Poster un message

En réponse à :

Le Président, le dément et la dignité

, par Armand Stroh

Bonjour,

Je reprendrai plus tard les éléments du débat entamé sur la question précise de la légalisation de l’ "euthanasie d’exception" d’une part et du "suicide assisté" d’autre part ( car il s’agit là en effet de deux questions différentes , mais dont les argumentations pour ou contre ont souvent les mêmes origines ).
Et peut être vaudrait-il mieux continuer ce débat sur un autre de vos fils de forum que celui-ci , dont le titre initial "Le président , le dément et la dignité" , n’est pas explicitement évocateur pour d’autres interlocuteurs .

Je voudrais simplement ici reprendre votre remarque concernant l’ ambigüité de la notion de "dignité" .

Il me semble assez clair , vu votre référence chrétienne, que lorsque vous parlez d’ "absolu" en ce qui concerne la "dignité humaine" , cet aspect "absolu" est sans doute fondamentalement lié dans votre esprit à la notion d’absolu divin . Si ce n’est pas le cas , démentez cette impression de ma part .
Pour concrétiser ma question : imaginez que vous n’ accordiez plus de valeur particulière à votre croyance religieuse , que l’ idée d’un "absolu divin" n’ ai plus de sens pour vous , reconnaitriez-vous le même sens "absolu" dont vous parlez à la "dignité humaine" ?

Si les deux sont pour vous indissolublement liés , de sorte qu’en perdant la référence divine , vous perdriez aussi la référence de l’ "absolu de la dignité humaine" , alors il est clair que nous ne pouvons pas donner le même sens et la même portée au mot "dignité" , même dans son premier sens "absolu", vu que je suis moi-même athée , et que je peux cependant convenir d’une certaine forme "inaliénable" de la "dignité humaine" , totalement déconnectée d’une quelconque croyance religieuse et notamment d’une référence de type "absolu divin ou transcendant" .

Sinon , si - dans cette expérience de pensée imaginaire où vous ne seriez plus adepte d’un "absolu divin" , vous conserviez malgré tout cette exigence d’ "absolu de la dignité humaine" , nous pouvons alors chercher en commun à quels types d’autres références soit juridiques au sens positif , soit morales au sens philosophique "humaniste" nous nous référons quand nous parlons de "dignité humaine inaliénable" .

1. Au niveau de l’ aspect purement "juridique" au sens du droit positif , celui des textes au nom desquels on peut être "traduit en justice" devant un tribunal d’un "état de droit" ou aujourd’hui devant une instance juridique internationale,
la "dignité humaine" est en effet clairement définie comme inaliénable et notamment dans la "Déclaration Universelle des Droits de l’Homme" de 1948 , dans le préambule et notamment aussi dans le premier article "Tous les êtres humains naissent égaux en DIGNITE et en droits ..."

Le caractère "inaliénable" et le fait qu’on ne peut donc ici jamais parler d’un "plus" ou d’un "moins" de "dignité" puisque l’ article 1 parle précisément de l’ égale dignité de tous les êtres humains , ceci provient - au niveau simplement de la légalité juridique positive - du fait de la valeur accordée par les "Etats de droit" à leur propre signature et engagements liés à cette Déclaration Universelle" et au fait que ce texte fait toujours encore "force de loi" , peu importe l’ origine historique de départ des notions de droit qui ont pu y être reprises :
Précisément , dans ce droit positif moderne, ce n’est pas l’ origine culturelle historique qui confère de la "valeur juridique" , mais le simple fait que les instances politiques et juridiques des "parties signataires" y souscrivent .

Nous pourrions donc simplement déjà être d’accord sur ce constat juridique de l’ état du droit international actuel ( et du droit national par conséquent puisque la constitution française y souscrit explicitement ) :
Un certain sens "absolu" de l’ expression "dignité humaine" , non susceptible d’un "plus" et d’un "moins" de dignité et considéré comme caractéristique inaliénable des êtres humains est explicitement déclaré comme tel par la Déclaration Universelle ., et le remettre en question serait explicitement remettre en question l’un des principes fondamentaux des Droits de l’ Homme .

