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En réponse à :

La communication avec le dément

, par Michel

Bonsoir, Cyril.

Je suis un peu mal à l’aise pour vous répondre, car votre question est très compliquée.

J’aurais envie de vous dire qu’il n’y a pas de moment propice à la communication avec le dément. Ou plutôt qu’on ne peut pas poser le problème comme ça.

Vous ne vous demandez pas quel est le moment le plus propice pour communiquer avec vos proches, n’est-ce pas ? Bien au contraire, vous considérez :
- Que lorsque vous êtes avec eux, vous êtes en communication permanente.
- Que de toute manière, le moment propice, s’il y en a un, est celui que l’autre aura décidé.
Il en va de même avec le dément. Non seulement c’est largement lui qui décide de la communication, mais encore quand on est en sa présence tout est communication. Et cela est encore renforcé par le fait que la démence génère une perturbation de la communication, ce qui rend encore plus strictes les conditions à respecter pour y parvenir. Donc il n’y a pas d’autre choix que d’être en alerte permanente, et en disponibilité permanente.

Après, tout dépend de ce qu’on veut faire.

L’essentiel du travail, c’est d’être ouvert, réceptif à ce que le dément veut nous faire connaître. Car l’erreur est classique, de croire qu’il s’agit de savoir ce que nous allons dire au dément, alors que la question est de savoir ce que nous allons entendre.

Mais il peut arriver que le soignant ait besoin de dire quelque chose au dément. Dans ce cas, il est évident qu’il faut choisir un moment où tout le monde est au calme (et notamment le soignant), en évitant les moments de fatigue, de stress, de bruit. Ces entretiens doivent se planifier, quitte à les décaler si les circonstances ne s’y prêtent pas. Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que la démence est source d’angoisse, et ce de multiples manières ; l’entrée en communication y rajoute, car le dément sait fort bien qu’il va s’y trouver en difficulté, voire en danger. Il faut donc avant tout créer des conditions de calme.

Quant à savoir comment... C’est un art pas très difficile mais assez déroutant. Je dirais que la première condition est d’y croire ; croire que le dément peut parler, qu’il peut se faire comprendre, qu’il sait ce qu’il veut dire, même s’il a perdu les moyens de le dire. L’habitude apprend peu à peu à entendre entre le mots comme on lit entre les lignes, à suivre le malade dans le cours souvent étrange de ses pensées, à pallier le manque de mots au moyen des messages non-verbaux, à savoir ne pas insister, ne pas mettre en difficulté... Tout cela n’est pas très difficile mais demande une bonne pratique. L’essentiel, je le répète, est de garder une foi intacte dans les capacités intellectuelles du dément. Devenir dément n’est pas devenir idiot, c’est perdre les moyens de mettre en mots ce qu’on pense.

Je serais très circonspect sur la notion de "crise de démence". La démence n’évolue pas par crises. Ce qui le fait croire c’est qu’en temps ordinaire le dément arrive à masquer son trouble de manière très efficace ; du coup c’est quand il est déstabilisé par quelque chose (angoisse, trouble physique, etc), quand il perd ses moyens de compensation que ses lacunes peuvent devenir plus évidentes, faisant croire à tort à une aggravation. De même les réactions d’agitation/agressivité qu’il peut présenter ne sont pas des "crises de démence" mais des troubles surajoutés, avec un début et une fin.

Lors de telles crises, il est rare que le malade soit accessible à une approche verbale. Les moyens à utiliser sont plutôt de l’ordre du non-verbal : je veux dire que ce qui ressort alors chez l’humain, c’est son animalité, et que les signaux que nous devons envoyer pour aider à calmer la crise sont des signaux essentiellement non-verbaux. Les mots qu’on dit alors sont surtout utiles par la charge affective qu’ils peuvent transporter, par la tonalité de la voix, par l’apaisement qu’ils peuvent procurer, et non par leur contenu objectif.

Tout cela s’apprend, à coups de petites expériences ; ce n’est pas si compliqué...

Bien à vous,

M.C.

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