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En réponse à :

La souffrance en fin de vie

, par Michel

Bonsoir, Martine.

Vous me demandez l’impossible : car il va de soi que rien ne peut être dit sur cette situation si on ne sait pas pourquoi les choses sont comme elles sont.

Ce que vous dites c’est que le 13 mai votre mère allait bien, et que très rapidement elle s’est mise à somnoler. Cela me fait envisager cinq points.

1°) : Il se peut que vous vous trompiez. Je veux dire par là que, peut-être, votre mère n’allait pas si bien que ça le 13 mai, et qu’elle n’allait pas si mal que ça les jours suivants. Mais il arrive que les choses ne se voient pas ; il arrive aussi que quand on y pense de manière rétrospective le souvenir, insensiblement, se modifie.

2°) : De toute façon une chose est certaine : les ennuis ne tombent pas du ciel, et nous savons maintenant qu’elle n’allait pas bien et que quelque chose se tramait.

3°) : Mais pour en dire quelque chose, il faudrait savoir ce qui a bien pu se passer. Cela aurait impliqué des examens, une hospitalisation sans doute. On ne l’a pas fait.

4°) : On ne l’a pas fait, et le plus probable est qu’on a eu raison. Pour hospitaliser une dame de 99 ans il faut avoir parfaitement pesé le pour et le contre. Non qu’il faille négliger ces très vieilles personnes ; mais :
- Une hospitalisation à cet âge est toujours un danger.
- La probabilité de trouver quelque chose sur quoi on pourrait agir, celle de trouver quelque chose tout simplement, n’est pas très élevée.
- Elle l’est d’autant plus que la patiente n’est pas en bonne santé : nous savons que votre mère est dépendante, et si j’ai du mal à penser qu’elle ait eu réellement besoin de 17 médicaments, ils ne lui ont pas été prescrits pour rien.

5°) : Une autre hypothèse à considérer est que votre mère a pu choisir de renoncer à la poursuite de ce qui est désormais pour elle un combat pour la vie. Les très vieilles personnes sont, comme dit la Bible, chargées d’ans et rassasiées de jours, et c’est souvent une fête qui, paradoxalement, leur donne l’occasion de lâcher prise. Les choses alors se passent comme vous le décrivez. Mais ne croyez pas que j’en fasse un diagnostic.

Mais que dire de plus, puisque du coup on ne sait pas ce qui se passe ?

Ce qui me semble sûr, c’est que les choses sont jouées. Mais je suppose que vous l’avez compris. S’il y a une pathologie sous-jacente elle évolue depuis maintenant des semaines ; elle est alitée, la dénutrition est là, les complications de l’alitement arrivent. Il ne sert à rien de lui donner de l’eau gélifiée, il ne sert à rien de lui donner des compotes. Ce que j’aimerais savoir c’est pourquoi on lui donne de l’oxygène.

Par contre je ne peux pas vous dire combien de temps cela peut durer. Non seulement parce que cela aussi dépend de ce qui se passe, mais aussi parce que, comme vous le constatez, les choses évoluent tout doucement, de sorte qu’il serait bien périlleux de faire un pronostic.

Toutefois j’ajouterais deux choses.

La première est que ce n’est pas le sujet. Car comme vous le soulignez elle a le visage serein et le corps détendu. Selon vous, et vous avez très probablement raison, elle ne souffre pas. La question de savoir combien de temps cela va durer n’a donc pas, de ce point de vue, d’importance. On peut tout aussi bien dire que ce temps est un temps qui vous est offert : ne pas vous demander combien durera ce temps, mais ce que vous pouvez en faire.

La seconde est le contraste.

elle a le visage serein et le corps détendu.
c est insupportable
.

Martine, qu’est-ce qui est insupportable ?

Je le sais très bien, ce qui est insupportable. C’est cette attente. C’est très douloureux, c’est une grande souffrance. Et je ne la méconnais pas, cette souffrance. Et je dois lui faire toute sa place. Mais… pour autant je ne dois pas perdre de vue que c’est votre souffrance ; et que si votre mère, elle, est en paix, alors je n’ai pas à souhaiter que les choses évoluent. Par contre je dois trouver les moyens de vous permettre de faire quelque chose de ce temps qui vous est donné.

Et derrière votre question, il y a un autre supplice. C’est que vous supportez mal cette situation. Pour peu cela irait mieux si votre mère, enfin, s’éteignait. Et c’est terriblement culpabilisant.

Et là je peux, peut-être, vous aider.

Je peux vous aider en vous disant que cette sorte d’impatience que vous éprouvez, c’est ce que tout le monde éprouve dans votre situation. Tout le monde en passe par là. Le sentiment que vous ressentez est le plus normal qui soit.

Je peux vous aider en vous disant que quand la famille commence à demander « si ça va encore durer longtemps », c’est le signe infaillible que, précisément, ça ne va plus durer très longtemps. Comment cela se fait-il ? Je ne sais pas. Je crois que le temps du mourir est un temps très particulier, qui intéresse non pas une seule personne mais une communauté, et que dans ce temps très étrange il y a des choses qui passent des uns aux autres, des choses qu’on ressent sans qu’on sache exactement comment cela se fait.

J’aimerais trouver les mots qui vous apaisent.

Bien à vous,

M.C.

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