuille les apports alimentaires de chaque malade, avec un système de cotation très rustique :

- 0 : N’a rien mangé
- 1 : A mangé le quart
- 2 : A mangé la moitié
- 3 : A mangé les trois quarts
- 4 : A tout mangé [6].

La surveillance de l’état nutritionnel fait également partie de l’examen médical. Quatre paramètres sont à regarder systématiquement :

Le poids est le plus important. L’idéal serait une pesée tous les 15 jours ; si ce n’est pas possible il faut au moins une pesée de référence à l’entrée. Rappelons :
- 1. Que les variations rapides du poids sont des troubles de l’hydratation.
- 2. Que par conséquent tous les malades présentant des troubles cardiaques doivent être pesés au moins toutes les semaines.
- 3. Qu’il n’est pas possible de soigner un diabétique dont on ne surveille pas le poids.
En principe la pesée permet de calculer l’indice de masse corporelle, ou BMI. Pour l’obtenir on divise le poids par le carré de la taille (mais il faut connaître la taille, ce qui n’est pas simple).

Le pli cutané de la face postérieure du bras permet d’évaluer les réserves en graisse de l’organisme.

Les paramètres biologiques de l’inflammation sont indispensables. Ce sont la vitesse de sédimentation et la CRP ; l’inflammation augmente considérablement les besoins énergétiques, ce qui fait qu’une dénutrition peut être liée à une carence d’apports ou à une surconsommation de calories [7]. Généralement la dénutrition est mixte.

Les paramètres biologiques de la dénutrition sont l’albumine, qui évalue l’état nutritionnel des trois dernières semaines et la préalbumine, qui évalue l’état nutritionnel des trois derniers jours [8].

QUE DONNER À MANGER ?

Il y a trois points à considérer.

Les calories :

Il faut d’abord et avant tout donner des calories. D’abord parce que le patient n’en absorbe pas assez ; ensuite parce que si on augmente l’apport calorique il va cesser d’utiliser ses propres protéines.

Autant dire qu’il faut lui donner n’importe quoi pourvu qu’il mange. Des repas si on peut ; si on ne peut pas, des gâteaux, du pain, du lait, des jus de fruits ; tout ce qui est simple et tout ce qui rentre. Une attention particulière doit être prêtée au pain, et il faut veiller à redonner au malade l’habitude du pain : contrairement à ce qu’il pense il n’est pas condamné aux biscottes [9]. Il faut savoir esquiver le repas chez le malade dont l’anorexie est trop importante, et multiplier les prises alimentaires en cours de journée [10].

La lutte contre la dénutrition est, comme la lutte contre la grabatisation, une question de vie ou de mort. Or il faut noter que les plateaux qui sont ordinairement servis représentent un apport journalier de 2 000 kCal. En d’autres termes l’apport quotidien dans les hôpitaux est celui qui convient à des personnes âgées en bonne santé. Si on s’en tient à la théorie, tout patient qui ne mange pas tout son plateau est donc en train de se dénutrir, et pour peu qu’il soit malade il se dénutrit de toute manière ; heureusement les besoins théoriques ne sont que théoriques ; mais il faut être très vigilant.

Les protéines :

C’est évidemment l’idéal. Reste à se souvenir que toutes les protéines sont efficaces, celles des viandes, celles des œufs, celles des poissons, celles des légumes secs.

Les autres nutriments :

Certains passent après dans l’ordre des préoccupations car il s’agit de problèmes qui vont se poser à long terme. C’est notamment le cas du calcium, mais aussi du fer.

Ce point est fondamental : dans un service de médecine ou de soins de suite, les problèmes de carence en vitamines ou en minéraux ne se posent pas à court terme, réserve faite de certaines situations où le sujet est arrivé avec déjà une profonde carence. L’obsession est donc de restaurer l’appétit et la priorité est de réduire l’ordonnance. Cela pose par exemple le problème du calcium, dont les vertus anorexiantes sont souveraines. Mieux vaut se passer de calcium pendant un mois ou deux, cela ne changera guère la question du risque fracturaire.

Par contre il va de soi qu’il faut veiller à l’hydratation, et que des apports supplémentaires en fibres seraient utiles pour lutter contre la constipation.

LES REGIMES :

Il est donc indispensable de privilégier les apports caloriques.

Il s’ensuit que tous les régimes doivent être réévalués.

Le régime sans sel :

On sait que le régime sans sel est désormais réservé à des situations rares. On sait aussi que l’alimentation humaine courante est trop salée. Ce qui est donc proposé c’est un régime un peu moins salé ; ce qui suppose une réflexion sur les autres agents de sapidité, et sur les modes de cuisson.

Le régime diabétique :

Le régime diabétique doit être adapté à la situation du malade, ce qui signifie qu’on doit se guider sur la surveillance gl=ycémique : un diabétique âgé dont la glycémie post-pradiale ne dépasse pas 2 g/l et dont le poids est stable a un régime correct.

Le régime dyslipidémique :

La question n’est pas tranchée de ce point de vue : on ne sait pas encore très bien jusqu’à quel âge il est intéressant de contrôler le cholestérol et les triglycérides des patients, car l’augmentation de la longévité modifie la donne. Mais il faut maintenir que le risque principal du dyslipidémique âgé n’est pas la dyslipidémie mais la dénutrition.

Au total, donc, le précepte de Molière est toujours àappliquer : "Il faut boire votre vin pur ; et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger du bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande, du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner." Il suffit de comparer le coût d’une calorie d’alimentation ordinaire à celui d’une calorie de complément alimentaire pour constater que ces dernières seraient avantageusement remplacées par des rillettes et des crèmes anglaises, sans parler des économies réalisées sur les antibiotiques. C’est toute une conception de la gériatrie hospitalière qu’il faut changer, qui implique tous les niveaux de décision.

