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En réponse à :

Vincent Lambert : La honte

, par Michel

Bonjour, Dom.

Votre question, je me la pose, bien sûr.

Les directives anticipées sont cruciales pour le malade : il existe un grand nombre de patients qui redoutent de perdre le contrôle sur leur fin de vie. Il y a des choses dont je ne veux pas. L’exemple, c’est cette dame, atteinte d’une maladie de Charcot, qui, verbalement mais clairement, avait dit qu’en cas de détresse respiratoire elle ne voulait pas de ventilation mécanique. Elle a fait sa détresse un dimanche, le réanimateur de garde ne savait pas, c’était en 2001, et personne, notamment pas moi, n’a osé revenir en arrière ; le supplice a duré deux ans.

Mais elles sont cruciales aussi pour le médecin. Que de fois j’ai eu à me demander, chez ce malade dément atteint d’un cancer, s’il fallait vraiment que je le fasse opérer ! Certes, des directives écrites dix ans avant n’auraient eu qu’une valeur relative, mais c’eût été mieux que rien.

Toutefois je ne me cache pas que cette importance est surtout symbolique.

Elle est symbolique parce que quand j’écris mes directives anticipées je préjuge de ce que je penserais dans des situations dont, faute de les avoir vécues, je n’ai aucune idée. Je fais la même chose quand je me demande ce que j’aurais fait sous l’occupation allemande (sans compter… Je me souviens du jour où j’ai été un héros : c’était pendant une inondation, quand je suis allé défoncer à la barre à mine la porte d’une vieille dame, ce qui l’a sauvée. Mais si l’eau avait monté un peu plus, je n’avais pas ma chance. Je sais, moi, que je n’y avais tout simplement pas pensé.). Tout le monde sait cela.

Elle est symbolique parce que je ne peux pas à la fois dire que ce qui compte quand on prend en charge un dément c’est de le prendre comme il est là où il est, et me demander ce qu’il pensait dix ans avant.

Elle est symbolique parce que le but est clairement de savoir à qui on refile le mistigri de la décision.

Mais elle est symbolique surtout parce qu’il n’est pas nul de manifester ainsi que je ne prends pas les décisions sous mon chapeau. Et les symboles c’est important.

De ce point de vue, et sans retirer un mot de tout le mal que je pense des lois Léonetti, il me semble que les dispositions qui y sont décrites concernant le processus décisionnel dessinent une liturgie qui me va bien. Mais je sais bien que ce n’est qu’une liturgie.

Je ne ferais pas le parallèle avec la contraception ; je partage ce que vous dites, mais il me semble que les choses sont plus mêlées : il y a une évolution, qui vient du fond des âges (même si on tend à la dater de la Renaissance, puis des Lumières) qui modifie le nécessaire équilibre entre individu et collectivité. Nous en voyons les avantages, nous en voyons aussi les inconvénients. La contraception s’inscrit dans ce cadre, elle y prend sa part, je ne crois pas qu’elle le commande. Mais je sais bien que ce n’est pas cela que vous dites.

Bien à vous,

M.C.

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