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En réponse à :

à l’aide

, par Michel

Bonsoir, Marie-Christine.

Comment ne pas comprendre votre désarroi ?

Car votre mère se trouve en somme (ou semble se trouver) dans une situation qu’elle n’avait pas prévue, et pas anticipée. Elle dit qu’elle souhaite que sa vie se termine, et elle n’a plus les moyens de prendre les mesures adéquates. La question se pose donc de savoir si vous pourriez l’aider à réaliser ce désir.

La première chose qu’il faut dire, c’est que les vieilles personnes ont souvent ce désir de mort, et qu’on a bien tort de ne pas le prendre pour un vrai désir. Toute la difficulté c’est que ce désir est tout à fait capable de coexister avec un désir de vivre, et qu’on n’a pas le droit de se simplifier le problème en éliminant l’une ou l’autre de ces deux composantes. C’est ce que font les militants de l’euthanasie en prétendant que le désir de mort doit être pris au premier degré ; c’est aussi ce que font ceux qui prétendent que ces vieilles personnes exagèrent en parlant de leur désir de mort.

Ce que nous avons à faire, c’est à réunir les éléments qui peuvent nous aider à pressentir ce à quoi la vieille personne est réellement déterminée.

Nous aurions une première orientation si nous savions ce qu’elle disait au temps de sa bonne santé. Peut-être avez-vous des éléments ; ils ne suffisent pas, car ils ont été communiqués dans un autre contexte, et que face aux échéances elle a pu changer d’avis (de quel droit prétendrait-on que ce changement d’avis ne devrait qu’à un manque de courage ?) ; mais enfin s’ils existent ils sont beaucoup mieux que rien.

Nous avons un second indice par l’évolution de sa maladie : car les faits sont qu’elle s’est remise ; or l’expérience courante montre que les personnes très âgées savent parfaitement saisir les occasions de lâcher la rampe. Attention : je ne suis pas en train de prétendre qu’on peut commander à sa mort, et que si on ne meurt pas c’est qu’on a décidé de ne pas mourir ; mais là aussi c’est un signe précieux.

Un troisième indice est fourni par sa situation : vous pointez son confort physique (son inconfort moral, c’est une autre affaire, et il suffirait à lui seul à poser le problème d’une euthanasie) ; et surtout vous indiquez qu’elle mange. C’est très important car le refus d’alimentation est le moyen le plus simple et le plus efficace dont usent les personnes âgées pour mettre fin à leurs jours ; et ça, elles le font très bien.

Sur ces éléments, on a plutôt l’impression d’avoir affaire à quelqu’un qui souhaite mourir, mais que ne fait aucun geste en ce sens. C’est la situation habituelle de beaucoup de vieilles personnes, même en bonne santé, qui disent d’ailleurs très clairement qu’elles ont assez vécu. Mais cela suffit-il pour qu’on aille au-devant d’un désir qu’elles n’expriment pas plus que ça ? Peut-on prendre pour argent comptant une parole qui a toujours sa part d’ambiguïté si on n’a aucun autre moyen de la valider ? Je ne le crois pas.

De toute manière, avant d’envisager quoi que ce soit il y a des questions à se poser :
- Peut-on améliorer son état physique ? Ce qui peut-être la fait souffrir, c’est le sentiment de son incapacité à marcher, à s’activer, bref à faire ce qu’elle faisait avant. Il est éthiquement obligatoire de vérifier que cette situation est irréversible ; c’est le médecin qui là a du travail.
- S’agit-il d’une dépression ? Vous y pensez, et vous avez raison. Mais alors il serait éthiquement inacceptable de ne pas la traiter.
- Faut-il qu’elle reste à la maison ? Ce n’est pas certain.
- Si la situation restait bloquée comme elle semble l’être, alors il faudrait se demander comment on peut l’apaiser. En général les choses s’apaisent tout simplement, et la présence des proches est la seule chose nécessaire. Mais si on avait la conviction d’une souffrance psychique inapaisable, alors je crois qu’il faudrait se donner les moyens palliatifs nécessaires ; il y en a, et on peut (je dirais même on doit) calmer cette souffrance avec la même énergie que s’il s’agissait d’une douleur.

Je ne peux guère vous en dire plus : je ne l’ai pas vue.

Quant aux questions que vous vous posez, elles appellent je crois une réponse simple :

Devez-vous tenir compte de son désir de mort ? Oui, cent fois oui,car il est sincère et légitime. Mais comme je vous l’ai dit, il ne se laisse pas décrypter si aisément, et il ne faut surtout pas le prendre comme un absolu : les choses sont mélangées.

Devez-vous l’aider à mourir ? Non :
- On n’en sait pas assez (on n’en sait jamais assez).
- I y a des moyens moins archaïques de soulager la souffrance.
- Et de toute manière vous ne vous en remettriez pas.

Êtes-vous une fille indigne ? Non : ce que vous pensez, ce que vous sentez, ce que vous souhaitez, c’est ce par quoi passent tous ceux qui sont dans votre situation. Vos sentiments sont normaux.

N’ayez pas peur : je vois que vous vous posez les bonnes questions. Le plus probable est donc que vous faites exactement ce qu’il faut.

Bien à vous,

M.C.

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