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En réponse à :

Alzheimer : le grand leurre ?

, par Michel

Bonjour, ChercheurAlzheimer.

Je publie votre mail, bien sûr. Et je le fais malgré le soin que vous avez apporté à garantir que je ne le ferais pas ; mais ce site n’aurait pas de raison d’être s’il composait avec l’honnêteté intellectuelle. Reprenons donc votre texte.

Vous remarquez que même Aloïs Alzheimer savait que les lésions de ses malades étaient les mêmes que celles des sujets plus âgés. Mais… qui vous le conteste ? La maladie d’Alzheimer est une démence sénile survenant chez le sujet jeune ; vous trouverez cela en plusieurs endroits sur ce site (Nous sommes pourtant d’accord sur un point majeur. Vous écrivez en effet : Il faut bien lire les articles et les livres avant de s’exprimer en tant qu’expert devant le Grand Public. Il me semble seulement que si vous l’aviez fait en ce qui concerne ce site, cela vous aurait évité de passer aussi spectaculairement à côté de ce que j’écris. Et cela vous aurait encore plus évité de dire que je me prendrais pour un expert : je prends grand soin dans ma présentation de dire que je parle d’un autre point de vue). Mais cela pose deux questions.

La première est une évidence : il n’est pas anormal, s’agissant de maladies, d’en chercher la cause. Je tiens à être prudent avant de dire que mon pote de cinquante ans et mon père de quatre vingt dix ont dû leur démence (très Alzheimer l’un et l’autre) à la même séquence. S’interroger quand un patient présente des pathologies qui, pour dire vite, « ne sont pas de son âge », cela fait partie des bonnes pratiques cliniques.

La seconde est purement sémantique : il est scientifiquement équivalent de dire qu’il y a des vieux qui font des maladies d’Alzheimer et de dire qu’il y a des jeunes qui font des démences séniles. Et voilà qu’on a choisi : les vieux font des maladies d’Alzheimer. Il s’est déjà produit qu’on fusionne des maladies, ou même des concepts ; il s’est moins souvent produit qu’on choisisse, pour nommer le résultat de cette fusion, le nom de la maladie la plus rare. Et… ce choix serait anodin ? Vous croyez qu’en décidant de nommer « maladie d’Alzheimer » la bonne vieille démence sénile on n’est pas sous l’influence de représentations sociales, et qu’on n’en induit pas ? Ce ne serait pas très sérieux. Mais nous reparlerons de cela quand vous aurez lu ce que j’écris.

Vous vous demandez si j’ai déjà procédé à un examen autopsique au microscope d’un patient diagnostiqué avec une forme tardive de maladie d’Alzheimer ; pourtant vous savez bien que non. En quoi est-ce un argument ? Où est votre honnêteté intellectuelle ? Ma culture scientifique ne va pas plus loin que celle de la majorité des gériatres, et je ne me fais pas faute de le rappeler. La vôtre, d’honnêteté intellectuelle, serait de rappeler que, pour autant que je sache, la corrélation entre l’intensité des lésions et l’intensité des troubles demeure très insatisfaisante. Tout comme d’ailleurs la corrélation entre le volume de l’hippocampe tel que mesuré à l’imagerie et cette même intensité des troubles. Raison pour laquelle j’ai toujours limité le rôle de l’imagerie au dépistage des pathologies adventices (et je voudrais bien qu’avant de dérembourser les anticholinestératiques on mette le holà à cette surconsommation d’IRM et de petscans dont on ferait bien de se demander à quoi ils servent ; mais ne nous égarons pas).

C’est ce hiatus entre l’anatomie et la clinique qui pousse à se demander si les choses ne sont pas un peu plus complexes que vous ne vous le figurez. Et c’est là que la clinique est importante. Pour ma part j’ai toujours été questionné par cette « crise du vieillir », dont j’ai suffisamment parlé pour la décrire à nouveau ; ça, c’est de la bonne grosse clinique. Et là je ne suis pas seul. Considérez Maisondieu, ou Ploton. Ces gens-là ne remettent pas plus que moi en cause l’existence ni le rôle des lésions. Mais ils introduisent d’autres facteurs, psychologiques et sociaux. Je crois seulement qu’ils ont raison. Ce n’est que cela.

Et pour ce qui est de l’exemple de la chlorose, je me fais que me demander s’il n’y aurait pas, en effet, quelque chose à méditer. Je n’en dis pas plus parce que je n’en sais pas plus. Je ne fais que rappeler la nécessité de ce qui reste pour moi une qualité essentielle du chercheur, l’humilité, relisez Duhem. De même je ne comprends pas ce que vous dites à propos de Pinel : on en serait toujours à ses conceptions, justement, si on n’avait pas « rediscuté ses concepts nosologiques ».

Je crois que de la même façon vous vous perdez quand vous parlez de « L’argument de l’efficacité des traitements (qui) ne tient pas une seconde et vous le reconnaissez ». Cela je ne le reconnais pas, je le revendique : Vous n’avez sans doute pas attaché suffisamment d’importance au fait que je m’insurge contre le déremboursement des médicaments spécifiques. De la même façon si vous aviez pris la peine de me lire vous auriez vu que pour moi dans cette affaire les laboratoires ont plutôt travaillé plus correctement que dans d’autres domaines, ce qui vous aurait dissuadé de me croire complice de je ne sais quelle « théorie du complot ».

Je vous laisse la responsabilité de votre jugement sur Olivier Saint Jean, vous le connaissez sans doute mieux que moi. Accordez-moi cependant que j’ai écrit combien je suis toujours perplexe quand un médecin se met à causer dans le poste. Mais laissons cela. Je souhaite seulement qu’on prenne un peu de distance vis-à-vis des milliards de données scientifiques fruits d’un travail rigoureux, de longue haleine, maintes fois répliquées, de milliers de chercheurs : cela je ne le méconnais pas. J’ai seulement appris que par ce moyen il arrivait aussi que l’on commette des erreurs, les exemples ne maquent pas ; c’est là Kuhn, Koyré, Popper qu’il faut lire.

Bref, je ne saisis pas ce qui vous gêne dans l’idée que la démence sénile de type Alzheimer, dont j’ai toujours pris grand soin d’affirmer l’existence, pourrait être une affection multifactorielle. Ce déni ne me semble, pour le coup, pas très scientifique.

Bien à vous,

M.C.

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