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En réponse à :

Les directives anticipées

, par Michel

Bonsoir, Bernadette.

Oui, nous sommes là en pleine pâte humaine, et c’est pourquoi aucune règlementation ne sera pertinente.

Après, plus je vais et moins je comprends.

Il y a des professionnels maladroits ; il y en a qui sont mal formés ; il y en a qui craquent. Mais je me demande si le jugement qu’on porte sur eux n’est pas totalement subjectif : on mettait à mort les messagers qui portaient de mauvaises nouvelles ; je me souviens de cet homme que j’avais entendu à la radio. Il racontait la manière dont le médecin, désolé, lui avait annoncé que son épouse était perdue ; et il commentait : "Il a été très dur, il faudrait tout de même que les médecins fassent des progrès en psychologie". Et je me disais que les mots de ce médecin auraient pu être les miens, et que je ne connais aucune bonne manière d’annoncer une mauvaise nouvelle.

Tous les éléments dont vous parlez sont vrais : il faut aussi faire la part de la souffrance du soignant ; d’un côté certes on n’est pas là pour soigner les soignants, de l’autre on ne peut pas vouloir des soignants humains et ne pas prendre en compte le fait qu’un humain ça souffre. La réaction du médecin de votre mari est exemplaire, d’autant plus exemplaire que, selon ce que vous dites, tout le monde savait, et le médecin aussi, que sa réponse était absurde : que le traitement soit ou non entrepris, le pronostic était le même.

Mais vous parlez de formation.

Vous avez raison, cela manque. Mais cela ne suffira jamais : car on ne peut former qu’à des techniques, c’est-à-dire quelque part à l’accessoire. Et je suis parfois épouvanté de voir comment certains professionnels se comportent comme si en psychologie il y avait des recettes. Je n’ai jamais eu de recettes, tout juste quelques phrases dont je connais l’effet et que je peux placer de temps à autre. Mais l’essentiel se fait les yeux dans les yeux, avec tous les risques que cela comporte. Je ne dis pas par là qu’il ne faut pas être formé, mais je dis qu’il ne faut pas se méprendre sur l’efficacité de ces formations ; si un grand nombre de professionnels n’arrivera jamais à se comporter de manière adéquate, c’est parce que le travail sur eux-mêmes qu’ils devraient accomplir serait trop intense.

D’ailleurs on touche là une limite à laquelle on ne songe pas.

Un salarié, c’est quelqu’un qui vend de son temps à un patron. Et cela est encadré par un contrat. Aux termes de ce contrat, le salarié échange une certaine quantité de temps contre une certaine quantité d’argent ; et le patron utilise ce temps pour demander au salarié d’accomplir les tâches qu’il souhaite (dans les limites de la fiche de poste, bien sûr) ; mais il lui est interdit de toucher à l’intégrité du salarié (et par exemple de se mêler de sa vie privée). Cela a deux conséquences au moins :
- Nous sommes tous les deux, enfin, je suppose, très attachés à la notion de conscience professionnelle. Mais il faut garder en tête ce qu’est la conscience professionnelle : c’est ce que le patron peut espérer obtenir de vous sans qu’il ait à vous payer pour le faire. La conscience professionnelle est ce pour quoi vous acceptez de vous faire exploiter.
- Nous sommes tous les deux, enfin, je suppose, très attachés à l’investissement personnel dans le travail. Mais précisément cet investissement personnel est ce que le contrat de travail interdit à votre patron de vous demander.

Donc quand on demande à un professionnel de soins palliatifs de s’investir, ou de faire un travail sur lui-même, on lui demande deux choses qu’on n’a pas le droit de demander à un salarié. Il faudrait pouvoir changer son statut, et cela ne va pas de soi.

Reste qu’en effet nous avons encore un peu de travail.

Bien à vous,

M.C.

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