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En réponse à :

Les troubles psychiatriques du sujet âgé

, par Dom

Cette discussion n’a aucun lieu d’être relativement à la vidéo en question

Si, elle a lieu d’être, parce qu’elle tourne autour d’une question-clé : quelle est la légitimité et l’utilité d’une mise en scène lorsqu’il s’agit d’interagir avec une personne "démente" ?

Ce qui m’a frappée, moi, dans cette vidéo, c’est le luxe de précautions déployées pour présenter ce qui est décrit comme une "thérapie", pensée en profondeur par un éminent Professeur-Docteur-Gériatre italien, qui s’est déplacé en personne pour l’expliquer, pour laquelle il a fallu former des infirmiers-voyageurs-accompagnants, et dont n’ont bénéficié que quatre patients dûment sélectionnés. Cela rejoint votre analyse, vous expliquez que oui, on essaye de répondre ainsi à telle ou telle manifestation des troubles que l’on constate habituellement chez les vieillards déments, notamment la déambulation.

Permettez-moi cependant d’observer que pour le spectateur moyen, éventuellement en charge ou proche d’un vieillard dément, il y a quelque chose d’assez dérangeant dans cette confiscation médicale des relations avec les vieilles personnes démentes : c’est tout le problème des "animations". Je sais que les familles y tiennent en général beaucoup, mais ce n’est pas mon cas ; d’abord, je n’ai pas de pire cauchemar que de m’imaginer un jour en compagnie d’une charmante jeune femme psy-quelque chose qui essaiera de me faire faire du coloriage (pardon, pratiquer avec moi - sur moi ? - de l’ "art-thérapie") et ensuite je remercie le Ciel chaque jour que mon père soit mort assez subitement pour que je ne le vois pas "animé", c’est-à-dire poussé dans son fauteuil roulant à la table de l’atelier pompon.

Cette histoire de voyage en train virtuel est du même ordre. On a l’impression que ce qui est en jeu, c’est surtout le besoin des soignants (au sens large) de se conforter dans leur rôle de thérapeutes - Sophie remarquait justement que les "yeux pétillants de Marcel" observés par la directrice de la maison de retraite à la fin du reportage relèvent d’avantage de la méthode Coué (c’est-à-dire du satisfecit qu’elle s’adresse à elle-même d’avoir expérimenté cette "thérapie" originale ) que d’une quelconque réalité clinique : nous savons tous que dans la minute où Marcel sera descendu du "train", il demandera à la première personne qu’il rencontrera où se trouve la gare, car il doit rentrer chez ses parents...

Or la proximité affective avec un vieillard dément commande bien d’autres comportements, dont la vocation "thérapeutique" est sans doute fort mince : on veut, désespérément, maintenir une apparence de normalité, parce que c’est le seul moyen de "retenir" la personne qu’on aime (ou au moins qu’on connaît, avec toutes les ambigüités émotionnelles que cela recouvre) auprès de nous. Cela va donc du déni pur et simple au "jeu de rôle" - comme celui que j’ai pu jouer, sans doute fort maladroitement, avec la vieille dame égarée que j’ai conduite à la "réception" d’un hôtel imaginaire pour qu’on lui "trouve une chambre pour la nuit".

Je crois, sans en avoir aucune certitude, que ce désir de "normalité" est partagé par les vieilles personnes démentes - depuis les tréfonds de leur démence, et au-delà de leurs symptômes et pathologies, si soigneusement analysés par les divers "intervenants professionnels".

Et puis, la question éthique reste entière : c’est clair que Marcel n’est sans doute plus en état de "comprendre" qu’on le mène en bateau (ou plutôt en train...), mais est-on vraiment si sûr que c’est utile et/ou efficace de le faire ? (Vous même semblez avoir quelques doutes sur la durée...). Et quand bien même ? Est-ce qu’on en a le droit, même avec les meilleures intentions du monde ? Pourquoi est-il si nécessaire, dans ce cas, qu’il y ait une "caution médicale" ?

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