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En réponse à :

cancer du colon

, par Michel

Bonjour, Joséphine.

Pas facile de comprendre ce qui s’est vraiment passé : les apparences peuvent tromper, et je n’ai rien vu de cette histoire. Je vais donc me limiter à quelques hypothèses, qui tout aussi bien peuvent être complètement fausses.

Ce qui me frappe c’est le décalage entre ce qui vous a été dit lors de la première hospitalisation et ce qui vous a été dit lors de la seconde. Je vois que votre père est hospitalisé (pourquoi ?), et qu’au bout d’à peine 24 heures on vous annonce qu’il a un cancer du côlon métastasé. Pour être aussi catégorique et aussi précis il faut que le médecin se soit trouvé devant une évidence absolue (ou que ce soit le roi des crétins, mais c’est rare). Dans ces conditions les erreurs de diagnostic sont infiniment peu probables (j’ai cependant le souvenir cuisant d’un patient dont la radio de poumons était caricaturalement celle d’une nuée de métastases, et qui en fait correspondait à une défaillance cardiaque…). Dans ces conditions je comprends mal que dans le second hôpital on vous ait dit : « moi je ne parle pas de cancer tant que je n’ai pas fait des examens » ; j’aurais mieux compris : « Vous savez, il y a des surprises, je préférerais tout de même vérifier ». Mais passons. Certes on a perdu un peu de temps, mais cela n’a pas modifié significativement l’évolution c’est seulement dommage si cela vous a conduit à vous illusionner sur la suite.

Toujours est-il qu’en fin de compte il n’y a pas eu de surprise, et que le diagnostic initialement porté était malheureusement le bon.

La suite est plus difficile à décrypter : vous avez demandé une permission de sortie, ce qui était une très bonne idée : il n’y avait pas de traitement en cours, et il était prudent de proposer ce temps de fête avant que le malade n’entre en chimiothérapie (au fait, qu’en pensait-il ?).

Mais ce que vous décrivez de son état ne me donne aucune idée de ce qui a bien pu se passer : évolution dramatique du cancer ? Dans ce cas on peut se demander si le projet de chimiothérapie était bien réaliste ; mais il arrive qu’on soit pris de court par de telles évolutions ; ou bien survenue inopinée d’une autre affection ? En tout cas il n’y avait rien d’autre à faire que de le renvoyer à l’hôpital, comme vous l’avez fait.

Je ne peux pas davantage savoir si la prise en charge qui a été effectuée alors était suffisante. Cela dépend notamment de la manière dont le service est organisé pour prendre en charge les urgences de l’après-midi ; mais il se peut très bien aussi que votre père ait été examiné, et qu’on n’ait pas jugé utile de lui fournir une assistance respiratoire et une surveillance cardiaque : je n’ai aucun élément pour dire qu’elles étaient nécessaires. C’est difficile à évaluer : vous étiez très inquiète, déçue de cette évolution inattendue, cela ne vous aidait pas à analyser la situation ; par exemple vous écrivez : son repas au bout de la pièce ; c’est choquant, mais il était 18 h, et rien ne m’indique que personne ne serait venu l’aider à manger ; rien n’indique non plus qu’il était en mesure de manger (on peut en douter quand on lit qu’il est décédé si rapidement).

Ce qui me semble très probable c’est que, quelle que soit la raison pour laquelle il est décédé, il s’agissait, surtout dans ce contexte, d’une affection très grave, et que rien n’aurait pu inverser le cours des choses ; dans ce cas il aura été bon pour lui que rien d’agressif n’ait été tenté. On peut seulement regretter (mais là aussi il faut voir le contexte et tenir compte du fait que, les choses ayant été très vite, rien n’a pu être organisé) que vous n’ayez pas été rappelés dans la soirée pour vous faire part de l’aggravation. Ceci pour dire que si je devais chercher un problème je le chercherais plus dans l’organisation du service que dans la qualité des soins.

Les derniers points que vous évoquez sont un peu plus faciles à traiter.

Ils m’ont dit : « Ah je ne savais pas que la maladie allait si vite »

En effet. Mais il existe souvent dans les services d’oncologie des réunions d’analyse des décès. Il serait intéressant de savoir si elle s’est tenue, et quelles ont été les conclusions, même si le plus probable est qu’on n’a rien pu conclure du tout.

Ils on dit « On va convoquer les infirmières »

C’est une bonne décision, même si en général c’est inutile parce que médecins et infirmières se parlent, et que les informations utiles ont dû être échangées dès le lendemain matin.

et aujourd’hui encore j’attends qu’ils m appellent.

Vous devriez réinsister : pour ma part j’ai toujours pensé que ce genre de questions émanant des familles doit être traité en urgence et sans défaillance, car c’est le meilleur moyen de maintenir la confiance.

au mois de mai j’ai demandé le dossier médical pour voir, et là encore un choc : le jour de sa sortie le 22 décembre il serait tombé du lit et soit disant a cause de sa langue : pour parler.

