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En réponse à :

La douleur neurogène

, par Michel

Bonjour, Christine.

Votre message demande une longue explication.

Un point préliminaire tout d’abord : ma réponse ne peut être que très limitée, car vous imaginez bien que si vous en êtes là c’est parce que votre problème est compliqué ; il n’est donc pas question de vous donner un avis un peu précis sans même vous avoir examinée. Mais cette réserve faite, que peut-on vous dire ?

La première chose qui me frappe, c’est votre sentiment d’être incomprise.

Disons-le tout de suite : cela se produit. Vous avez raison de penser qu’il y a des médecins qui ne croient pas leur patient ; il y en a aussi (souvent les mêmes) qui, quand ils sont en difficulté, sortent la carte « psychologie » ; j’ai eu l’occasion d’écrire que quand les médecins ne savent pas ils appellent la psychologue, et que quand la psychologue ne s’en sort pas ils organisent une discussion éthique. Comme si les choses se passaient comme ça…

Mais les choses de ce point de vue sont plus compliquées.

D’une part les médecins sont en général beaucoup plus attentifs, consciencieux, humains, que cela, et quand ils cessent d’écouter, ou quand ils se réfugient dans la psychiatrisation, c’est souvent qu’ils vivent eux-mêmes péniblement leur impuissance ; après tout c’est leur affaire, et on n’est pas là pour soigner les médecins ; mais il ne faut pas trop vite leur en vouloir : certes ils font erreur, mais même si nous savons fort bien que cela se produit, ne disons pas trop vite qu’ils manquent à leurs devoirs.

D’autre part il arrive que les propos des médecins ne soient pas entendables par le malade ; il est parfois très difficile de se faire comprendre, surtout quand le malade souffre beaucoup : ainsi lorsque le médecin suggère que le malade pourrait avoir besoin d’un soutien psychologique le malade entend qu’on le traite de fou, alors que tout de même ce n’est pas ce qui a été dit. Par principe nous ne devons pas écarter l’hypothèse que, peut-être, le médecin voulait simplement vous proposer une aide de ce type, et qu’il n’a pas su trouver les mots que vous pouviez recevoir.

Or en matière de psychologie il y a au moins deux choses très importantes.

La première est que la douleur, surtout quand elle dure, a tout simplement un terrible retentissement psychologique : qu’il vous suffise de penser aux victimes de tortures ; ainsi s’installent des cercles vicieux que les traitements antalgiques ne suffisent pas à rompre, de sorte qu’il est de bonne pratique médicale de proposer, rien qu’à ce seul titre, un soutien psychologique aux malades atteints de douleurs chroniques.

La seconde est qu’il y a des douleurs psychogènes ; d’ailleurs nous savons tous que l’angoisse engendres des symptômes tout ce qu’il y a de plus physiques (et que le malaise que je ressens alors, cette impression de boule dans la gorge, c’est bel et bien dans mon corps que je le ressens) : quand on parle de douleur psychogène on ne parle pas de douleur inventée, ou de douleur imaginaire, on parle de douleur bien réelle, mais dont le mécanisme est particulier, de sorte que ce ne sont pas les antalgiques qui en viendront à bout. Je ne sais pas si c’est de cela dont on a pu vous parler mais il se peut que les neurologues aient évoqué cette possibilité ; en soi cela ne signifie nullement qu’ils ne vous croyaient pas.

Mais parlons de votre cas.

« J’ai souffert d’une névralgie d’Arnold très douloureuse au mois de janvier. »

La névralgie d’Arnold est toujours un peu mystérieuse ; en ce qui me concerne je crois qu’elle est le plus souvent liée à un trouble de la statique cervicale, mais li se peut que ce soit plus complexe que cela. Toujours est-il qu’elle est effectivement très douloureuse.

« Le médecin du Centre Anti Douleur »

Pardonnez-moi, il y a une question préalable : il y a des médecins qui s’intitulent un peu facilement spécialistes de la douleur. Comment avez-vous trouvé ce centre ? Avez-vous des garanties sur son niveau de qualification ?

« a pratiqué une infiltration dans le crâne à la base du nerf. »

C’est une bonne méthode. Mais je suppose qu’on n’a pas commencé par ça, non ?

« Quelques jours après, j’avais les cervicales totalement bloquées »

Réaction très fréquente, et qui en soi n’avait effectivement pas lieu d’inquiéter.

