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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Marie.

Votre histoire est à la fois désolante et simple. L’histoire de ces situations anodines, auxquelles on ne comprend rien, qui n’ont aucune raison d’être graves, et qui pourtant finissent mal.

Elle a présenté des signes compatibles avec une allergie à la pénicilline. Mais on ne lui donnait pas cette pénicilline pour rien, et on sait maintenant que si ç’avait été une allergie la taux n’aurait pas récidivé après l’arrêt du traitement en cause. On ne voit pas davantage le rapport entre la toux et la diarrhée.

Toujours est-il qu’elle va bien mais qu’elle glisse inexorablement sans qu’on sache pourquoi. On a si peu de piste qu’on ne sait plus très bien quoi proposer ; alors on se résigne à jouer la carte de la dépression, avec cette difficulté que les antidépresseurs sont des médicaments d’action lente, et qu’il va falloir un peu de chance pour qu’ils aient le temps d’agir, à supposer qu’il y ait une dépression, j’y reviendrai. On tente un nouvel antibiotique, sans aucune indication de sa pertinence, mais que faire d’autre, sinon supposer qu’il y a malgré tout une infection respiratoire, même sans biologie perturbée, même sans radio explicite. Je connais tout ça, je l’ai vécu. Et la terreur pour le médecin de passer à côté de ce qu’il fallait voir.

Les vieilles personnes pensent à la mort beaucoup plus qu’elles ne le disent, et peut-être ne le croient. Et il vient un temps où elles l’espèrent. Cela ne leur interdit pas d’en avoir peur. Mais il arrive qu’à l’occasion d’un épisode aigu plus ou moins sérieux elles fassent l’expérience de cette proximité et qu’elles se laissent aspirer, un peu comme si elles sautaient sur l’occasion. Je dis cela parce que cette attitude ambivalente vis-à-vis de la mort est souvent assimilée à une dépression, parce que nous vivons sur l’idée, totalement fausse, que tous les humains veulent à tout prix vivre le plus longtemps possible, alors que ce n’est pas le cas. L’erreur n’est pas grave, à condition de se souvenir que les antidépresseurs n’ont dans ce cas aucune efficacité.

Mais que faire ?

Rien, sans doute.

Il vous faut avant tout accorder toute leur importance à ce qu’elle dit : Il y a 4 mois, elle regardait les lignes de sa main se demandant combien de temps il lui restait à vivre. Avant l’hydratation, elle disait vouloir qu’on la laisser mourir tranquille chez elle. A son retour elle disait aussi vouloir mourir, que 85 ans étaient lourds à porter. Maintenant elle ne parle plus de la mort, essentiellement parce que ce n’est plus nécessaire.

La bonne attitude est très difficile à trouver.

Si elle ne veut plus se battre, il vous faut absolument le respecter : j’espère bien que, le moment venu, on me laissera décider, même implicitement. Mais si vous devez respecter sa liberté, vous n’avez pas lieu de renoncer à la vôtre. Et votre liberté est de lui dire que vous n’approuvez pas son choix. Quand mon gamin a décidé qu’il ne voulait pas faire d’études, j’y ai consenti, je ne l’ai pas approuvé.

Cela suppose que vous discutiez (sous quelle forme ? Avec quelle concertation avec le reste de la famille ?) avec elle. Lui dire que vous l’aimez, que si c’est cela qu’elle veut vous l’accompagnerez sur ce chemin. Mais vous pouvez aussi essaye de négocier :
- Lui dire par exemple qu’avant de jeter l’éponge vous voulez qu’elle accepte une ultime hospitalisation en gériatrie pour vérifier que vraiment il n’y a rien à faire.
- Lui dire que cet affaiblissement n’est pas normal, et que vous voulez qu’elle accepte un séjour en soins de suite/rééducation, en lui promettant (vous croira-t-elle ?) que ce séjour ne durera pas plus de deux ou trois semaines.

En tout cas ne jamais la forcer, tout simplement parce que cela ne marchera pas ; et que cela romprait la confiance sans laquelle vous n’aurez rien. Votre rôle est de lui dire que vous aimeriez qu’elle mange, et de lui proposer ce qu’elle aime (on se moque ici de la diététique), lui mettant en scène que c’est important pour vous ; mais en aucun cas insister.

Les choses iront où elles voudront. Mais vous aurez rempli votre rôle, qui est de l’aimer.

Bien à vous,

M.C.

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