Poster un message

En réponse à :

L’acharnement thérapeutique

, par Michel

Bonjour, Mag.

Ce que vous racontez est très dur, et il me semble difficile de vous donner une réponse rassurante.

Voyons d’abord le pronostic. Et voyons-le alors même qu’il est très dangereux d’en poser un quand on se trouve en présence du malade ; alors vous pensez bien que quand on ne l’a pas vu, comme c’est mon cas, c’est une folie. Mais enfin nous sommes en présence d’une dame très âgée, probablement grabataire, qui présente des escarres et qui ne mange plus. Dans ces conditions, il est tout de même bien difficile d’imaginer qu’elle se rétablisse, et on est plus près de penser que la fin est proche.

Dans ces conditions, il est inenvisageable de la laisser souffrir. Si elle a un traitement morphinique et qu’elle a encore mal, alors il faut augmenter le traitement ; même si elle doit avoir des troubles de la conscience ; même si cela peut parfois impliquer une prise de risque. Mais le problème est que cela pourrait être difficile à la maison : quand on arrive à des doses importantes de morphine il faut un peu de technique et une compétence particulière. Je comprends parfaitement votre désir de respecter la volonté de votre mère, mais il se peut que ce ne soit pas compatible avec son confort. J’espère que ce sera possible, notamment avec l’aide d’un réseau de soins palliatifs s’il en existe un.

Se pose aussi le problème des perfusions. Tout peut se voir et il y a, même à l’extrême fin de vie, des perfusions indispensables. Je dirais simplement :
- Que l’argument le plus souvent invoqué est le risque d’escarre lié à la dénutrition. Mais elle a déjà des escarres.
- Qu’un autre argument est le risque de souffrance. Franchement je n’y crois pas : mourir de faim, c’est terrible quand on a faim, mais ces malades n’ont pas faim ; mourir de soif, c’est terrible quand on a soif, mais l’expérience de la canicule de 2003 nous a montré que 15 000 personnes sont mortes parce qu’elles ne savaient pas qu’elles avaient soif.
- Qu’il faut donc se demander quelle est la raison de ces perfusions, et si on ne risque pas, en les maintenant, de prolonger une situation dans laquelle il n’est pas certain qu’il y ait un espoir, et dans laquelle le confort semble problématique.

Mais si les raisons existent, alors il faut maintenir les perfusions.

Je dirais la même chose des soins. Ont-ils une chance d’être efficaces ? Si non il faut les limiter. Et s’ils sont douloureux, alors il faut envisager de les effectuer sous traitement (et cela peut imposer l’hospitalisation).

La seule chose qui me semble évidente, c’est la question de la dignité. Car sa dignité n’est nulle part ailleurs que dans votre regard. Je vous renvoie simplement à l’article Éthique et dignité : deux mots difficiles ; mais je suppose que je n’aurai aucun mal à vous persuader que si la dignité se trouve quelque part, ce n’est certainement pas dans la vessie ou dans la peau. Heureusement. C’est pourquoi votre mère ne perdra jamais sa dignité. Je ne peux même pas écrire qu’elle ne la perdra que quand vous détournerez votre regard : même les nazis n’ont pas réussi à enlever aux déportés leur dignité.

Permettez-moi de rester à votre écoute.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.