Poster un message

En réponse à :

La souffrance en fin de vie

, par Michel

Bonsoir, Delphine.

Un peu pris par le temps, je vais vous répondre au fil de la lecture, ce qui n’est ni courtois ni précis.

Ce sont les médecins qui ont parlé de phase terminale et ce depuis plusieurs mois.

On ne saurait mieux dire : les médecins s’attendent à une fin rapide… depuis plusieurs mois. Cela montre à quel point il est hasardeux de faire des pronostics ; en réalité tout ce qu’on peut dire c’est que plus personne ne maîtrise l’évolution ; le reste ne nous appartient sans doute plus ; sauf le confort, qui nous appartient toujours.

Désormais ils parlent de fin de vie tout en nous faisant bien comprendre qu’il n’y a plus d’améliorations à espérer et ils nous disent qu’il faut attendre… le soutenir et l’entourer. Depuis plusieurs mois il était maintenu à domicile (son souhait) avec toute une batterie de soins et d’intervenants à domicile mais dernièrement son état s’est empiré, il a fait plusieurs malaises respiratoires qui l’ont conduit aux urgences, le dernier datant de vendredi avec convulsions dues à une forte fièvre. Les ponctions qui avant le soulageaient plusieurs semaines n’agissent plus que quelques jours. Il était sous perfusion (car il ne s’alimentait plus) mais ils ont dû aussi renoncer à ces soins, les perfusions noyant son cœur et ses poumons. Ils ont commencé à ne lui passer plus que la moitié, puis un quart puis plus rien…

C’est malheureusement le schéma habituel. Fallait-il faire tout cela ? Je persiste à le croire, car la situation, à ce prix, aura tenu quelques mois, et quelques mois de vie, ce n’est pas rien. La seule question reste sur les ponctions, mais il faudrait avoir été sur place pour donner un avis.

Précision importante que j’ai oubliée également c’est que mon grand-père a un stimulateur cardiaque (pace maker). Le chirurgien nous a « avoué » il y a une semaine que sans ça, cela fait longtemps que mon grand-père serait parti…

Non. C’est là un fantasme de médecin (étrange : nous en parlions il y a peu sur une liste de discussion de professionnels) : le pace-maker ne fait battre que les cœurs qui ont les moyens de battre, et il n’y a aucune raison de penser que le confort de votre grand-père n’est pas meilleur avec un pace-maker ; un trouble du rythme n’est pas nécessairement une partie de plaisir. L’enlever aurait été manifester le désir d’accélérer les choses, et on aurait été là aux frontières de l’euthanasie.

Ses hallucinations prêtaient à sourire jusqu’à il y a peu mais désormais elles ont un rapport avec des souvenirs d’enfance, ou des dizaines d’années en arrière, et depuis quelques jours elles sont de temps à autre plus angoissantes, mais cela n’est pas permanent.

Alors c’est à évaluer ; si l’angoisse l’exige il faudra peut-être les traiter ; si cela reste tolérable le mieux est de ne pas s’en mêler.

Depuis deux ou trois jours, on se rend bien compte que les choses ont évolué, car plus aucune conversation n’est possible, il semble comprendre ce qu’on lui dit mais n’est plus en mesure de répondre, et lorsqu’il tente de parler, c’est devenu complètement incompréhensible pour nous, tant au niveau du sens des mots ou parfois de leur articulation. Il n’est pas essoufflé et semble plutôt ne plus pouvoir parler tant il est à bout de force. C’est si frustrant… Son regard est vide ou presque…

Cependant il se peut qu’il soit somme toute paisible.

Aujourd’hui il va être transféré dans l’hôpital qui le suit depuis le début et ainsi quitter l’unité de soins gériatriques qui l’accueillait depuis quelques jours, le personnel de cet établissement jugeant qu’il serait bien mieux pris en charge là-bas et ayant donc bataillé pour lui trouver une place… qui n’était pas disponible vendredi…

Il n’est pas du tout sûr qu’il serait mieux pris en charge dans un service de médecine ; mais si l’équipe actuelle sent qu’elle touche ses limites, alors il vaut mieux qu’elle passe la main.

En effet c’est très culpabilisant de se demander si la fin approche et de se demander combien de temps… Cela faisait des semaines que je m’accrochais à l’idée que comme les 3 ou 4 fois précédentes où son état s’était aggravé il remonterait la pente, mais cette fois ci je me rends à l’évidence qu’il se dégrade chaque jour et que chaque jour nous perdons un peu de notre grand père qui n’est plus que l’ombre de lui-même.

Ce que vous éprouvez là est tout à fait normal. La culpabilité, notamment, est tout à la fois illogique et inévitable. Le tout est de l’accepter tout en gardant en mémoire que c’est simplement le deuil qui fait son travail.

J’aimerais savoir s’il souffre et pouvoir me dire que non, j’aimerais savoir s’il a toujours conscience de nos visites ou de notre simple présence, s’il sait encore que nous sommes ses proches…

Difficile à dire. Mais je vous proposerais de vous en tenir à deux repères :
- Le plus souvent les malades sont conscients de leur entourage, y compris à l’extrême fin.
- Vous n’avez pas le choix : si vous vous mettez à penser que vous ne servez à rien, alors comment allez-vous vivre ce qui vous attend ?

C’est vraiment très dur, dur d’admettre que nous nous dirigeons vers la fin. Quant à ma question sur les signes d’une mort imminente je me rends compte à quel point elle est « stupide » mais je pense que cela traduit mon angoisse de ne pas pouvoir partager ses derniers instants. Est-ce que chaque mort imminente est précédée de ce râle agonique dont vous parlez ?

Oui, c’est dur. Je crois que le plus dur est de consentir à notre impuissance.

Sur le râle, il n’est pas du tout obligatoire. Ce qui risque de vous arriver, par contre, c’est un encombrement bronchique (le râle est un phénomène laryngé, sans grande importance pour le malade ; l’encombrement correspond à quelque chose de plus profond) ; il existe des moyens de lutter contre cet encombrement, qui ne sont pas les mêmes que pour le râle ; contrairement à ce qu’on peut imaginer, il semble que l’encombrement ne soit pas si mal toléré (il y a dans d’autres circonstances des malades qui en sont revenus pour nous le dire), surtout quand on sait apaiser la sensation de manque d’oxygène : la morphine s’en charge. Et si on devait arriver à un état d’allure asphyxique, alors ce serait une bonne indication à la sédation terminale, qui consiste en gros à pratiquer une sorte d’anesthésie générale. Il est rare qu’on en ait besoin.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.