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En réponse à :

dignité, suicide, euthanasie : un débat prometteur

, par Michel

Bonsoir, et merci de votre message. Il s’ouvre à la discussion, je n’ai pas souvent eu cette chance dans mes contacts avec l’ADMD. Par ailleurs il me semble manifeste que vous avez lu plusieurs de mes textes, et c’est assurément la marque d’une grande honnêteté intellectuelle.

Alors discutons.

Vous parlez des directives anticipées. Et vous avez raison d’insister pour qu’elles soient plus souvent respectées. Cependant, je ne crois pas qu’on puisse aller beaucoup plus loin dans cette voie que la loi Léonetti : A l’extrême fin de vie les choses sont toujours très difficiles à juger. Rappelons que le champ de ces directives se limite à la question : que décider quand le malade n’est plus en état de le faire ? Et il n’est pas absurde de poser que le moins mal placé pour répondre est le médecin,quand du moins il a l’habitude des situations de fin de vie et quand il prend tous les avis et toutes les précautions que la loi lui impose. D’ailleurs,quand il s’agit de poser un « droit à l’euthanasie » l’ADMD elle-même est bien obligée d’admettre qu’un avis médical est nécessaire (et elle se garde bien de dire ce qui se passerait si le médecin rendait un avis négatif). En ce qui me concerne j’ai toujours poussé très loin le respect des directives anticipées ; mais je ne vois pas comment imposer cette conception à tous les médecins. Je crois que toute législation a nécessairement des zones d’ombre, et qu’il est illusoire de s’imaginer qu’on peut toutes les réduire.

Par contre, je n’ai jamais lu de directives anticipées où le malade se préoccupe de sa dignité.

Sur la notion de dignité, et même si le travail est loin d’être fini, j’ose vous renvoyer à l’article qui figure sur le site. Brièvement je dirais qu’il y a deux conceptions (au moins) de la dignité, qui sont tellement dissemblables qu’on a grand tort de persister à les appeler du même nom : c’est ainsi que naissent les malentendus, et plus encore les faux problèmes. Pour ma part, et puisqu’il faut choisir, je m’en tiens à ce que commande l’étymologie. Mais je vous concède qu’il faudrait développer davantage.

Là où je vous suis beaucoup moins, c’est quand vous parlez de « dignité formelle venant de Dieu » ; il me semble au contraire que cette dignité (qui ne vient pasz forcément de Dieu, pourquoi ?) est pensée comme essentielle, indépendante des aspects formels tels que l’aspect du corps, l’incontinence, etc. Et je crois que vous faites encore plus erreur quand vous pensez que vous pouvez définir seul votre dignité, alors que la dignité n’a de sens que dans la relation qui nous unit. Mais là aussi il faudrait du temps.

Mais parlons surtout des situations.

Il y a le malade à l’extrême fin, agonisant ou quasi. Je persiste à dire que pour ce malade nous avons tous les moyens nécessaires pour maîtriser sa souffrance. Question de formation, d’équipement, de crédits. L’euthanasie n’est jamais nécessaire pour y parvenir.

Il y a celui dont vous parlez : « la solidarité et la compassion commandent de les respecter, de respecter leur choix de fin de vie, c’est encore leur vie ! respecter ce choix légalement, c’est empêcher des suicides violents, épouvantables quand on a 80/90 ans...du moins pour les proches... ». Et certes ils existent.
Mais vous me parlez là de patients qui ne sont pas à l’extrême fin de vie, à telle enseigne qu’ils auraient encore les moyens d’un suicide violent. Il s’agit donc d’évoquer un droit au suicide.
Le suicide n’est pas l’euthanasie, et même si je n’aime pas cette idée de droit au suicide il me semble que le problème ne se pose pas de la même façon. Pour moi le droit à l’euthanasie et une ineptie dans l’absolu ; le droit au suicide se discute (même si je suis contre). Cependant il me semble manifeste que la loi a pour tâche de servir plus de gens qu’elle n’en dessert, et je ne vois pas comment on pourrait sans imprudence légaliser un droit au suicide. On se demande d’ailleurs pourquoi il le faudrait quand les informations nécessaires sont si faciles à trouver.

J’attire d’ailleurs votre attention sur vos derniers mots : « du moins pour les proches.. ». J’entends bien que les suicidants s’en préoccupent très souvent. Mais je ne peux m’empêcher de penser que ma préoccupation reste celle du malade d’abord ; et je ne peux m’empêcher de faire le lien avec cette autre évidence : dans ma pratique, la quasi totalité des demandes d’euthanasie qui m’ont été adressées venaient de la famille.

Et puis il y a les malades qui, tout en n’étant pas à l’extrême fin, n’ont plus les moyens de mettre fin à leurs jours. Et de ceux-là je dirais trois choses :
- Ils existent, mais je n’en ai jamais vu (j’ai accompagné un millier de mourants).
- Je suis parfaitement d’accord pour qu’on leur permette de ne pas vivre consciemment ce qu’il leur reste à vivre.
- Il est probable qu’il y a des situations sans solution (encore que j’aie du mal à les imaginer, compte tenu de nos moyens) ; craignons, je le répète, une loi qui aurait réponse à tout : elle aurait dépassé son but.

Enfin il y a des gens qui ne veulent pas de mes moyens, qui veulent que leur mort se passe exactement comme ils l’ont décidé, qui ne veulent pas recourir au suicide quand ils en ont la possibilité et qui veulent que je les tue quand il sera devenu impossible de savoir ce qu’ils veulent réellement. Et là, non, je ne suis pas d’accord. Il est toujours possible de fabriquer un problème sans solution : il suffit de les refuser toutes. Or il s’agit de cas rarissimes (je n’en ai pour ma part jamais rencontré), et les cas rarissimes ne sont pas, par définition, dans le champ de la loi. Et là comme pour le suicide je crois que ce serait une grave imprudence que de légiférer.

Il y a donc, vous le voyez, une position absolue :,l’euthanasie, c’et non. Et il y a une position relative : le suicide c’est une autre affaire ; simplement je défie quiconque d’écrire un texte de loi qui ne soit pas une catastrophe.

Bien à vous,

M.C.

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