Je ne comprends pas très bien pourquoi il serait tombé à cause de sa langue, mais peu importe. Il est tombé. Une chute est un événement fréquent en hospitalisation ; on peut chercher à les éviter, par exemple avec des barrières, mais l’expérience montre que cela ne fonctionne pas, et que les chutes qui surviennent malgré les barrières sont plus graves que les autres. D’où la règle de ne pas prendre de précautions excessives.

Ils ne savaient pas où il avait mal ils n’ont pas fait de radio ou d’écho pour voir s’il peut faire une hémorragie interne.

Le plus probable est que je n’en aurais pas fait non plus : la quasi-totalité des chutes n’ont aucune conséquence, et l’examen médical suffit. Évidemment, maintenant qu’on connaît la suite on peut se dire que la chute, si elle n’a pas eu de conséquence, a eu une cause, qu’on aurait pu rechercher. Mais, toujours avec le recul, on se dit que si on avait trouvé une cause, la situation aurait été si grave qu’on aurait été bien incapable de la traiter ; il n’y a donc pas eu de perte de chance, et on a peut-être eu raison de prendre le pari que la permission à domicile se passerait bien ; certes la suite a démenti ce pronostic optimiste, mais on ne sait cela qu’après coup, et il faut tenir compte du fait que le service a été pris de court depuis le début.

et surtout je n étais pas au courant

Oui, et c’est regrettable. Mais qu’auriez-vous fait ? Vous auriez renoncé à cette sortie, et certes cela aurait permis probablement une fin de vie plus confortable ; mais là encore ce sont des choses qu’on se dit une fois qu’on connaît toute l’histoire ; sur le coup il était probablement légitime de maintenir le projet de sortie.

pour moi il devait être en surveillance 24 h car, si on calcule, même pas 48h après la chute il est décédé

Oui. Mais ce qui l’a tué ce n’est pas la chute, mais la cause de la chute. Et à cette cause on n’aurait sans doute rien pu opposer. D’où mon idée que la seule chose à faire était de lui donner cette chance de retrouver son domicile. Cela a été un échec, mais c’est maintenant seulement qu’on le sait.

et surtout il était en déshydratation je voyais sa langue gonfler quand il avalait, ça faisait un drôle de bruit.

Ce ne sont pas des signes de déshydratation. Mais à supposer qu’il ait été déshydraté, je ne sais pas si je l’aurais perfusé dans ces conditions. Et je sais encore moins s’il faut regretter qu’on ne l’ait pas fait : l’évolution a été si dramatique qu’on se serait vite trouvé aux frontières de l’acharnement thérapeutique.

je demande juste si on peut faire une enquête car pour moi je trouve beaucoup de négligences

Bien sûr, on peut ; il existe dans tous les hôpitaux un médecin médiateur que vous pouvez saisir ; mais :
- Vous devez tenir compte du fait que le temps a passé, et qu’il sera bien difficile de reconstituer l’enchaînement des faits.
- Je crois sincèrement que le problème, s’il y en a un, est dans l’organisation du service, et non dans la qualité des soins ou dans le choix des décisions.
- Je ne suis pas du tout sûr que ce genre de procédure aide les proches à faire leur deuil. ; je suis bien près de croire qu’en réalité il le rend plus difficile.

et surtout si c’était la fin pourquoi ils n’ont pas agi pour qu’il ne souffre pas, car là il a souffert, même à la maison il se plaignait alors que jamais il ne se plaint

Je n’ai aucune raison de penser que, quand il a été réhospitalisé, on n’a pas mis en œuvre les traitements nécessaires pour le soulager. Mais il faut tenir compte aussi du fait que la prise en charge d’une souffrance en fin de vie ne se fait pas d’un claquement de doigts. Quand il est revenu il a fallu réanalyser la situation, se rendre compte que le projet de chimiothérapie devait être abandonné, se demander si malgré tout on pouvait ou non espérer une amélioration provisoire, y renoncer, mettre en place une stratégie de soins de confort, et cela sans céder à la tentation de trop en faire. J’ajoute que c’est une situation dans laquelle les proches, pris dans leur propre souffrance, ont toujours tendance à surestimer celle du malade. Bref, dans une situation aussi catastrophique, je ne sais pas si j’aurais été beaucoup plus brillant.

je veux que justice soit faite

Vous avez à la fois raison et tort.

Vous avez tort parce que s’il y a eu un problème (et je ne le sais pas) il n’est pas dans la qualité des soins mais dans leur organisation. Il ne s’agit pas de sanctionner les professionnels, mais de leur montrer leurs erreurs et de les aider à progresser en réfléchissant ensemble à la meilleure manière de faire (je suis tout à fait conscient de rêver).

Vous avez raison parce que, les choses étant ce qu’elles sont, je crains fort qu’elles ne bougent que quand les professionnels en auront assez de se retrouver au pénal, même si jamais ils n’y seront condamnés. Reste à savoir si vous êtes prête à assumer le coût (en argent, en énergie, en réactivation de votre souffrance) d’une telle procédure. Je préférerais que vous y réfléchissiez longuement. Par contre, aller voir le médecin médiateur pourrait vous aider.

Bien à vous,

M.C.

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