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En réponse à :

Le grabataire en fin de vie

, par Michel

Bonjour, Antonio.

Malheureusement, il n’y a pas grand-chose à chercher dans le problème que vous posez.

Relevons tout d’abord un point sur le début de cette affaire. Cette dysphagie a été prise tardivement. Mais il y a au moins deux explications qui viennent immédiatement. La première est que si, comme vous l’indiquez, votre mère a eu deux fois l’expérience d’interventions chirurgicales qui se sont mal passées (et il faut là être prudent avant de tenir pour des fautes ce qui relève bien souvent de la malchance, mais peu importe), on comprend qu’elle ne se soit pas sentie très pressée de se faire soigner. La seconde est que la dysphagie est l’un des symptômes les plus difficiles à prendre en charge : on ne peut pas l’analyser aisément, et on sait que les implications psychologiques y sont majeures ; c’est ce qui fait qu’on le sous-estime souvent, et qu’il n’y a guère moyen d’éviter l’erreur, sauf à déployer à chaque alerte toute l’artillerie lourde des examens ORL. Il vous faut donc nuancer votre sentiment de culpabilité : sans doute y a-t-il eu erreur, mais ces erreurs sont pratiquement imparables.

Cela dit, la situation que vous décrivez (mais peut-être votre description est-elle trop pessimiste ? il faudrait connaître le cas, et je me vois ici amené à parler sans savoir) est grave.

Elle est grave parce qu’elle dure, et que si la dénutrition a été constatée (comment ? y a-t-il eu une biologie suffisamment affûtée ?) en avril, elle n’a fait que s’aggraver ; à la limite ce serait une raison d’espérer, car si en avril la dénutrition avait été « extrême », il est surprenant que votre mère soit toujours vivante. Elle est grave parce que la malade est maintenant hospitalisée depuis cinq mois, et que les complications de la grabatisation vont être très difficilement réversibles.

Où est-elle ? Dans un service de médecine ? Un service de gériatrie ? Un service de soins de suite ?

Voici qu’on trouve un anévrysme. On le trouve par hasard, car il est probablement hors de cause. Mais on l’opère ; soit.

Elle fait une pneumonie post-opératoire, ce n’est pas le plus grave. L’escarre présente un tout autre enjeu, mais elle ne se fermera que si votre mère remarche et remange, donc il faut la laisser de côté.

Plus gênante est la confusion post-opératoire, car la pratique courante montre que dans environ 50% des cas, ces confusions post-opératoires surviennent chez des Alzheimer passés inaperçus. Il faudra s’en souvenir, mais nous n’avons pas le choix ; et il reste 50% des cas où la confusion n’est suivie par rien du tout. Laissons donc cela de côté.

Par contre il y a une sténose de l’œsophage. Je suppose que c’est un diagnostic prouvé, et non une simple hypothèse ; je suppose aussi qu’on a vérifié que cette sténose est suffisamment grave pour expliquer la dysphagie. J’y insiste, parce que tout cela n’est pas facile à prouver, et qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne.

Mais si tout cela est prouvé, alors je me demande s’il ne faudrait pas raisonner autrement.

Entendons-nous : je suis très heureux d’être retraité, et de n’avoir pas à m’occuper d’une telle malade. Je comprends parfaitement qu’aucun médecin ne soit enthousiaste à l’idée d’intervenir. Mais je me demande si vous avez le choix. Car de deux choses l’une : ou la malade fait des progrès, ou elle n’en fait pas. Ou son état nutritionnel s’arrange, ou il ne s’arrange pas (et je doute fort qu’une alimentation entérale suffise). Mais ce sont les seules questions qui se posent, et l’équipe médicale peut vous répondre sur ce point. Car il est exclu que la situation reste stable : ou elle s’améliore ou elle s’aggrave. Et si elle s’aggrave, alors le traitement de la sténose (mais est-il possible ?), même s’il est effectivement très dangereux, doit être envisagé coûte que coûte parce que toutes les autres options sont perdantes. La difficulté est de trouver un médecin qui accepte d’assumer l’éventuelle culpabilité d’une malade qui meurt sur la table ou qui entre dans un cycle infernal de complications dont il se tiendra (indûment, mais c’est une autre histoire) pour responsable. C’est ainsi qu’on a souvent beaucoup de mal à obtenir des médecins qu’ils consentent une action de sauvetage, alors qu’à bien considérer les choses l’abstention est encore pire.

Je ne me pose pas la question de l’origine de la sténose ; elle se pose pourtant, et la réponse pourrait avoir des conséquences, notamment sur la possibilité de la traiter.

Mais à ce point, je dois encore insister : la situation est-elle exactement conforme à ce que vous décrivez ? N’y a-t-il aucun élément que vous ignoreriez, ou que vous sous-estimeriez ?

Si toute cette analyse est exacte, alors il n’y a pas à se demander quelle est la cause de son état d’épuisement. Toutes les explications nécessaires sont sous vos yeux : hospitalisation prolongée, dénutrition, escarre, cela suffit.

Je vous proposerais donc de faire le point avec votre mère, puis avec l’équipe. Il faudra qu’un gériatre donne son avis ; il faudra aussi faire un bilan intellectuel. Ensuite il faut reprendre sur d’autres bases la discussion sur la sténose œsophagienne. Mais si la malade le désire, et s’il n’y a pas d’impossibilité technique, alors il se pourrait bien qu’il soit plus dangereux de ne pas intervenir que de le faire.

Y a-t-il un espoir ? Probablement oui, en effet. Mais il y a lieu malheureusement d’être pessimiste.

Bien à vous,

M.C.

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