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En réponse à :

Qu’ils crèvent !

, par Michel

Bonsoir, Claude.

Vous me demandez un avis sur une patiente que je n’ai pas vue. Cela n’est pas possible.

Tout ce que je peux faire, c’est vous donner un point de vue théorique. Et ce qui est le plus évident, c’est que ce point de vue théorique ne va pas être très optimiste.

Si on fait l’inventaire de la situation, on se dit que nous sommes en présence d’une dame très âgée, qui présente une leucémie, probablement assez peu agressive mais tout de même une leucémie. A cause de cette leucémie, à moins que ce ne soit en raison d’une pathologie supplémentaire, elle a présenté un épisode de déshydratation suffisamment sévère pour la faire tomber. D’où une hémorragie, probablement de type hématome sous-dural subaigu, dont on sait qu’il peut souvent régresser sans opération. C’est donc d’une malade très précaire dont il s’agit.

Et la question est celle de son alimentation. Si je comprends bien son état est si dégradé qu’elle ne peut recevoir d’alimentation orale. Disons-le tout net : sur ces éléments la première idée qui vient est que l’avenir est très compromis. Dans ces conditions, et si rien ne change, il faut se demander ce qu’il est réaliste de faire.

En sous-cutané, rien. 1 litre de perfusion sucrée ne peut apporter que 10% des apports nécessaires.

En intraveineux, on peut utiliser des produits qui apportent un nombre significatif de calories. Mais il faut :
- De très grosses veines ; il est illusoire d’espérer administrer les volumes dont on a besoin dans une veine des membres, d’autant que les produits d’alimentation artificielle sont irritants pour les veines.
- Un système cardio-vasculaire, hépatique, rénal, capable d’absorber les quantités de liquide qu’on devra administrer, et qui sont de l’ordre de 3 litres par jour.
- Une surveillance très étroite, car il s’agit de traitements dangereux.

En d’autres termes une alimentation intraveineuse dans un tel contexte impose l’hospitalisation.

Or votre mère n’a pas été gardée à l’hôpital. Je connais suffisamment l’hôpital de Lagny pour savoir que la culture gériatrique y est excellente, et pour penser que la décision de faire sortir votre mère a été mûrement pesée. Si elle a été prise, c’est donc en considérant que la probabilité de rendre service à votre mère en lui administrant une alimentation artificielle était quasi nulle, alors que la probabilité de lui causer du tort ou des souffrances était, elle très grande. Autrement dit les médecins ont pensé qu’ils étaient arrivés aux frontières de l’acharnement thérapeutique.

La seule chose à faire est alors de la renvoyer dans sa maison de retraite, en se disant qu’on pourrait toujours lui donner une hydratation, et en comptant sur la nature qui, parfois, et sans que nous sachions bien expliquer comment, obtient des résultats inespérés.

Mais j’ai bien peur qu’il ne soit sage de penser que l’avenir est sombre.

Et en tout cas je doute fort que vous trouviez une maison de retraite qui accepte de conduire une alimentation intraveineuse ; j’ajoute que si vous la trouviez, il vous faudrait être très prudente : on serait là aux limites de l’irresponsabilité.

Mais je souhaite de tout cœur me tromper.

Bien à vous,

M.C.

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