Bonsoir, Aurélie.
La première chose que je vous recommanderais, c’est la prudence : je veux dire que quand les médecins agissent ils ont leurs raisons, et qu’il se peut que des points essentiels de la situation vous échappent, biaisant ainsi l’idée que vous vous en faites. D’autre part il me manque, pour me prononcer, d’autres précisions tout aussi essentielles.
Et plutôt que de vous répondre, je vais commenter votre mail.
J’ai un ami de 64 ans qui a été placé en hôpital psychiatrique suite à une dépression liée à une dépendance à l’alcool.
S’il a été placé, comme vous le dites, c’est qu’il s ’agit probablement d’une hospitalisation à la demande d’un tiers, voire d’une hospitalisation d’office. Dans l’un et l’autre cas il n’est pas libre de quitter l’hôpital, et c’est un indice assez fiable de ce qu’il devait effectivement aller très mal.
Très mal en point, il a signé les papiers de mise sous tutelle, sans se rendre compte des conséquences.
Cela, c’est plus étrange. Car quand on prend une mesure de tutelle, la personne protégée ne signe rien de décisif : si elle en était capable cela signifierait que la tutelle n’est pas très utile. A moins qu’on ne se trouve dans ce cas, que je n’ai jamais rencontré, où c’est la personne elle-même qui demande sa mise sous tutelle.
Il n’a jamais eu accès à ses dossiers médicaux, dossiers juridiques, etc... N’a pas accès à ses comptes, et n’a jamais réussi à avoir sa tutrice (hors de sa famille qui habitait trop loin) au téléphone. Les médecins ne lui ont jamais expliqué sa supposée maladie,
Là, par contre, il y a un problème : tutelle ou pas tutelle, la loi du 4 mars 2002 s’impose aux médecins, et il n’est absolument pas normal que votre ami soit tenu à l’écart de tout ce qui concerne sa santé. Il y a là une action à mener, notamment auprès du médecin médiateur de l’établissement, voire de la Commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge de ce même établissement.
De même la loi du 5 mars 2007 indique clairement que, même quand un tuteur est nommé, la personne protégée doit être associée le plus étroitement possible aux décisions qui la concernent. Je veux bien que votre ami ne dispose pas de ses comptes (même si un minimum serait logique), mais pas qu’il soit en difficulté pour rencontrer son tuteur. Il y a là une anomalie qui doit être dénoncée au Juge des tutelles :
A condition d’être prêt à assumer le fait que ce n’est pas là le meilleur moyen d’améliorer les relations avec ce tuteur.
A condition d’avoir la certitude que votre ami est tout à fait lucide sur ce qui se passe. Et il faut par exemple se demander s’il ne souffre pas de ces troubles de la mémoire ou du jugement qui sont si fréquents dans les séquelles de l’alcoolisme. D’où mon appel à la prudence.
son traitement (15 médicaments par jour !),
Il arrive que ce soit nécessaire. Si c’est le cas, c’est que votre ami va encore très mal.
et ne le voyaient que très peu. Il s’est senti complètement abandonné et hors du monde à l’HP où il est resté 1 an...
C’est ce qui me fait peur : on ne laisse pas un malade passer un an dans un hôpital psychiatrique sans de solides raisons. Le temps n’est plus, il est en tout cas de moins en moins, où il y avait des malades pour qui l’hôpital tenait lieu de domicile ; il faut donc envisager l’hypothèse que votre ami a été très malade, et que l’amélioration qu’il présente actuellement est bien plus partielle que vous ne pensez.
Il n’a jamais su quel était le projet thérapeutique, ni son mode d’hospitalisation (HL, HDT ou HO).
Mais quoi qu’il en soit, tout ceci est anormal.
Il a ensuite été transféré dans une unité de soin pour personnes âgées, où il ne voit aucun médecin, et où l’on s’est borné à lui renouveler sa prescription de médicaments qui l’assomment complètement...
Je comprends. Mais... est-ce que que vous constatez, ou est-ce ce qu’il vous dit ? Combien de fois n’ai-je pas entendu dire, moi qui me faisais une règle de voir mes malades au moins une fois par jour, que je ne passais jamais ?
Aujourd’hui, il a retrouvé une bonne santé, contré sa dépendance à l’alcool, et retrouvé des occupations artistiques lucratives (écriture).
Pardonnez-moi, mais vous ne pouvez pas écrire qu’il est totalement sous l’emprise d’un traitement massif et qu’il a retrouvé une bonne santé. Il y a là quelque chose qui cloche ; et je ne crois guère que sa santé soit si bonne.
Il souhaite faire lever la mise sous tutelle, et pouvoir enfin rencontrer des médecins qui le suivent régulièrement. Il souhaite aussi rentrer chez lui, et mettre fin à son séjour dans ce qui ressemble à une maison de retraite. Il est un artiste reconnu (écrivain, comédien).
Voici ce qu’il faut faire.
Faire le point avec ce qui constitue sa famille.
Rencontrer l’équipe médicale.
Si cela ne marche pas, ou si elle est effectivement absente, rencontrer le médecin médiateur.
Une fois ces éléments recueillis, essayer de rencontrer le tuteur.
S’il s’avère, à la suite de ces démarches, que l’état de santé de votre ami n’est pas totalement différent de l’impression qu’il vous en donne, alors il est possible de l’engager dans la voie d’une mainlevée de la tutelle. Un avocat vous expliquera cela. Il faudra une expertise et un nouveau jugement, qui sera susceptible d’appel et de cassation. C’est crucial car tant qu’il est sous tutelle c’est effectivement au tuteur qu’il revient de décider de son lieu de résidence.
Mais surtout, méfiez-vous:je sais combien, dans ces situations, les apparences sont trompeuses. Ne vous embarquez pas dans une action que vous regretteriez, sauf à en avoir soigneusement fait le tour.
Bien à vous,
M.C.