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En réponse à :

Les pauses respiratoires

, par Michel

Bonjour, Laetitia, et merci de votre message. J’aurais bien préféré pouvoir vous répondre dès hier.

Je comprends vote désir de rester près de lui : vous savez qu’il part, il vous faut partager ces moments qui ne dureront pas. C’est normal, et le mieux serait sans doute de rester à vos côtés, silencieux.

Quelques mots, cependant.

Dans ce que vous écrivez, je crois lire çà et là le désir de comprendre, de maîtriser, de participer. Ce désir lui aussi est normal, et il ne faut pas vous en inquiéter. Mais mon rôle à moi est de vous rappeler (comme si vous ne le saviez pas) que la tâche qui vous attend est précisément d’accepter que les choses vous échappent.

Un exemple. Vous dites : Je suis assez fière de mon courage et du sien, mais maintenant je voudrais qu’il arrête de lutter. Comment ne pas vous comprendre ? Mais voilà : c’est sa vie, c’est sa mort. À votre place je voudrais sans doute moi aussi qu’il arrête de lutter, mais c’est lui qui, mystérieusement, en décide ; je ne serai prêt à sa mort que quand je serai capable d’accepter que là où il va les choses ne dépendent plus ni de moi ni de mes désirs.

Et d’ailleurs, lutte-t-il ?

Je ne suis pas là. Je ne sais rien de cette situation. Mais je lis que l’équipe lui a prescrit de la morphine en continu, et qu’elle a pris soin de mettre en place des bolus à la demande. Je vois qu’elle a décidé une sédation terminale. Tout ceci est excellent, et cela me donne des raisons de penser que cette équipe connaît son métier. Mais alors, comment interpréter ce que vous écrivez : Ses souffrances étant atroces ? J’ai du mal à croire qu’une équipe chevronnée l’aura laissé souffrir inconsidérément. Ce qui vous trompe (si vous vous trompez), c’est qu’il n’est pas si facile de lire les signes de souffrance ; c’est un métier. Et si certes la mort n’a jamais aucune raison d’être un moment agréable, le plus fréquent est que l’entourage surévalue cette souffrance, non seulement parce qu’elle interprète à tort des réactions psychomotrices qui ne sont pas des réactions de souffrance, mais encore parce qu’elle-même souffre tellement qu’elle reporte sur l’être aimé une partie de sa propre souffrance. C’est ce qui explique que bien souvent, alors que l’équipe a fait un excellent travail, les proches la suspectent de négligence, voire de dureté. Mais bien sûr je n’en peux rien savoir.

Quoi qu’il en soit, les choses vont leur chemin. Ne vous fixez pas trop sur les pauses respiratoires. Vous voyez vous-même qu’elles sont en place depuis plusieurs jours sans que pour autant cela implique un décès imminent. Cette situation est en soi confortable. Essayez sur vous-même : si vous vous mettez à respirer sur un rythme à trois temps : une seconde d’inspiration, puis deux d’expiration ; ensuite deux secondes d’inspiration, quatre d’expiration, etc., vous allez observer que vous abaissez sans problème votre fréquence respiratoire à quatre par minute sans le moindre signe d’inconfort.

Laissez faire, Laetitia. Tout va bien.

Bien à vous,

M.C.

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