Poster un message

En réponse à :

La perfusion sous-cutanée

, par Michel

Bonsoir, Catherine.

Je peux essayer de vous expliquer pourquoi on pourrait discuter le recours à l’hydratation dans ce cas.

L’organisme a besoin d’eau. Ce qui compte c’est que les cellules soient correctement hydratées. Il existe donc un compartiment intracellulaire, fait de toute l’eau présente dans les cellules, et qui constitue la majorité de l’eau présente dans le corps.

Mais cette eau, les cellules se la procurent à l’extérieur. D’ailleurs nous ne saurions pas réhydrater directement les cellules. Il y a un compartiment extracellulaire, dans lequel les cellules puisent et avec lequel le compartiment intracellulaire et en équilibre.

Ce compartiment comprend à son tour un liquide interstitiel, qui est le milieu dans lequel elles baignent, et qui se trouve en équilibre d’un côté avec le compartiment intracellulaire et de l’autre avec le compartiment vasculaire, formé du sang et de la lymphe.

Dans une réhydratation intraveineuse, on ajoute de l’eau dans le compartiment vasculaire, ce qui crée un déséquilibre ; du coup l’excédent va dans le liquide interstitiel, et les cellules peuvent y puiser à leur convenance. Dans une réhydratation sous-cutanée, on triche : on surcharge localement le liquide interstitiel, cette surcharge est pompée par le compartiment vasculaire, et ainsi de suite.

Mais ça, c’est quand le système fonctionne. Quand le compartiment vasculaire n’est pas en état de pomper (défaillance cardiaque) ou quand il est lui-même surchargé (défaillance rénale), ou quand la dénutrition fait que le compartiment vasculaire ne s’aperçoit pas qu’il a de l’eau à pomper, on n’obtient rien. Ou encore, l’état cardiaque est tel qu’on ne pourrait restaurer une pression sanguine normale qu’en rajoutant de l’eau, mais comme c’est le système circulatoire qui est défaillant l’organisme se sauve en expulsant l’eau dans le liquide interstitiel ; et comme les cellules, elles, sont normalement hydratées, l’eau reste là où elle est, ce qui produit des œdèmes.

Ce que vous décrivez me semble correspondre à une situation analogue : on rajoute de l’eau, mais elle n’est pas utilisée. Ce type de défaillance est sans issue : il faudrait retirer de l’eau, mais cela suppose une dialyse, et cela aggraverait l’état circulatoire.

Mais je vous dis cela sous réserve des résultats d’une biologie que je n’ai pas vue.

Quelles sont les conséquences de cette situation et de cette stratégie ?

En termes de survie, aucune : rien ne sert plus à rien.

En termes de confort, il y a des situations où il vaut mieux laisser le malade un peu déshydraté, car cela limite les encombrements, les changements de couches douloureux, etc. Le risque est la soif, mais la sensation de soif naît dans la bouche, et si on mouille la bouche le problème disparaît. D’autre part il faut détruire le mythe du malade qui meurt de faim et de soif : mourir de faim, c’est terrible quand on a faim, mourir de soif c’est terrible quand on a soif. Mais les malades en fin de vie n’ont pas faim (ils s’en plaignent assez) et l’expérience de 2003 nous a bien montré que 15 000 personnes sont mortes parce qu’elles ne savaient pas qu’elles avaient soif.

Ici nous avons affaire à une malade dans le coma. Il y a donc tout à parier qu’elle n’éprouve pas d’inconfort (ceci est à vérifier mais nous savons évaluer la profondeur d’un coma). On peut donc penser que la perfusion est inadéquate (mais il y a des situations très voisines où elle serait pleinement justifiée), mais il n’y a pas lieu de redouter qu’elle soit source d’inconfort.

Je n’attacherais donc pas d’importance particulière à cette question. Je dirais même que j’ai vu des perfusions parfaitement inutiles posées au seul motif que l’équipe ne supportait pas de se trouver condamnée à ne rien faire ; ces perfusions ne servaient donc qu’à apaiser la souffrance de l’équipe ; et parce que l’équipe souffrait moins, le malade s’en trouvait mieux…

Je dirais la même chose de l’oxygène : d’un point de vue général je ne crois pas à l’intérêt de l’oxygène en fin de vie. Mais entre vous et moi c’est là une position qui relève plus de l’élégance que d’autre chose : ce n’est ni utile ni dangereux, et c’est rarement inconfortable.

Au fond, ce qui est le plus terrible dans cette situation c’est qu’elle dure, et qu’on peine à lui trouver du sens. Et cela prouve deux choses :
- Le plus sûr moyen de se ridiculiser est de faire un pronostic. Là où on se hasarde à dire : « elle ne passera pas le week-end », il vaudrait mieux se contenter de dire : « nous ne maîtrisons plus rien ».
- La seule chose à laquelle il est impératif de s’accrocher est que, votre mère étant dans le coma, ce n’est pas elle qui souffre. Ce n’est pas sa souffrance qui est en jeu, c’est la nôtre.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.