« anti-inflammatoire et port de minerve »

Bonne réponse.

« que j’ai dû arrêter de porter au bout de 15 jours car j’avais très mal aux trapèzes et omoplates. »

Cela, par contre, me semble moins logique. Je suppose qu’on s’est montré curieux, qu’on ne s’est pas contenté d’incriminer l’infiltration, et qu’on a cherché, notamment plus bas : dance ce type de situation c’est tout le système de verticalisation qu’il faut regarder, notamment les lombes, les hanches, les pieds ; on sait aussi que la statique cervicale dépend de l’état des yeux, des oreilles ; il faut voir le poste de travail. J’espère que cela a été fait.

« Depuis, ces douleurs n’ont pas cédé et se sont étendues aux lombaires et ce, malgré l’arsenal médicamenteux anti douleur mis en place et 40 séances de rééducation. Le neurologue que je vois actuellement a émis l’hypothèse d’une erreur lors de l’infiltration qui aurait percé la dure mère et irrité la moelle épinière. »

J’ai un peu de mal à le croire : l’infiltration se fait un peu sur le côté, et je ne vois pas comment dans ces conditions on pourrait percer une méninge. À moins qu’on n’ait voulu faire une sorte de péridurale, mais je n’ai pas entendu dire que cela se faisait dans la névralgie d’Arnold ; le mieux serait de poser la question au médecin qui a fait l’infiltration ; mais je pense plutôt que l’hypothèse est fausse.

« Personne n’est capable de me dire si ça va se remettre et si oui sous quel délai. »

Non, personne ne peut. Et personne ne peut parce qu’il s’agit d’une situation inhabituelle. Donc nous n’avons pas de référence précise.

« Les douleurs vont en s’aggravant et dès fois je sens réellement comme si on me sciait les vertèbres dorsales et les douleurs sont très fortes aussi tout le pourtour du crâne. Mais le pire et aucun neurologue ne me croit, c’est que je sens réellement au niveau de la peau les cotes imprimées dans la peau, les os de la base du crâne imprimés dans le cou et pareil pour les vertèbres dorsales et lombaires. »

Ces douleurs ne sont pas logiques : on est loin là des territoires qui ont pu être mis en cause. Mais il arrive que dans ce type de situation on déclenche un véritable « orage neurophysiologique » avec des douleurs qui s’étendent comme une nappe et qui n’obéissent à aucune logique de territoire. C’est dans ces cas que la tentation est grande de les considérer comme psychogènes, mais c’est aussi dans ces cas que le retentissement psychologique de la douleur est majeur.

« Ces douleurs sont terribles et rien de ce qui a été mis en place au niveau douleur ne les soulage. »

Et comment se passent vos nuits ?

« Je voudrais savoir si vous connaissez des cas semblables »

Oui, ces cas existent. Ils sont difficiles à traiter, et nécessitent une prise en charge d’équipe. C’est pourquoi je voudrais bien savoir ce qu’il en est de ce centre antidouleur. Mais ce qui me semble évident c’est que vous aurez de toute manière besoin d’en parler, et notamment au psychologue : le cercle vicieux de la douleur est installé.

« et si oui comment ont ils étaient traités ? »

Avec des traitements bizarres. On utilise pour cela des médicaments déviés de leur usage ordinaire. Je veux dire que les médicaments ont souvent plusieurs cibles d’action : par exemple l’aspirine est à la fois un antalgique et un anticoagulant. Quand on donne de l’aspirine à un cardiaque, cela ne veut pas dire qu’il a mal, et quand on en donne à un rhumatisant cela ne signifie pas qu’il a un problème cardiaque. De même les médicaments susceptibles de briser l’ « orage neurophysiologique » sont certains anti-épileptiques (pourtant vous n’avez pas d’épilepsie ; mais l’épilepsie est bel et bien un « orage neurophysiologique ») et certains antidépresseurs (pourtant nous ne parlons pas ici de dépression, même si j’imagine sans peine que cela doit commencer à vous peser.

« Car pour l’instant, on me parle d’hospitalisation en psychiatrie (sic) »

On ne propose d’hospitalisation en psychiatrie que devant des troubles du comportement confirmés.

« ce qui est toujours facile quand on ne comprend pas et ne sait pas traiter »

Ce ressentiment est compréhensible ; mais il je vous l’ai dit en commençant : les choses sont peut-être moins tranchées que cela.

Merci de me tenir au courant.

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