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En réponse à :

Malice, ruse, mensonge

, par Michel

Bonjour, Dom.

Nous avons déjà parlé de cet exemple, et vous savez combien je partage votre point de vue. Quand on veut reconstituer autour du dément un monde qui serait « comme chez lui », on ne fait que manifester sa méconnaissance crasse de ce qu’il vit réellement, et qu’un peu d’observation permettrait pourtant de découvrir (ah, l’anosognosie…). Pire : comme vous le soulignez, on le place dans un monde qu’on pourrait à bon droit qualifier de kafkaïen, monde qui est comme chez lui alors que la seule chose qu’il n’a pas oubliée c’est qu’il n’est pas chez lui. Le monde du Prisonnier, en somme.

Mais j’apporterais deux réserves.

La première est, bien sûr, qu’il ne faut pas être catégorique : ma belle-mère a voulu des meubles qui lui rappellent sa maison.

La seconde est beaucoup plus importante : ce dont je parle à propos de la variabilité du bien ne relève d’une ignorance mais d’un questionnement philosophique majeur.

Comment fait-on pour définir le beau ? Nous savons tous que c’est un problème infernal, et que dans le musée nous n’avons pas plus de ressources que Monsieur Jourdain. Nous admirons la Joconde parce qu’il y a un surmoi culturel qui nous interdit de la trouver moche ; pour avoir lu, relu et approfondi je suis devenu (relativement) capable d’admirer le travail du peintre, de saisir son idée, de ressentir une certaine émotion devant l’œuvre. Mais je n’en voudrais pas chez moi. N’allons pas plus loin, ce n’est pas le lieu ; ne dissertons pas de la différence entre le joli et le beau. Je crois savoir que Kant sert toujours de référence dans ce domaine, mais quand il écrit : le beau est ce qui plaît universellement sans concept, je veux bien un exemple.

Il en va de même pour le bien ; je crois même que cette question pourrait à elle seule résumer toute l’histoire de la philosophie. Les conceptions changent pour des raisons somme toute légitimes : par exemple pour un philosophe grec l’homme digne de ce nom garde son autonomie de décision quelles que soient les circonstances extérieures et les adversités qui l’assaillent ; pour un marxiste il y a les libertés fondamentales et les libertés formelles. Mais elles changent aussi pour des raisons beaucoup plus glauques d’opportunité, comme on le voit tous les jours.

C’est pour moi la principale critique à adresser à l’éthique téléologique.

Je ne méconnais pas que ma formation chrétienne me fait plus proche de l’éthique déontologique : je n’aime pas l’idée qu’on pourrait se passer de principes (ce qui ne m’empêche nullement de choisir le principe qui m’arrange, et même, en tant que de besoin, d’en inventer). Mais il demeure que je ne saisis pas comment on peut fonder une éthique sur une notion aussi mouvante que le bien.

Bien à vous,

M.C.

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