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En réponse à :

La démence : généralités A propos de l’aveuglement des familles

, par Dom

Désolée, j’ouvre encore un nouveau fil pour éviter le "rétrécissement".

Sophie, vous commentez fort justement mes anecdotes, en identifiant en particulier cette tendance sans doute naturelle (encore que...) des familles à se défouler sur le personnel soignant de leur stress et de leur détresse (la sœur aimante qui reproche aux AS de ne pas faire attention aux chaussons de son frère ou le vieux monsieur qui s’en prend au stagiaire parce qu’il s’est aventuré sur un terrain glissant pendant l’ "animation").

Mais je pense que vous n’avez pas vu ce que j’essayais de montrer, probablement parce que c’était trop noyé dans les détails de mes "tranches de vie".

Ce qui me frappe toujours, quand je rends visite à ma mère dans son EHPAD, c’est, dans la très grande majorité des cas, l’incapacité des familles à intégrer le fait qu’ils sont entourés de personnes démentes, à commencer par leur proche, et à adapter leur comportement en conséquence.

Dans l’histoire de la sœur aimante, cette incapacité se manifeste par son insistance à obtenir de son frère qu’il fasse ce qu’il aurait très certainement fait s’il n’était pas dément, c’est-à-dire s’inquiéter de sa femme, prendre de ses nouvelles, la rassurer etc. Et elle insiste malgré l’évidence que son frère n’est plus en état de le faire. Ensuite, elle s’en prend à une autre résidente en lui reprochant de "mal se conduire" (on n’entre pas dans la chambre de quelqu’un sans son autorisation, on ne vole pas ses chaussons etc.)

Dans l’histoire du vieux monsieur, cette incapacité se manifeste par sa volonté de faire voter sa femme comme il la fait manger. Et il reproche au stagiaire d’essayer d’ influencer les autres résidents, comme s’ils étaient encore capables d’opinions politiques, et accessibles à une argumentation qui influerait sur ces opinions.

Dans les deux cas, la sœur et le mari aimants SAVENT que leur proche est dément. Ils le savent parce qu’ils sont passés par un long calvaire avant que le verdict ne tombe, et qu’ils ont été contraints de placer leur proche en institution, ce qu’ils n’auraient jamais fait s’ils n’avaient pas du se rendre à l’évidence de cette démence.

Ils SAVENT aussi que les autres résidents sont dans le même état que leurs proches, et que s’ils cohabitent dans le même établissement, c’est pour les mêmes raisons - parce qu’ils ne sont plus maîtres de leurs paroles et de leurs actes.

Cela ne les empêche pas d’avoir des réactions souvent assez agressives vis-à-vis des autres résidents, de les chasser de la table où déjeune leur proche, d’élever la voix pour leur répondre vertement, de juger leurs faits et gestes à l’aune de standards qui n’ont évidemment plus cours dans cette enceinte : "celle-là, elle vole tout ce qui lui tombe sous la main", "celui-ci, il va pisser exprès dans la chambre des autres", "lui, il veut tout régenter", "elle, il faut qu’elle fasse son intéressante", etc.

Et d’ailleurs aussi de gronder leur proche quand il "fait des bêtises" - j’ai même vu le vieux monsieur se fâcher pour de bon et taper très sèchement sur le bras de sa femme parce qu’elle recrachait la cuiller qu’il lui enfournait dans la bouche.

Tout se passe comme s’il existait EN MEME TEMPS, dans la tête des proches, deux niveaux de réalité : ce qui est, et ce qui devrait être - un monde "normal" où on ne vole pas, où on ne crache ni ne défèque en public, où on dit bonjour à la dame, où on ne mange pas avec ses doigts, où on exerce librement son droit de vote après s’être fait son opinion etc.

Le systématisme et l’ampleur du déni - ou de la cécité - est impressionnant, et pas seulement par rapport à "son" proche.

C’est pourquoi, à nouveau, et au-delà des blablas divers que vous épinglez à juste titre, je m’interroge sur la possibilité d’un "dialogue vrai" entre familles et institution.

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