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En réponse à :

Le diabète en fin de vie

, par Michel

Bonjour, Sara.

Effectivement, c’est une situation très difficile, et je ne suis pas sûr qu’il y ait une solution. Et je suis encore moins sûr d’être capable de vous en dire quelque chose alors que je n’ai pas vu votre mère. D’ailleurs si les soignants qui l’ont en charge ne savent plus quoi faire, on se demande comment je pourrais avoir une parole sensée. Je peux peut-être me risquer à vous donner des grilles de lecture, sans être en mesure de vous dire laquelle est la bonne, à supposer qu’il n’y en ait pas plusieurs.

Ce qui crève les yeux c’est qu’elle est en souffrance ; et qu’on le serait à moins. Elle voit de manière sans doute très lucide que l’évolution qui l’attend n’est guère acceptable.

Si on prend ses propos au pied de la lettre, alors elle dit clairement qu’elle ne veut pas vivre cela, qu’elle veut mourir. Au risque de vous choquer je vous dirai que ce désir est légitime et respectable ; et que la première chose à faire est de l’entendre. C’est une liberté fondamentale que nous avons, la base de toutes les autres, que de décider si nous voulons vivre ou non. Je refuse l’euthanasie, je refuse qu’on légalise le suicide assisté, mais en contrepartie j’exige qu’on respecte mon désir de ne pas voir ma vie prolongée inutilement et, le moment venu, je veux qu’on m’obéisse si je décide que je ne veux plus être soigné ; et si nécessaire (ce l’est rarement) je veux qu’on m’endorme.

Mais elle n’est pas constante dans son désir. Tantôt elle prend son traitement, tantôt non. Elle se comporte comme si sa décision était variable, oscillante, hésitante. C’est très déroutant. Mais n’est-ce pas la moindre des choses ? Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. Ce n’est pas parce qu’an moment de sauter on trouve la marche un peu haute qu’on n’a pas envie de sauter : pour ma part j’ai toujours rêvé de faire du deltaplane, et pourtant ce n’est pas demain qu’on m’y prendra. Ainsi quand la vieille personne demande : « Mais quand donc vais-je enfin mourir ? », on raille son discours au motif que dès qu’elle tousse un peu elle se précipite chez le médecin ; on a tort.

Et si elle jouait une comédie ? Si c’était là le moyen qu’elle a trouvé d’attirer votre attention, et de vous captiver au sens premier du terme ?

Certes cela se peut. Allons plus loin : c’est. Songez à ce que vous écrivez : C’est très douloureux pour nous de voir sa souffrance et de se sentir totalement impuissant. Mais, précisément, de quoi s’agit-il dans cet accompagnement, sinon de partager au moins sa souffrance ? De ces situations on se débrouille comme on peut, et les enfantillages sont une solution. Tout comme l’est la satisfaction plus ou moins inconsciente de pouvoir manipuler son entourage, récupérant ainsi un peu de pouvoir sur son environnement quand tans de choses échappent. Ce comportement est donc aussi une manière de gérer la situation, et à ce titre il y aurait sans doute un risque à vouloir à tout prix le modifier. Le problème est que cela induit des à-coups dans la prise en charge, et que ces à-coups lui nuisent. Mais cela ne nous donne pas de moyens d’action.

Si je l’avais examinée, je pourrais étayer quelques hypothèses :
- Elle panique devant son évolution.
- Il y a une dépression sous-jacente.
- Il y a une démence sous-jacente.
- Les choses se passent ainsi parce qu’elle est dans un inconfort majeur.

Je serais tenté de prendre la main (mais je ne peux pas savoir ce que cette idée vaut). Il m’est arrivé de dire à telle patiente : « Madame, je crois que vous avez perdu tout espoir d’aller mieux. Il me semble que c’est une vision pessimiste. Ce que je vous demande c’est de me laisser faire pendant, disons un mois. Si dans un mois vous allez mieux, nous verrons à continuer si vous en êtes d’accord. Si je n’ai rien obtenu, alors je respecterai votre volonté ». Et je m’appliquerais en premier lieu à assurer impeccablement son confort et probablement à traiter une dépression. Mais je vous le redis : je parle dans le vide, car je ne l’ai pas vue.

Vous ne pouvez guère compter sur l’HAD, qui ne pourra jamais vous donner plus de quelques passages par jour (ce qui est déjà beaucoup).

Vous pouvez décider de l’institutionnaliser. Vous le pouvez parce que si, comme je le suppose, elle panique, cette décision aura pour elle un triple avantage :
- Elle sera prise en main par des inconnus, plus difficiles à manœuvrer.
- Elle sera rassurée par le fait que quelqu’un la dirige ; un peu comme ces enfants insupportables sur lesquels les parents n’ont pas d’autorité : ce sont des enfants qui paniquent, parce que si leur père n’est pas plus fort qu’eux, alors il n’y a plus personne pour les défendre contre un ennemi.
- Elle pourra prétendre que tout cela est votre faute, ce qui permet d’éluder bien des difficultés.

Mais ce n’est pas si facile à obtenir.

En revanche je sais que votre devoir absolu est de penser à vous.

Bien à vous,

M.C.

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