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En réponse à :

hyperglycemie à 99 ans

, par Michel

Bonjour, Marie.

J’en pense que vous posez une question redoutable.

Je n’ai pas vu cette situation, et je ne peux que faire des hypothèses. Mais en théorie le problème se pose ainsi :

Votre belle-mère a présenté une hyperglycémie à 6 g/l. Je ne crois pas qu’on puisse l’expliquer autrement que par un diabète : les mécanismes de régulation de la glycémie sont extrêmement solides, et il faut être diabétique pour arriver à de tels sommets. Dans ces conditions il est étrange que ce diabète n’ait pas fait parler de lui avant.

Un tel niveau de glycémie est une urgence absolue : si on n’agit pas très vite la patiente va se retrouver en coma hyperosmolaire, avec un décès très rapide. Soit on agit, soit on n’agit pas, mais la seule chose qu’on n’a pas c’est le temps de réfléchir.

Les moyens à mettre en œuvre pour éviter cette évolution dramatique sont très simples, et ils ne sont pas en soi source d’inconfort.

Il suit de tout cela qu’on ne peut pas envisager la question sous l’angle d’un acharnement thérapeutique : ce qui a été fait, il était licite de le faire.

Après, qu’aurais-je fait ?

Si je comprends bien l’EHPAD n’était pas organisé pour traiter cette situation ; c’est dommage, mais c’est ainsi. Les Urgences sont dans la détresse où elles sont, c’est dommage aussi. Mais autant il faut se scandaliser de cet état de choses (notamment du fait qu’on demande aux EHPAD de prendre en charge des malades trop lourds pour eux), autant cela pose un problème, disons politique, autant cela ne génère pas de question éthique.

Et il y a deux manières de raisonner.

La première est de dire que l’âge de la patiente n’a pas à entrer en ligne de compte : il est des circonstances où on hésiterait, mais ici les mesures à prendre sont si simples que même à 99 ans elles doivent être mises en œuvre. De même on n’a que faire de la démence, il y a des déments heureux. Ce qui est à considérer ce n’est pas sa pathologie mais sa qualité de vie, sur laquelle, et pour cause, je ne sais rien. Bref, on est poussé à dire que rien dans ce que vous énoncez ne permet de penser que votre belle-mère ne devait pas être traitée.

La seconde est de dire qu’elle se trouve dans une phase de sa vie où on doit se poser la question de savoir si le moment n’est pas venu de faire une fin. Comme nous ne savons pas ce qu’elle en pense (enfin, méfions-nous, je maintiens que face aux questions essentielles de la vie et de la mort les déments sont beaucoup moins déments qu’on ne croit), il nous faut bien nous débrouiller. Mais il n’y a pas de position neutre : si nous n’intervenons pas nous laissons la nature faire son œuvre, ce qui signifie que nous considérons que la mort de cette dame serait une bonne chose ; si nous la traitons nous disons que nous tenons à ce qu’elle vive (et qu’elle vive ce qu’elle vit). Ajoutons (pardon pour le cynisme) que la mort par coma hyperosmolaire n’est pas la pire qui soit, et que si nous laissons passer cette occasion nous pourrions bien le regretter ; il y avait un vieil adage médical qui disait : La pneumonie est l’amie du vieillard. Et quand je repense à toutes les situations analogues que j’ai vécues et aux décisions que j’ai prises, je me demande ce qu’elles valaient réellement.

Donc je ne sais pas ce que j’aurais fait.

Les enfants ont écrit un document signé des quatre, pour demander un accompagnement de fin de vie digne, sans acharnement thérapeutique. Pardon, mais ce document n’a guère de valeur.
- D’abord parce qu’on n’est pas en situation d’acharnement thérapeutique.
- Ensuite parce qu’il ne contient rien ; c’est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Je ne connais personne qui demande un accompagnement de fin de vie pas digne, ou qui demande un acharnement thérapeutique ; tout le monde est contre l’acharnement thérapeutique, y compris ceux qui en font (« Mais non, ce n’est pas de l’acharnement thérapeutique »…) ; l’immense problème de ces documents est bien là : ils doivent préciser les choses, et le faire à une époque où, justement, on ne sait pas ce qu’il faudrait préciser ; il y a des solutions, mais cela demande du travail.
- En troisième lieu parce que ce document se présente comme des directives anticipées ; mais les directives anticipées n’ont de valeur que si c’est le malade qui les écrit.

Si donc on me remettait un tel document, je le lirais attentivement car il témoigne des souhaits de la famille et que cela m’importe au plus haut point. La loi Léonetti précise d’ailleurs que je ne saurais décider mes orientations thérapeutiques sans prendre l’avis des proches. Après c’est moi qui décide. Pour que ce texte ait une valeur un peu plus lourde (encore ne me serait-il toujours pas opposable) il faudrait que la malade soit sous tutelle, ou qu’elle ait désigné une personne de confiance qui soit l’un des signataires du texte, ou qu’elle ait elle-même rédigé des directives anticipées recoupant le contenu de ce document. Sinon la volonté de la famille ne saurait faire loi. Vous pensez bien que tel que vous le décrivez ce document pourrait être signé par toutes les familles de tous les résidents (raison pour laquelle il ne sert à rien), et que parmi ces familles signataires il pourrait bien s’en trouver une ou deux qui le signent parce qu’elles en ont marre de payer la maison de retraite.

Bon. Revenons au sujet. Nous sommes dans un entre deux. Même si les circonstances concrètes ont fait que le passage aux Urgences a été dommageable, on ne peut pas dire que les mesures prises ont été excessives. Mais cela ne permet pas de dire s’il n’aurait pas été plus judicieux de laisser filer la situation.

Bien à vous,

M.C.

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