OR tous ceux qui parlent de situations plus ou moins "dignes" , ne parlent évidemment pas de cela , ils ne remettent nullement en cause , au contraire , l’ "éminente dignité de la personne humaine" , ils remettent en cause un certain nombre de conditions réelles , naturelles ou sociales , qui ne sont pas CONFORMES à cet idéal de "dignité" .

Vous prétendez ne plus vouloir utiliser le mot "dignité" QUE dans son sens "absolu" ( dont il reste à préciser si l’ aspect "absolu" signifie pour vous "commandement divin" ou un autre sens plus "profane" comme le simple sens juridique positif auquel je faisais précédemment allusion ) .
Et vous cherchez une autre expression pour la "dignité relative" des SITUATIONS vécues comme non conformes àl ’idéal de dignité.

Alors je vous demande - puisque vous vous référez aux usages chrétiens de la notion de "dignité" - comment vous allez traduire une expression que vous connaissez bien sans doute :

"Seigneur, je ne suis pas DIGNE de vous recevoir, mais dites seulement une parole et je serai guéri"

Cette expression tirée de votre propre culture religieuse semble bien indiquer qu’ à un moment le "pécheur" ne se sens pas ou n’ est pas "digne" et qu’ après l’ effet de la "parole" , cette "dignité" est "rétablie" . Il y aurait donc changement de "dignité" ?
Le "pécheur" ne serait-il pas "aussi digne" , avant d’avoir "péché" , après avoir "péché" , puis de nouveau après avoir été "absout du péché" ?

Je ne suis pas suffisamment savant en matière de textes canoniques , mais on pourrait peut être trouver d’autres usages tout à fait "chrétiens" où une certaine "dignité" peut être "augmentée" ou "diminuée" .

Si je voulais ici chercher une polémique symbolique , au coeur même de la problématique chrétienne du salut, c’est évidemment la question traditionnelle du "péché originel" qui pourrait être ici posée :

Comment donc : Avant la "chute" , après la "chute" , puis de nouveau "après la rédemption" , n’y a-t-il pas quelque chose comme une "variation" de "dignité humaine" ? cherchez bien , dans vos textes théologiques ou ecclésiastiques de référence , tous les usages qui peuvent y être faits techniquement du mot "dignitas" . Il n’est pas sûr qu’ils traduisent tous une "constance immuable de la dignité humaine" quelque soit l’ "état de péché" .
Mais peut-être que je me trompe , c’est peut-être une autre expression qui est utilisée dans ce cas.

Mais je trouve alors bizarre qu’un chrétien puisse dire "je ne suis pas digne de te recevoir" si la "dignité" est absolue et inconditionnelle ... parce que à ses yeux , l’ "amour de Dieu" est inconditionnel ( "miséricorde infinie" ) et qu’il devrait se savoir d’avance constamment "reconnu en dignité" : le "je ne suis pas digne" ne serait alors qu’une minauderie hypocrite , une grimace de contrition , un faux semblant , une "façon de parler" ?

Ou alors est-ce bien à ses propres yeux personnels qu’il dit qu’il "ne se trouve pas digne" ?

Refuserez-vous désormais de dire "Seigneur je ne suis pas digne de vous recevoir " ?
Ou allez vous aussi accepter que d’autres puissent aussi utiliser cette expression courante française ?

Pourquoi auriez-vous le droit de dire "Seigneur je ne suis pas digne de vous recevoir" , en refusant à un autre être humain de dire que dans certaines situations "il ne ressent plus la situation qui lui est faite comme digne de la dignité humaine" ( j’utilise bien évidemment à dessein la même expression dans ses deux dimensions différentes ) ?

Cette longue parenthèse était simplement là pour rappeler que nous ne devons pas prendre la lettre pour l’ esprit !

2. Comme j’ ai déjà été assez long pour aujourd’hui, je réserve pour une autre fois le développement d’une deuxième référence possible pour moi d’une "dignité humaine inaliénable" , non plus au sens simplement juridique positif, mais dans une signification "humaniste" , désormais largement "séparable" du point de vue de sa "justification" , de toutes les références culturelles historiques particulières qui ont pu à un moment de l’histoire contribuer à cette émergence future .