L’ALIMENTATION ARTIFICIELLE :

Sous cette dénomination on entend tout ce qui n’est pas l’alimentation élaborée par la cuisine. Il faut que des soignants référents en alimentation soient désignés dans chaque service, de manière à pouvoir faire le point périodiquement de l’état nutritionnel des patients.

Il y a quatre possibilités :

L’alimentation enrichie :

Elle n’est pas suffisamment utilisée, et ce devrait être la première action à mener avec les référents. Il s’agit d’ajouter au plateau du malade une poudre protéinée qui permet d’augmenter l’apport calorique sans toucher au volume de la nourriture ; on obtient la même chose avec du beurre, de la crème, des fromages... De même il existe des produits (poudre de lait, mais aussi des compléments comme le Renutryl®) qui peuvent enrichir les petits déjeuners.

Les compléments alimentaires :

Il s’agit en somme de crèmes dessert. Elles apportent environ 200 kCal par unité de prise. Autant dire que ce sont des compléments, et qu’il faut mettre fin à l’anarchie actuelle. Il y a deux indications aux compléments alimentaires, et deux seulement : la première est de permettre à un patient qui va à peu près bien et qui ne mange que 1 500 kCal par jour d’arriver à 2 000 kCal ; la seconde est de permettre à un patient qui mange 2 000 kCal par jour et qui a besoin de 2 500 d’y arriver. Cela suppose qu’ils n’arrivent pas à manger davantage, sinon il faut simplement augmenter leur ration.

Sauf cas particulier à discuter il ne sert à rien de donner des compléments à un malade qui ne mange pas : il mourra de toute façon.

L’alimentation entérale :

C’est l’alimentation par sonde gastrique ou par gastrostomie. On peut l’utiliser :
- Lors d’une agression aiguë, et il y a des études qui montrent qu’on ne s’en sert pas assez. Mais on répugne à poser une sonde gastrique systématiquement ; peut-être faudrait-il l’essayer.
- Lors d’une dénutrition chronique : il devient de plus en plus clair qu’en gériatrie cette technique est incapable d’empêcher le décès des malades.
- Lors des troubles de la déglutition.

L’alimentation parentérale :

C’est l’alimentation intraveineuse. On ne voit guère dans quelle situation il serait légitime d’en prendre l’initiative dans un service de soins de suite. Par ailleurs elle nécessite une voie veineuse centrale et une évaluation du risque cardiaque.

CONCLUSION :

La lutte contre la dénutrition est une priorité absolue pour les gériatres.

Cette lutte ne pourra être menée efficacement que si toute la stratégie nutritionnelle de l’établissement est revue.

Cependant on peut mettre en place immédiatement trois types d’action :
- 1. Mieux repérer les malades en danger.
- 2. Améliorer ce qui peut l’être en rationalisant les moyens qui sont donnés aux équipes.
- 3. Faire œuvre de pionniers en essayant d’imaginer ce qu’il faudrait pour obtenir les résultats souhaités.

Notes

[1C’est ce qu’on appelle d’action dynamique spécifique

[2Disons-le immédiatement : le but de ce texte n’est pas de donner des chiffres précis, mais simplement des ordres de grandeur

[3C’est un peu ce qui nous arrive quand nous nous exerçons à marcher sur une poutre

[4Et tout le monde voit aussitôt qu’il existe un énorme écart ente ce que la théorie prévoit et ce qu’on observe dans la pratique ; de la même manière chacun sait qu’un patient âgé qui boit moins d’un litre et demi par jour se déshydrate ; mais si c’était vrai la canicule de 2003 aurait tué la moitié des vieillards

[5On dit souvent qu’il ne sert à rien de vouloir alimenter à tout prix un malade atteint de cancer parce que l’énergie va d’abord nourrir le cancer ; c’est probablement une simple image, utile pour déculpabiliser les familles ; mais en réalité elle n’a pas de sens : si la stratégie de la terre brûlée tue l’assaillant, c’est au prix de la mort du défenseur. Cependant il demeure que le cancer utilise beaucoup de calories

[6Cette cotation est évidemment très sommaire, et elle ne tient pas compte de multiples facteurs. Par exemple si les aliments sont apportés en vrac, la quantité de calories dépend de la manière dont on a rempli l’assiette. On peut dans ce cas recourir aux cuillers-doseuses qui permettent d’évaluer la manière dont on a servi. Reste que globalement la cotation proposée est relativement reproductible

[7Elle a également tendance à fausser le dosage, en diminuant artificiellement le taux d’albumine ; mais cette objection est purement théorique,car l’erreur que l’on commet en surévaluant ainsi la dénutrition est compensée par le fait que l’état inflammatoire est par lui-même source de dénutrition.

[8Il n’est pas souvent nécessaire de calculer le PINI (orosomucoïde x CRP/albumine x préalbumine), qui est si souvent désolant dès que la personne âgée va mal

[9c’est là un thème particulièrement intéressant : lorsqu’on sert le petit déjeuner, les soignants proposent des biscottes, et les malades en demandent. Tout va bien, donc ? A ceci près que la biscotte n’offre strictement aucun avantage par rapport au pain ; il y a là une sorte de malentendu, qui repose sur le fait que chacun croit se comporter comme il pense que l’autre l’attend. Mais il suffit de laisser systématiquement, et sans commentaire, un peu de pain bien frais à disposition du malade pour constater que peu à peu le pain disparaît, et que tout ne va pas à nourrir les pigeons du quartier

[10Tout le problème est de ne pas transformer l’alimentation en harcèlement