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En réponse à :

La perfusion sous-cutanée

, par Michel

Bonjour, Isabelle.

Vous posez de nombreuses questions, qui méritent d’être traitées une par une ; cela dit il serait intéressant de savoir quelle est, dans votre tête, la question qui l’emporte sur toutes les autres.

ayant 160 résidents je remarque que mes collègues mettent de leur propre chef des perfusions sous cutanées

Et je le comprends : en sous-effectif, il peut être utile de recourir largement à l’hydratation sous-cutanée. Certes il faudrait faire boire, mais est-ce réaliste ? il s’agit de faire boire un litre par jour à chaque résident, et j’avais calculé que pour 140 résidents, en comptant ceux qui boivent seuls sans problème, cela représentait un temps plein. C’est pourquoi en 2003 nous avions largement recouru à ce moyen.

sans prescription ni protocole, le résident ne boit plus et hop !

Là par contre vous avez raison d’être choquée.
- D’abord parce que rien n’est plus simple que de faire une prescription anticipée.
- Ensuite parce que la première question à se poser quand une vieille personne ne boit plus, c’est pourquoi.
- Enfin parce que tout ce qui, dans le soin, ne repose pas sur une approche critique et scientifique doit être banni.. Non que cette approche scientifique résume la démarche de soins ; mais quand on décide de recourir à d’autres approches, c’est nécessairement après avoir appliqué celle-ci. Et si l’intuition, le sens des situations, est une qualité précieuse chez le soignant, il faut les soumettre au contrôle permanent de la critique objective.

On essaie peu d’hydrater per os mais une perf ça parait être mieux et quand je dis quelque chose j’ai l’impression qu’on me juge comme maltraitante

Cela peut s’entendre dans certains cas : les vieilles personnes n’ont pas soif, de sorte que quand on s’évertue à les faire boire on les importune considérablement. Souvenez-vous de l’anorexie du cancéreux en fin de vie : elle les fait souffrir doublement :
- Parce qu’ils sentent bien qu’elle est de mauvais pronostic.
- Mais surtout parce qu’ils subissent les harcèlements de leur entourage.
Ainsi il est légitime de dire qu’une perfusion est plus simple pour tout le monde. Mais ce qui ne va pas c’est que vos collègues ne semblent pas se poser la question de la volonté de la personne : que lui disent-elles ? Comment négocient-elles ? Comment abordent-elles le problème de la liberté du dément ? etc.

alors que je souhaiterais une réflexion approfondi sur le bien-fondé de ce soin qui n’est PAS un soin de confort

En effet, ce n’est pas un soin de confort. C’est un soin curatif, éventuellement ici un soin de prévention. On ne peut parler de soins de confort que moyennant deux conditions :
- Il y a un inconfort.
- On a des raisons de ne pas chercher un traitement curatif de cet inconfort ; cela suppose qu’on ait renoncé à certaines stratégies, ce qui suppose une réflexion individualisée, et le plus souvent un diagnostic de fin de vie.

Et si on est en fin de vie, alors se pose la question des limites du soin, et de la réflexion éthique.

J’ai beaucoup lutté (j’ai perdu) contre cette propension des équipes à faire des soins « pour le confort » du malade, sans se demander en quoi le soin est un confort (ah, la sonde urinaire en fin de vie…), ni qui, du malade ou du soignant, était inconfortable.

et le pire c’est que les soins de bouche ne sont pas faits...

D’un côté je suis un désabusé du soin de bouche. Je n’ai pas de raison de penser que je ne savais pas les faire, mais je suis un peu déçu des résultats que j’ai obtenus ; si donc une réhydratation sous-cutanée améliore l’état buccal, je serai preneur. Mais est-ce le cas ? Et comment est-ce vérifié ?

De l’autre, on sent bien ce que vous critiquez : la perfusion vient, non comme une alternative mûrement pesée et contrôlée, mais comme une solution de facilité.

La perfusion sous-cutanée est parfois très utile et la fin de vie se transforme parfois et les gens vont mieux et ça aura été bénéfique mais c’est parfois si délétère... les résidents en fin de vie avec des escarres des douleurs... et ça dure... que faire arrêter ce qui maintient la vie ?

Et là vous partez sur tout autre chose, qui est le problème de la réhydratation en fin de vie.

Mais que vous répondrai-je ?

Quatre choses au fond :
- Je ne crois pas que la réhydratation sous-cutanée ait une grosse influence sur la durée de la fin de vie.
- S’il faut choisir sans voir le malade (ce qui n’a aucun sens), et si on n’est pas assuré que les autres moyens (notamment l’humidification de la bouche) seront utilisés sans défaillance, alors je dirais que la perfusion systématique est le moins mauvais pari.
- Mais nous savons bien que la perfusion sert surtout à conforter le soignant dans la certitude qu’il a fait son travail.
- Et si nous parlons de malades en fin de vie, il est effarant que le médecin ne soit pas présent, et qu’il ne participe pas à la réflexion. Mais je me demande si je ne rêve pas un peu.

Bien à vous,

M.C.

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