Poster un message

En réponse à :

La souffrance en fin de vie

, par Michel

Bonsoir, Apolline, et merci de ce témoignage.

Que pourrais-je ajouter ? Que faudrait-il faire de plus ? Votre mère semble ne pas souffrir, et c’est sans doute le cas. On ne dit pas assez que dans une grande majorité de cas la fin de vie se passe sans guère de souffrances ; on a du mal à l’imaginer, car la mort semble un événement tellement atroce qu’on a presque besoin que cette atrocité se traduise, précisément, par de la souffrance (on méconnaît la dimension culturelle de cette croyance, c’est dans notre Occident, en encore pas depuis si longtemps que cela, que la mort a pris l’aspect de ce squelette grimaçant armé d’une faux : cela date de la fin du Moyen-âge ; l’islam ignore cette image, et Azraël, l’ange de la mort, est un très beau jeune homme).

Cela dit elle a exprimé son désir de mourir, et de mourir rapidement. Question difficile. On serait tenté de dire que si elle ne souffre pas il ne faut pas prendre cette demande pour argent comptant ; mais on pourrait tout aussi bien dire que nous n’avons pas à en juger et que si elle demande à mourir cette demande doit être satisfaite. Ce qui se montre là, ce sont deux choses :
- La première est l’ambivalence ; celui qui exprime un désir de mort n’exprime pas que cela, et il est tout à fait capable de dire en même temps qu’il veut mourir et qu’il ne le veut pas ; ou qu’il veut mourir mais qu’en attendant la mort tous les moments de partage, de tendresse, d’amour qu’il peut vivre lui sont précieux. Et c’est se moquer, ou ne rien y connaître, que vouloir faire mine d’ignorer que les deux coexistent, de sorte qu’on ne peut ni dénier le désir de mort ni le considérer comme s’imposant.
- La seconde (mais n’est-ce pas là une redite de la première ?) est que ces paroles, ces situations elles-mêmes, sont par nature prises dans une relation du malade avec son entourage, et n’ont de sens que par cette relation. D’où il vient que ma mort n’est pas, ou n’est pas que mon affaire : elle a une dimension collective, sociale, et il n’est pas vrai que j’en sois le seul maître.

La véritable question est donc de savoir si cette demande a été écoutée, si elle a été entendue et si on y a répondu. Face à un patient qui demande à mourir, il est nécessaire (mais c’est une affaire de médecins) d’accuser réception de la demande, et de trouver un terrain d’entente. Souvent il suffit de proposer la rédaction de directives anticipées assurant le malade que rien ne sera fait pour tenter de prolonger les choses ; ailleurs il est possible de négocier la mise en place d’une sédation quand le malade en exprimera le désir. Il y a enfin des situations où la demande est exprimée de manière telle qu’on la sent très factice, et qu’on choisit alors de ne pas la relever ; personnellement je crois que c’est là une attitude risquée, et qu’il vaut toujours mieux accuser réception, même quand on n’est pas dupe (le risque sinon est de déposséder le malade de sa liberté, sachant que cette liberté inclut la liberté de dire des âneries) ; mais cette position n’est pas partagée par tous.

Bref, à ces réserves près, je crois que la situation de votre mère est bien prise en charge.

Il restera cependant le deuil, comme vous le soulignez ; et le plus dur est devant, en effet.

Croyez que je pense à vous.

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.