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En réponse à :

Les troubles du transit en gériatrie

, par Michel

Bonjour, Sylvie.

Je comprends votre dépit, voire votre agacement.

Oui ; il s’agit de choses simples, élémentaires, évidentes, mathématiques. Et on ferait un grand progrès si on cherchait à analyser ce qui peut bien se passer dans la tête des soignants pour qu’ils résistent à ce point à ce qui tombe sous le sens.

Si on le faisait, je prends le pari qu’on tomberait très vite sur un conflit autour des enjeux de savoir. L’un des éléments de ce conflit est que tout ce qui touche aux soins du corps renvoie à une figure maternelle. Et cette figure maternelle est celle de l’infirmière et de l’aide-soignante. Même si la démographie professionnelle appellerait à sérieusement nuancer ce que je dis, les faits sont que symboliquement le médecin est un homme et l’infirmière et l’aide-soignante une femme (voilà du beau grain tout frais à moudre pour les partisans de la théorie du genre). Toujours est-il que ce savoir maternel est le savoir infirmier. Du coup celui qui remet en question ce savoir commet un double crime :
- Il met en cause la soignante en tant que bonne mère, c’est-à-dire notamment comme mère compétente.
- Il met en cause le savoir infirmier. La question du savoir infirmier, celle du rôle propre, celle du diagnostic infirmier, est pour moi capitale. J’y ajoute même la question, non soulevée me semble-t-il, du rôle propre aide-soignant. Mais personne à ma connaissance ne va au fond des choses sur ce sujet.

La base du rôle propre, c’est le savoir infirmier ; à condition de dire que ce savoir n’est pas une simple démarque du savoir médical : tant qu’on réduira le rôle propre à un assortiment de choses qu’une infirmière est tout de même bien assez capable de faire, on passera à côté de ce qu’il faut voir. S’il y a un savoir infirmier, il doit être distinct du savoir médical ; il doit s’agir d’un ensemble de choses que l’infirmière sait parce qu’elle est infirmière, et que le médecin ne peut pas savoir parce qu’il est médecin. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas tout savoir, ce n’est pas parce que nos savoirs sont lacunaires, c’est parce que par endroits ils sont radicalement incompatibles. Je dis à propos d’Yves Gineste que ce que j’ai appris de lui c’est tout ce qui concerne le mouvement, parce que le médecin travaille sur l’immobile, et que lui est professeur d’éducation physique.

Ce que je décris existe ou n’existe pas. Mais s’il n’existe pas, alors il n’y a pas de savoir infirmier. Je maintiens qu’il existe, mais jusqu’ici je n’en ai pas trouvé d’exemple totalement indiscutable.

On comprend mieux alors pourquoi les choses se passent comme elles se passent. Les infirmières revendiquent cette spécificité, et elles ont raison. Mais tant qu’elles chercheront à élaborer ce savoir sur le modèle du savoir médical, elles passeront à côté de la question. Du coup, conscientes malgré tout de la fragilité de ce savoir à côté de la plaque, elles montent au créneau chaque fois qu’on le questionne ; elles s’insurgent chaque fois qu’on essaie d’apporter des éléments scientifiques car elles croient trouver leur salut dans un empirisme ; et elles verront d’un très mauvais œil un médecin qui s’intéresse à leur savoir. J’ai été sidéré, un jour où je voulais procéder à l’évaluation en équipe de la douleur d’un patient pendant sa toilette (l’évaluation en équipe est une obligation méthodologique chez le sujet non communiquant), d’apprendre que les infirmières avaient pris cette demande comme une marque de défiance de ma part, comme si je doutais de leur observation, comme si je doutais de leur compétence en matière de toilette.

Et c’est aussi ce qui explique que si les infirmières revendiquent très fort leur savoir infirmier et leur rôle propre, on n’a guère de succès quand on leur propose (je l’ai fait) de participer à un travail sur le rôle propre aide-soignant : quand on le fait on n’obtient qu’un rappel aux textes qui disent clairement que l’aide-soignante n’a pas de rôle propre, oubliant par là qu’il n’y a pas si longtemps les textes disaient la même chose de l’infirmière.

Je vous recommande de continuer votre combat. Et la question du transit est un extraordinaire terrain pour cela.

Bien à vous,

M.C.

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