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En réponse à :

La souffrance en fin de vie

, par Michel

Bonsoir, Lina.

Je veux bien essayer de vous éclairer, mais… que vais-je pouvoir vous dire que vous ne sachiez déjà ?

La difficulté est là : vous avez le sentiment qu’il vous manque des informations, alors que votre récit les contient toutes. Et la question est plutôt de savoir ce que vous êtes prête à entendre ; ou à lire. Sans doute me faudrait-il être prudent. Mais le pari de ce site est que j’ai raison de faire confiance à mes correspondants. Les messages sont publics, nous ne sommes pas en consultation ; je ne connais pas la situation dont ils me parlent, et je dois partir de l’idée que leurs récits sont exacts. Et qu’ils assument le risque de mes réponses.

Reprenons donc les éléments que vous donnez.

Il s’agit d’une dame pas très âgée, pas jeune non plus, qui présente un cancer du sein multimétastasé découvert il y a deux ans. Elle n’a pas voulu le traiter, et il se peut qu’elle ait eu raison, tant la situation était compromise. Il ne faut pas s’illusionner : quand vous parlez d’un cancer évoluant depuis deux ans vous êtes victime d’une illusion, car le cancer est en route depuis bien plus longtemps. La chimiothérapie par Xeloda est souvent efficace, mais on sait bien qu’elle ne peut rivaliser avec les traitements plus lourds ; ici nous constatons qu’il y a probablement un échappement, car l’épanchement pleural a toute chance de correspondre à une évolution de ses métastases. Tout cela est malheureusement dans l’ordre des choses, et il n’est pas si fréquent qu’une patiente dans cette situation bénéficie d’un tel répit. Cela suffit presque à répondre à votre question : la situation est-elle grave ? Oui, elle l’est, et depuis longtemps.

Il faut ensuite essayer d’analyser ce qui s’est passé. En soi, ni l’infection respiratoire, ni la défaillance cardiaque, ni l’entérocolite à clostridium ne sont très dangereuses (le germe s’appelle clostridium difficile, mais ce qui est difficile ce n’est pas le traitement c’est le diagnostic). Par contre ce qui est péjoratif c’est le fait qu’elles surviennent en même temps, et que cela dit quelque chose sur l’état général de votre mère. Vous êtes désarçonnée par la brutalité de cette décompensation, et je le comprends ; mais c’est malheureusement assez habituel : le feu couve sous la cendre, et ce n’est qu’en apparence que la malade semblait aller bien ; allons plus loin : quand ils sortent de la crise et s’améliorent, il vaut mieux ne pas s’y fier. Et en toute hypothèse ces événements montrent que votre mère arrive au bout de ses ressources. Et c’est pourquoi l’oncologue pense que dans cette situation la poursuite d’une chimiothérapie, même peu agressive, est plus nuisible qu’utile. Ajoutons que votre mère le sait : elle est parfaitement au courant de son cancer, et elle n’est certainement pas dupe de la signification de ce qui se passe (on se demande pourquoi les seuls malades qui ne pensent pas au cancer seraient ceux qui en ont un, et pourquoi les seuls à ne pas penser à la mort seraient ceux qui y sont affrontés ; qu’il y ait des mécanismes protecteurs est une autre question), même si elle n’en parle pas. D’où sa baisse de moral.

La suite va malheureusement de soi.

Vous ne connaissez pas le stade de la maladie. Moi non plus, et je m’en moque ; je n’ai jamais attaché la moindre importance à ces prétendus stades des cancers, qui ne permettent aucune conclusion pour un malade donné ; et je vois que ses médecins pensent la même chose : ce n’est pas qu’ils ne seraient pas capables de déterminer un stade, c’est que cela ne les intéresse pas plus que moi ; nous n’avons pas besoin de ça pour savoir que la situation est grave. C’est ce qu’ils vous ont dit.

Dans ces conditions l’intervention d’une équipe de soins palliatifs est une évidence. Car il est capital de préparer les choses, de les anticiper, de faire connaissance de la malade alors même qu’aucune urgence ne vient compliquer la relation. À quel délai aurez-vous besoin de recourir à elle ? Je ne le sais pas, bien sûr. D’ailleurs les quinze jours que vous venez de passer suffisent à vous montrer que la situation est bien plus fragile que vous ne pensiez.

Alors, votre mère est-elle en fin de vie ? Je crois que vous le saviez déjà. Que signifie ce : être en fin de vie ? En termes de délai, je ne peux rien en dire d’utile. Mais certes la menace se précise, avec de surcroît un caractère imprévisible.

Je comprends tout ce qu’une telle situation a de douloureux ; et j’espère que vous aurez la bonne surprise d’un répit supplémentaire.

Bien à vous,

M.C.

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