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En réponse à :

Vincent Lambert : La honte

, par Dom

Je vous remercie infiniment d’avoir publié « vos » directives anticipées - je pense que c’est une vraie démarche d’utilité publique.

Je les ai lues attentivement, mais bien sûr trop vite, et je me réserve de les comparer ultérieurement, et quasiment mot par mot, à la façon dont moi, je tenterais de formuler les miennes.

Cependant, il y a une chose qui me vient aussitôt à l’esprit : pourquoi, au fond, serait-ce « crucial » de s’exprimer sur sa fin de vie ? Pourquoi y aurait-il « un problème à résoudre », qu’il serait dommageable que certains le pensent résolu alors qu’il ne le serait pas ? Est-ce qu’on n’est pas en train d’inventer une usine à gaz ?

Je vais faire ici un parallèle, que vous jugerez peut-être inapproprié : jusqu’en 1972, on ne « programmait » pas les enfants - ou du moins, si on essayait, c’était dans la claire conscience que c’était si aléatoire qu’in fine, on devrait quand même « faire avec ». Les enfants n’étaient pas forcément désirés, ils n’arrivaient pas forcément au bon moment (trop tôt ou trop tard), mais ils étaient, le plus souvent, acceptés, aimés, et globalement bien traités, selon les standards de l’époque. Je ne crois pas que la contraception ait fait qu’en général, on aime « plus » nos enfants aujourd’hui qu’autrefois.

Qu’on les aime « mieux », en revanche - il m’arrive d’en douter. Ce que l’on a conquis en « liberté », en « droit de disposer de son corps », ne l’a-t-on pas perdu en « tranquillité d’esprit » ? Oui, maintenant, on peut « décider » du bon moment pour faire des enfants (ou de ne pas en faire). Mais nous sommes désormais seuls face à cette responsabilité. Quand votre ado vous balance « ah mais j’ai pas demandé à venir, moi », vous ne pouvez plus lui répondre « eh ben ça tombe bien, parce que moi je n’ai pas non plus demandé à ce que tu viennes ». Il y a, en quelque sorte , « rupture d’égalité » devant les difficultés. A nous les espoirs, les angoisses, les contraintes, les obligations de résultat, la culpabilité. A eux l’irresponsabilité totale, la disparition de la solidarité intergénérationnelle... et, oui, en poussant les choses à l’extrême, un renversement de la hiérarchie familiale : ce sont maintenant les parents qui doivent des comptes. Bien sûr, je force le trait, mais pour moi, il y a vraiment une grave menace de déséquilibre sociétal, qui se manifeste de multiples façons (les jeunes mères « qui n’en peuvent plus » et qui dépriment parce qu’avoir un enfant c’est pas si bien qu’elles croyaient, les enfants-rois qui terrorisent leurs parents, les parents qui craquent et maltraitent leurs mômes - il paraît, par exemple, que de plus en plus souvent, l’enjeu des enfants dans les divorces n’est plus qui de la mère ou du père en aura la garde, mais qui ne l’aura pas...)

Comprenez-moi, je ne suis pas du tout dans un discours « pro-vie », je veux juste pointer qu’on a peut-être joué à l’apprenti-sorcier en croyant sincèrement à un progrès, à une conquête de liberté.

Et qu’on est peut-être aussi en train de jouer à l’apprenti-sorcier en voulant contrôler la mort comme on contrôle les naissances. Qu’on n’en mesure pas les conséquences. Et qu’on ne sait rien, au fond.

Et si on se disait simplement, comme le préconise la Règle de Saint-Benoît, « en cas de difficultés non prévues par la Règle, les moines feront ce quils pourront » (en réalité, je n’ai rien trouvé de tel dans la Règle de Saint-Benoît, mais l’esprit y est, et j’aime bien cette pseudo-citation...)

Et si on essayait d’accepter que l’on n’est pas maître de son destin, jamais, ni quand on naît, ni quand on meurt ?

Merci encore pour l’espace que vous offrez. Ce sont des choses difficiles à partager. (Vous parliez de l’accueil incendiaire que vous valaient vos interrogations sur les directives anticipées, imaginez un peu ce que j’entends moi quand je fais part des miennes sur la contraception... )

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