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En réponse à :

"Un peu en fin de vie"

, par Michel

Bonjour, Lyna.

Je suis heureux de lire que vous avez trouvé un peu de paix à me lire. Cette paix, vous vous la devez bien : elle vient simplement du fait que vous avez très bien agi dans toute cette affaire. J’en veux pour preuve la décision que vous avez prise de ne pas demander l’hospitalisation de votre mère. Ajoutons que cette décision a été validée par l’équipe soignante : car votre opinion en la matière n’était pas contraignante : si le médecin avait jugé que, pour telle ou telle raison, il était nécessaire de l’hospitaliser, il pouvait parfaitement passer outre, il en avait même le devoir. Tout le monde était donc d’accord.

Je voudrais revenir sur ce que vous écrivez : on ne sait pas si justement elle souffre. Je ne prendrais pas le problème ainsi.

Ce qui se passe c’est qu’on a tellement culpabilisé (ils l’avaient bien mérité) les médecins à propos de leur négligence en ce qui concerne la douleur qu’ils ont tendance à tomber dans l’excès inverse, et à donner de la morphine à des gens qui n’en ont pas besoin. Cela me dérange parce que :
- Ce n’est pas de la bonne médecine, et notamment l’effet sédatif de la morphine est préjudiciable au malade, qui a besoin de tous ses esprits pour être avec sa famille.
- Si on colle une étiquette de douleur sur toutes les manifestations d’inconfort, on ne va pas lutter efficacement contre, précisément, ces autres inconforts, dont il faut au contraire faire un diagnostic si on veut être efficace contre eux.
- Et si les médecins donnent de la morphine à n’importe qui, ils ne savent toujours pas en donner assez à ceux qui en ont vraiment besoin. Il fut un temps où on ne donnait pas de morphine ; au moins le savait-on. Maintenant on en donne à tout propos, mais pas assez, et ça on ne le sait pas. Je me demande si on a vraiment gagné au change.

Bref, je veux simplement attirer votre attention sur le fait que quand un dément crie il faut savoir se poser la question de la douleur, mais que dans une bonne moitié des cas il crie pour autre chose. Cela revient à dire qu’on ne sait pas, en effet, si votre mère souffre, mais :
- Il y a une forte probabilité pour que ce ne soit pas le cas.
- Et si j’avais un doute je ne prendrais pas le risque de la laisser avoir mal, et je traiterais. C’est ce qui est fait. Reste à être sûr qu’un continue à la surveiller et à vérifier que, moyennant le traitement, elle est apaisée.

Mais vous demandez aussi : que ressent une personne dont le déclin cognitif est plutôt avancé à l’approche de la fin de vie ? Est-ce qu’elle se rend compte de son état, en souffre-t-elle psychologiquement parlant... Je n’en sais rien, bien sûr ; mais il m’a toujours semblé que, face aux questions fondamentales de la vie et de la mort, le dément est remarquablement lucide et serein, voyez Bobin ; La Présence pure. Il est bien difficile de dire ce qu’il en est exactement ; mais au fait, que signifie « ce qu’il en est exactement » quand on a perdu une bonne part de sa cognition ? Que signifie « se rendre compte » ? De quoi se rend-on compte quand on meurt ?

On sait bien qu’à l’extrême fin de vie des mécanismes psychologiques protecteurs entrent en action. C’est la raison pour laquelle il n’est pas fréquent (même si cela arrive) que les derniers jours soient psychologiquement très pénibles. Je dirais donc que, probablement, votre mère a une idée de ce qui se passe, mais qu’elle le prend avec sérénité. Au reste, quand un dément présente une angoisse, cela passe rarement inaperçu. Je crois donc que vous pouvez être tranquille sur ce point.

Bien à vous,

M.C.

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