Poster un message

En réponse à :

Préalables à une psycholologie du sujet âgé

, par Michel

Bonsoir, Corinne.

Ce que vous écrivez me rassure beaucoup : votre position est désormais beaucoup plus réaliste. Je sais bien qu’elle n’est pas plus confortable pour autant : l’intérêt de tous ces mécanismes qui brouillent les repères et les sentiments, c’est qu’ils aident à perdre de vue sa propre douleur ; quand on retrouve la réalité on retrouve aussi sa capacité à souffrir. Mais c’est tout de même mieux ainsi.

La colère du patient est toujours difficile à vivre (je sais bien que je n’aurai jamais réussi à être très performant sur ce point). Il faut se cramponner à l’idée qu’elle est quelque part bénéfique : je ne peux être en colère que contre quelque chose dont j’ai pris conscience, ce qui fait que la colère est un progrès sur le déni. D’autre part on ne peut pas être en colère quand on a complètement désespéré. Enfin la colère est un dérivatif qui permet de ne pas se poser les bonnes questions (comme par exemple celle de son avenir). Il n’y a donc rien d’autre à faire que la laisser se dérouler, du moins tant que le malade ne passe pas les bornes : s’il se met à vous manquer de respect, c’est qu’il a intégré qu’on peut manquer de respect à autrui, ce qui implique qu’on peut au besoin lui manquer de respect à lui.

Je comprends bien votre envie de savoir ce qu’il est possible d’espérer. Mas je ne peux avoir aucune idée sur ce point : je ne connais pas la situation. Vue de loin, je ne suis pas très optimiste ; je me dis que s’il se remettait cela prendrait beaucoup de temps, et qu’il est de toute manière arrivé à un âge où la menace de l’effondrement est de toute manière permanente. Du coup je me dis que tout espoir de progrès suffisants est illusoire. Mais je n’en sais rien.

La question de sa sortie me semble se poser ainsi :
- Votre mère se remet-elle vraiment bien ? Si c’est le cas, alors il est toujours possible d’imaginer un retour à domicile,
- À condition de savoir de quels professionnels on dispose, et comment on les paie.
- Car il est impératif que votre sœur et vous vous mettiez d’accord pour fixer le niveau d’engagement maximum que vous allez consentir.
- Si votre mère n’est pas parfaitement remise, ou si votre père ne fait aucun progrès, j’envisagerais plutôt une maison de retraite, car il est indispensable de ne pas masquer la réalité.

Comment procéder ?

Votre père n’est pas idiot, et il est du métier. Ce dont il a besoin d’être sûr c’est qu’il peut compter sur vous en toutes circonstances. Pour cette raison il est impératif de ne pas lui mentir. Je suis en train de me dire que depuis longtemps vous ne vous êtes pas assises en face de lui pour faire avec lui un point réaliste de la situation ; et que cela contribue certainement à son sentiment de déchéance et à sa colère réactionnelle. Je serais donc d’avis que vous ayez rapidement une conversation franche sur ce point ; avec ou sans le médecin. Cette discussion peut être un très mauvais moment, mais je crois qu’il y a de fortes chances pour qu’elle ait au contraire un grand pouvoir d’apaisement.

Du coup je ne parlerais pas de séjour temporaire, du moins pas en commençant : ce peut être un élément de négociation. Ce dont je rêve c’est qu’en lui parlant sincèrement vous puissiez créer les conditions de l’indispensable confiance.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.