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En réponse à :

La tutelle des personnes âgées

, par Michel

Bonsoir, Josi. Merci de vous répondre… je vais avoir du mal.

D’abord, que s’est-il passé ? Je n’y étais pas ; mais l’histoire que vous racontez est tellement classique que j’ai peu de chance de me tromper.

Votre voisine a effectivement une maladie d’Alzheimer (enfin, je ne vais pas rouvrir ici le débat des limites de la maladie chez le sujet très âgé ; faisons court : elle a un Alzheimer). Vous ne vous êtes aperçue de rien parce que vous vivez près d’elle ; et que pendant très longtemps les malades Alzheimer, s’ils sont chez eux, si on ne les brusque pas, s’ils sont dans leur petite vie, s’il n’y a pas d’imprévu, sont parfaitement capables de se débrouiller, même à un stade avancé de la maladie. Il y a eu des alertes, de curieuses pannes de mémoire, des petits dérapages, mais ils sont passés inaperçus parce que vous les avez mis sur le compte de l’âge. Et puis comme vous l’aimez vous êtes moins lucide.

Et puis il y a un accident. Une chute, une mauvaise bronchite, et les voilà hospitalisés. Et là la maladie saute aux yeux. Elle saute aux yeux parce que le médecin qui la voit pour la première fois n’a pas votre indulgence ; elle saute aux yeux parce que c’est son métier ; elle saute aux yeux parce que la malade n’a plus ses repères, et qu’on voit bien alors qu’elle ne sait plus analyser ce qui l’environne. Et la réaction du médecin est logique, normale.

Maintenant, une fois qu’on a fait le diagnostic, que faut-il faire ? La mettre en maison de retraite ? C’est ce qui a été fait. Je comprends cela. Mais une autre solution était précisément de faire le tour de son environnement, de contacter l’ADMR, le médecin traitant, vous, puisque vous êtes la personne de confiance. Et de voir ensemble si on tente malgré tout un retour à domicile ou si on décide que c’est trop risqué. Cela se peut : il arrive souvent que ces malades, une fois rentrés chez eux, se montrent incapables de retrouver leurs repères. Mais on peut aussi dire que malgré tout cela peut être essayé.

Quels sont vos droits en tant que personne de confiance ? Ils sont limités. D’abord parce que si le médecin est tenu de prendre l’avis de la personne de confiance il n’est absolument pas obligé de suivre cet avis ; ensuite parce que le rôle de la personne de confiance se limite aux aspects médicaux ; la question de la maison de retraite est une autre affaire. Cela dit il me semble que tout de même vous auriez votre mot à dire.

Le médecin a-t-il le droit de la garder en maison de retraite contre son gré ? Juridiquement non : personne n’a le droit de retenir quelqu’un là où il ne veut pas être ; le seul à pouvoir le faire est le juge, et il ne peut le faire qu’en hôpital psychiatrique ou en prison. Mais en pratique les choses se passent différemment, et il y a une tolérance pour les maisons de retraite. Tout simplement parce que 70% des résidents des maisons de retraite sont dans un état intellectuel qui ne leur permet pas de décider pour eux-mêmes, et que sur ces 70% l’immense majorité ne veut pas être en maison de retraite. On tolère donc que dans les maisons de retraite des malades soient retenus contre leur volonté. Quand la tutelle sera prononcée la chose sera régularisée car c’est le tuteur qui décide pour la personne. D’ici là on est dans un vide juridique. Mais cela ne vous donne aucun moyen d’action car si vous essayiez de faire valoir cette règle de droit pourtant absolue vous ne trouveriez pas un seul juge pour vous suivre.

Par ailleurs il y a le fait que vous êtes héritière. Et là je crois deux choses :
- La première est que cela ne vous donne aucun droit ; vous n’êtes pas membre de la famille, vous n’avez donc aucune voix au chapitre ; les droits que vous avez, vous les tenez du fait que vous êtes personne de confiance. Quant à être tutrice, je ne compterais pas dessus : n’importe quel juge aura le réflexe de se dire que moins votre amie dépensera plus gros sera l’héritage. Vous êtes donc directement intéressée par la gestion de ce patrimoine, et aucun juge ne prendra le risque de confier la tutelle à une personne qui a un conflit d’intérêts. A moins que vous ne tentiez d’aller le voir en lui expliquant que, justement, vous savez tout cela et que vous vous engagez à lui rendre tous les comptes qu’il faudra ; mais cela ne suffira pas.
- La seconde est qu’il vous faut au contraire vous méfier. Parce que les gens sont comme ils sont, et que dès maintenant vous allez devoir réfléchir à la manière dont, s’il le fallait, vous vous défendriez contre le pire : vous trouver soupçonnée ou accusée d’avoir rendu service à votre amie pour capter son héritage, d’avoir abusé de sa faiblesse intellectuelle pour lui extorquer un testament avantageux, et de vouloir qu’elle rentre à la maison pour continuer à avoir prise sur elle. Ne croyez pas que j’exagère : simplement je connais ça par cœur. Surtout à la campagne. Comment vous défendre ? Déjà en prenant conseil d’un notaire ; puis en réfléchissant aux témoignages que vous pourriez éventuellement obtenir (voisins, amis) qui plaideront pour vous et pourront peut-être attester qu’à l’époque où votre amie avait encore toute sa tête elle parlait déjà de vous léguer quelque chose, ou encore…
Je ne veux pas vous inquiéter. Je vous invite simplement à ne pas être naïve. Et à ne pas vous faire d’ennemis. Donc en ce qui concerne le retour à domicile, vous pouvez tenter une démarche, éventuellement avec le soutien de l’ADMR et du médecin traitant. Mais surtout ne vous mettez personne à dos.

Bien à vous,

M.C.

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