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En réponse à :

Le droit au risque chez la personne âgée

, par Dom

Annick, un mot encore

Au-delà de ce que vous dit notre hôte (notamment sur le MiniMental, ma mère a été diagnostiquée "en déficit cognitif" à 23/30, deux ans exactement avant son entrée en institution, sans autre viatique que la recommandation de faire du Sudoku et de placer une chaise percée près de son lit...), je voudrais vous faire un aveu très intime, et très difficile.

Mon père est décédé subitement, en un quart d’heure, dans son lit.
Il était clair pour moi depuis un moment qu’il ne durerait plus, mais c’était juste une intuition - j’avais remarqué qu’il déclinait, mais je n’aurais pas su dire exactement pourquoi, sinon à des détails qui, en soi, ne me semblaient pas rédhibitoires, et que je mettais sur le compte de l’âge. Il n’a jamais fait le MiniMental, et s’il l’avait fait, je ne suis pas sûre qu’on aurait conclu à une dégradation notable de son état cognitif.

Mon aveu est le suivant, Annick : je suis heureuse de n’avoir pas connu avec mon père ce que je vis avec ma mère. Il y a sans doute là quelque chose d’ "œdipien", mais si j’ai pu accompagner ma mère, tant bien que mal, et sans doute plus mal que bien, dans sa terrible descente vers la démence, je ne sais pas comment j’aurais survécu à quelque chose de semblable avec mon père. Mon père était pour moi un roc, un monument, un pilier, et il me semblait tout simplement inconcevable qu’il devienne une pauvre chose fragile laissée à la merci de ceux qui voudraient bien prendre soin de lui.
Je crois que cela m’aurait fracassée, et malgré toute la colère que j’ai pu ressentir "après", quand j’ai dû, péniblement, reconstituer toutes ses affaires, auxquelles il ne m’avait évidemment jamais associée (pas plus que ma mère d’ailleurs), je lui sais gré de m’avoir épargné cela.
Aussi, je me demande parfois, (pardonnez-moi si ça ressemble à de la psychologie de bazar) si vos interrogations renouvelées vis-à-vis de l’état de votre père ne relèvent pas, en quelque sorte, de cette sorte de refus "œdipien" de l’affaiblissement du père auquel j’ai eu la chance d’échapper.
Encore une fois, j’avance sur la pointe des pieds : n’est-il pas infiniment plus difficile pour une fille d’accepter la dégradation de son père que celle de sa mère ? La violence de cette perte de repère (même quand on est grande, voire adulte, voire carrément déjà vieille... ) n’est-elle pas pire que celle de sa mère ? Comme si le fait d’être faite d’ "une même matière" féminine nous armait de d’avantage de résilience quand il s’agit de nos mères, et au contraire nous privait de cette capacité à faire preuve de lucidité et de sang-froid quand il s’agit de nos pères ?
Questions en pointillé, hypothèses à l’aveugle...

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