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En réponse à :

La tutelle des personnes âgées

, par Michel

Bonsoir, Brigitte.

Me voici bien ennuyé pour vous répondre.

Vous trouverez sur ce forum un bon nombre de messages dans lesquels mes correspondants se plaignent de constater que les dispositions de la loi de 2007 ne sont pas appliquées. Et je partage largement ce point de vue : tout se passe comme si la tutelle n’avait pas été réformée, tout se passe comme si la nouvelle loi n’avais pas été promulguée. C’est au point que je me demandais si j’avais bien compris les dispositions de cette loi.

Et voici que vous me parlez d’un cas où la loi, au contraire, semble respectée jusqu’à l’absurde.

Ceci vient renforcer mon soupçon : la nouvelle loi sur la tutelle est somme toute assez bonne, mais les magistrats ne se la sont pas appropriée, ils ne savent pas très bien quoi en faire, et du coup la réforme est inopérante ; sans compter les lacunes évidentes de cette loi.

Ces considérations faites, que puis-je vous dire ?

Vous avez tout de même beaucoup d’arguments : le diagnostic est fait, le mandat de protection future vous a désignée comme tutrice (enfin, c’est vous qui utilisez le mot, donc je suppose que la chose a été jugée). Et vous ne manquez pas de témoignages pour dire ce qu’il en est de la réalité en ce qui concerne l’aptitude de votre mère à décider pour elle-même.

Et je crois que la lecture que vous faites de la loi est mauvaise.

Certes, elle dispose que la personne protégée conserve le choix de son lieu de résidence. Et c’est l’un de reproches que je lui fais. Car il est très bon que la personne sous tutelle puisse décider où elle veut vivre ; mais précisément ce qui nous pose le plus de problèmes au quotidien c’est le cas de ces personnes qui ne sont pas plus démentes que vous ou moi mais qui ne se résignent pas à quitter leur maison, alors qu’elles sont devenues notoirement incapables d’y demeurer (sauf si les pompiers viennent les relever quatre fois par jour) ; pour ces personnes-là, nul besoin de tutelle ; mais le médecin, lui, a besoin d’une procédure qui lui permette de demander à un juge de trancher cette question. A défaut de quoi ce qui se passe c’est que le maire du village, harcelé par les voisins, somme le médecin généraliste d’envoyer la vieille dame aux Urgences ; là on fait semblant de lui trouver quelque chose, et de fil en aiguille la vieille dame se retrouve en maison de retraite, et tout s’est passé dans la plus parfaite illégalité et la plus profonde hypocrisie.

Mais je m’égare. Donc la loi dit que la personne protégée conserve le choix de son lieu de résidence. Mais elle dit aussi que vous avez mission de veiller sur votre mère. C’est la question, toujours pendante, de la tutelle aux biens/tutelle aux personnes ; et s’il est exact que la nouvelle loi n’est pas formelle, elle en dit tout de même plus que l’ancienne : vous êtes largement tutrice à la personne de votre mère, et si les circonstances font que votre mère est en danger chez elle, alors vous n’outrepassez pas votre rôle en intervenant sur son lieu de résidence. De surcroît, c’est elle qui choisit son lieu de résidence, mais c’est vous qui payez le loyer. Et si vous décidez de ne plus payer, mais de payer plutôt une maison de retraite, vous agissez dans le cadre de votre mandat. La seule difficulté pourrait venir d’un conflit entre votre mère et vous, et si ce conflit survenait on ne tarderait pas à constater qu’elle n’est guère en état de choisir son lieu de résidence. Il tombe sous le sens que si la personne protégée conserve le choix de sa résidence, c’est dans la mesure où elle en est capable. Ou alors c’est à désespérer des juges.

Maintenant il y a votre frère.

Son attitude est malheureusement assez classique. Et il faudrait seulement savoir depuis combien de temps la situation est ce qu’elle est. Je veux dire, il se peut qu’il ait besoin de temps pour admettre l’évidence. Mais si ce n’est pas le cas, s’il est bloqué dans son attitude, alors il est nécessaire de préserver votre mère, et pour cela il faut probablement accepter le conflit. Encore une fois, cette démence, vous ne l’avez pas rêvée.Et c’est vous qui avez l’autorité. Vous pouvez demander au Juge de vous recevoir ensemble, vous pouvez aussi voir quelles sont les ressources offertes (votre notaire vous expliquera ça) par la convocation d’un conseil de famille.

Ce que je ne comprends pas c’est la réaction du Juge. Il a mis votre frère en garde ; il a bien fait. Mais votre frère n’avait rien à décider. Il y avait deux personnes à consulter : votre mère parce qu’elle est l’intéressée ; vos parce vous êtes la tutrice. Et si le Juge décide d’écouter votre mère, alors il lui revient aussi de discerner ce qu’il en est de son aptitude à décider ; car enfin, si c’est pour se ranger systématiquement à l’avis de la personne protégée, si c’est pour dire qu’elle doit rester libre de décider pour elle-même, alors on se demande pourquoi on a pris une mesure de tutelle.

Je crois donc que vous devez retourner voir le Juge, au besoin avec un avocat, et lui expliquer ce que je vous dis. Éventuellement faire appel.

Et je ne demanderais pas à être dessaisie de la tutelle. D’abord parce qu’un autre tuteur serait certes plus libre mais il ferait moins bien que vous ; ensuite parce que ce n’est pas la volonté de votre mère, telle qu’elle l’a exprimée dans son mandat ; enfin parce que si le Juge ne considère pas que votre avis prime celui de votre mère, on ne voit pas pourquoi il accorderait plus de crédit à la parole d’un tueur extérieur.

Mais, décidément, je peste contre la manière dont cette loi est appliquée. Et c’est une des raisons pour lesquelles je souhaite qu’on multiplie les procédures, notamment en appel : seule la jurisprudence permettra de stabiliser les choses.

Bien à vous,

M.C.

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