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En réponse à :

La confusion mentale

, par Michel

Bonsoir, Catherine.

Je voudrais vous entourer d’un nuage d’affectueuse ironie.

Vous éprouvez une épouvantable culpabilité. C’est un sentiment très pénible. Mais il faut vous souvenir que cette culpabilité est un élément du deuil normal, voyez http://www.michel.cavey-lemoine.net/spip.php?article107. Le sentiment de culpabilité est une aide, non un ennemi ; et il passe en quelques semaines. Il faut seulement l’apprivoiser, composer avec lui ; et ne pas vous en laisser conter par lui.

Alors, avec votre permission, je vais commencer.

Nous avons encore le sentiment de ne pas avoir pris les bonnes décisions, notamment s’agissant du choix de l’encadrement médical et de l’hôpital.

Et… vous vouliez prendre quoi, comme décisions ? Vous avez suivi les préconisations des médecins, vous ne pouviez pas faire autre chose. Aurait-il fallu le réhospitaliser ? Cela n’aurait servi à rien, et cela ne dépendait pas de vous. Aurait-il fallu au contraire le faire sortir plus tôt ? Comment auriez-vous fait ? Et comment auriez-vous organisé la prise en charge à domicile ?

nous ne sommes pas tout à fait responsables du décès de notre père.

Voyons Catherine… quelle aurait bien pu être votre responsabilité ? Êtes-vous donc coupable de ne pas avoir fait les diagnostics, de ne pas avoir mis au point les traitements ? Avez-vous refusé les soins proposés ? Aviez-vous les moyens d’en préconiser de meilleurs ? À quoi pensez-vous quand vous vous trouvez une responsabilité ?

Pour autant, si on nous avait dit clairement que l’issue était inéluctable sur le long terme,

Voilà qui n’a pas de sens, et vous le savez.

J’ai 70 ans. J’entre dans une phase de la vie où l’issue est inéluctable sur le long terme. Je ne suis pas inquiet, d’ailleurs je m’en moque, mais quand j’éprouve une fatigue, une défaillance quelconque (j’en ai fort peu) je suis bien contraint de me demander si ce n’est pas une saleté qui rôde. Votre père avait 84 ans, il était atteint de pathologies importantes et multiples ; cela n’impliquait pas qu’il fût condamné à bref délai, mais vous saviez bien que sur le long terme (précisément) il risquait de se passer quelque chose. L’anomalie est que vous vous soyez fait des illusions. Mais… n’était-ce pas votre rôle de fille aimante que d’esquiver cette perspective terrifiante ? N’était-ce pas votre rôle que de vous faire des illusions ? Le déni est un mécanisme essentiel.

Alors on ne vous a rien dit.

Je vais prendre un pari.

On ne vous a rien dit parce que c’était si évident qu’on n’a même pas imaginé que vous pouviez vous méprendre sur la gravité de la situation. C’est un malentendu d’une incroyable fréquence. D’ailleurs on ne vous a pas rien dit : il y a eu des paroles, des paroles de médecin. Mais vous étiez dans un tel état que vous ne les avez pas entendues. Vous n’imaginez pas à quel point c’est classique. Le médecin a eu la certitude qu’il vous avait parlé clairement ; mais il n’a pas vu que vous ne l’aviez pas compris.

Mais… vous devriez vous sentir coupable de ne pas avoir compris, pas entendu ?

Vous devriez être un peu plus indulgente à votre égard. Vous n’étiez pas en état de faire mieux.

nous aurions agi différemment

Je veux bien que vous m’expliquiez ce que vous auriez fait.

et surtout, nous aurions profité encore plus de notre père,

Je comprends cela. Mais c’est votre deuil qui commence ; ce regret, légitime, viendra bientôt prendre la place de la culpabilité.

pour partager de bons moments au lieu de nous focaliser de manière obsessionnelle sur sa maladie. Nous n’avons pas voulu voir à quel point son état se détériorait, nous en avons pris conscience en constituant un album pour les obsèques, et les photos prises les derniers mois de sa vie ont été pour nous un électrochoc.

Oui, Catherine. Mais c’est votre amour pour votre père qui vous a aveuglée. On fait comme on peut ; on partage ce qu’on peut. Et je ne doute pas que vous avez, en réalité, accompagné votre père avec tout ce que vous pouviez lui donner. Il ne pouvait pas espérer une aide plus précieuse.

Il nous faut maintenant faire notre deuil, dompter notre révolte et avancer, avec cette douleur immense et ce vide absolu que rien ne pourra jamais combler.

Je sais cela, et je sais combien c’est dur. Mais je sais aussi que vous êtes sur le bon chemin.

Bien à vous,

M.C.

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