Lorsque vous rappelez la contribution historique du christianisme à une certaine idée de l’ universalité des "droits de l’ homme" , ce n’est bien évidemment pas pour moi une "justification" , et l’ essentiel des concepts modernes des droits de l’ homme me semblent même plutôt en rupture notamment avec une certaine conception de la "transcendance" de la loi morale ou du droit , précisément à cause de la "sécularisation" progressive des références du droit.

A titre personnel je propose même d’ aller désormais vers une étape encore plus "radicale" :
c’est bien l’ homme comme "esprit libre" que je propose de placer à l’ origine même de sa propre justification "morale" ; de ce point de vue donc , comme "législateur moral" , comme exactement "équivalent" à la "prérogative" que vous accordez à "Dieu" .

Il ne s’agit pas ici évidemment de prétendre mettre l’ homme" , comme espèce biologique particulière , " à la place de Dieu" , même du "Dieu moral".

Ce n’est pas en tant qu’espèce particulièrement "puissante" - même si cette puissance reste ridicule proportionnée à la puissance de l’univers ou du "réel" - que je propose de justifier son caractère d’ autonomie morale radicale.
Car une quelconque puissance , comme pure force de fait , n’est pour moi jamais justification de quoi que ce soit : le fait n’instaure pour moi jamais un droit moral .

Ne reconnaissant aucune "autorité morale" du simple fait de sa "puissance" éventuelle , cela est vrai pour moi aussi bien pour les "puissances terrestres" , comme une prétendue "souveraineté nationale" , "souveraineté des peuples" , que pour celle de l" humanité" considérée comme espèce , que pour l’ "univers" ou le "réel" , ou ce que vous appelez peut-être "Dieu" en tant que simple "puissance" ( au sens courant attribué par exemple au dieu unique de la "toute-puissance" : même une "toute-puissance" comme capacité "créatrice" universelle ne serait pas pour autant - comme puissance , moralement "justifiée" )

Mais c’est désormais l’ "esprit de liberté humain" ( ou de quelque espèce terrestre ou extraterrestre capable de se penser comme "libre" ) , qui s’"autorise" lui-même , en tant qu’ "égale liberté universalisable" de toutes les êtres conscients de leur propre liberté possible , à être désormais le premier principe d’une "morale" universalisable possible .

Le type de "dignité humaine" ici instaurée relève alors directement de cette libre volonté de considérer à la fois sa propre liberté personnelle ET A EGALITE , celle de tout autre "esprit libre" possible dans l’ univers comme partageant en commun et à égalité le fondement "radical" de toute "autorité morale" désormais reconnaissable par ces "esprits libres".

Autrement dit : les "esprits libres" n’ont plus "besoin" aujourd’hui déjà , et encore moins demain , d’une parole qui vienne les "autoriser" d’ un "ailleurs" , d’un extérieur à "eux-mêmes" pour dire comme dans un verset célèbre que vous connaissez sans doute "Vous-êtes des dieux" .

Accomplissant cette parole même ( si en tant que croyant , vous tenez encore à l’ "extériorité" ou à la "transcendance" d’une telle parole, libre à vous ) , nous sommes déjà "en esprit" l’ "égal" de tout esprit libre possible , pour autant que nous reconnaissons de la même façon cette même "liberté radicale" en chacun des autres ( appelez là "nature divine" si vous voulez , si cela consonne davantage avec votre tradition culturelle propre : l’ "esprit" parle en "langues" , chacun peut l’ entendre parler dans la sienne )

Pour rester dans vos références ( mais peut-être plus "orthodoxes" que catholiques romaines ? ) :

http://evangile-et-liberte.net/elements/numeros/197/article9.html

Maintenant si jamais vous voulez accuser ces "esprits libres" de "blasphème" ou d’ "orgueil démesuré" du fait de se penser - du point de vue moral- "à la place de dieu" , méditez sur le fait que vous pourriez être juste en train de répéter les mêmes arguments que ceux qui au début de l’histoire se sont scandalisés de la "double nature divine et humaine" du Christ .

La page du site auquel je vous renvoie - alors que je suis "athée" - me semble bien traduire des considérations théologico-anthropologiques qui devraient faire réfléchir bien des "croyants" quant à la supposée "distance" de l’ homme au "divin" .

Cordialement
Armand Stroh , esprit libre , comme vous , sans doute , si vous le voulez ... librement.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.