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En réponse à :

Les troubles psychiatriques du sujet âgé

, par Michel

Bonsoir, David.

Je crois que les choses sont à la fois plus simples et plus complexes que vous ne pensez. Et du coup vous me semblez mélanger un peu des notions qu’il vaudrait mieux garder distinctes.

Bien sûr, par exemple, il vaut mieux être en paix avec son vieillissement. Mais quand on a dit cela on a supposé le problème résolu, et surtout on a parlé bien facilement. Nous sommes à une époque où, bien souvent, on reste en bonne forme très longtemps, et j’ai tendance à évaluer que ceux d’entre nous qui n’ont pas eu des conditions de vie ou de travail trop désastreuses sont à soixante-dix ans comme étaient leurs parents à cinquante. Cela n’empêche pas que le déclin finit par se produire, et qu’il faudrait être bien présomptueux pour penser qu’on va forcément le supporter avec le sourire. Vieillir est une épreuve, et s’il y a ceux qui vont la traverser sans trop de mal, il y a tous ceux qui ne le pourront pas ; et parmi ceux-ci il y en a sans doute (mais combien ?) qui vont se réfugier dans la démence. Ce qui n’empêche pas que la démence est un trouble multifactoriel qu’il ne faudrait pas trop psychologiser. Quant à se préparer à vieillir, je crois que c’est un leurre.

Vous me parlez de la mère de votre amie. Je ne vais pas me hasarder à faire un diagnostic à propos d’une personne que je n’ai pas vue, mais je suis bien forcé de constater que tous, absolument tous les signes que vous rapportez évoquent au premier chef une démence de type Alzheimer. Dans la grande majorité des cas la crise du vieillissement n’y est pour rien, et de toute manière une fois la démence installée il n’est plus très utile de se poser ce type de question.

Par contre il est nécessaire de confirmer ce diagnostic, car même si le tableau que vous décrivez est assez caricatural il pourrait y avoir des sources d’erreur.

Mais le problème, et je l’ai bien noté, est que la malade vit avec sa fille, et qu’elle refuse toute consultation. Très souvent quand ces malades refusent de voir un médecin c’est parce qu’ils ont conscience qu’il vaudrait mieux que les médecins ne mettent pas trop leur nez dans leurs affaires ; raison pour laquelle ils refusent aussi les aides à domicile.

Il faut cependant être réaliste : si cette dame se comporte comme elle le fait, c’est aussi parce qu’elle n’est plus en état de prendre des décisions adaptées. Force est donc de les prendre à sa place. Je comprends bien ce que dit votre amie : elle « préfère laisser les choses en place, sachant sa maman en équilibre précaire à ses côtés, persuadée que tout changement serait néfaste pour elle ». Sauf qu’elle a tort :
- C’est si rien ne change que la situation va très rapidement devenir néfaste.
- Le plus souvent ces patients sont soulagés qu’on ait pris la décision qui leur faisait trop peur (surtout si pour le même prix ils peuvent reprocher aux autres de l’avoir fait).
- Le devoir des enfants est parfois de prendre ce type de décision.
- Elle n’a pas à supporter cet état de choses qui ronge sa propre vie.

Par contre il n’y a pas de sens à craindre « un placement d’office en maison de retraite par les médecins » : ils n’en ont ni le pouvoir ni l’envie ; d’ailleurs le placement d’office ne se fait qu’en hôpital psychiatrique, et dans un autre contexte. La suite relève tout autant de la fantasmagorie : on se demande pourquoi il y aurait besoin d’une ambulance ; et la camisole n’existe plus depuis longtemps. Ce que vous mobilisez là sont des angoisses personnelles qui ne correspondent à aucune réalité.

De même votre description de la situation pathologique ne correspond pas à la réalité : il est rarissime qu’après un examen un peu attentif on hésite entre une démence, un délire ou une pathologie obsessionnelle. Encore faut-il faire cet examen.

Contrairement à ce que vous imaginez, votre amie ne risque absolument rien au plan juridique. Le problème se pose uniquement en termes de devoir moral. Oui, il est nécessaire qu’elle fasse tout ce qui est en son pouvoir pour imposer un examen médical. Non, elle n’est pas sans moyens.

Ne croyez pas que je perde de vue qu’en fait la difficulté vient de ce que votre amie aime sa mère, et qu’elle ne se sent pas la force de lui imposer cet examen, surtout si elle a l’illusion que cela compromettrait son lien affectif. Je sais cela, je le comprends, mais elle n’a pas le choix.

Or votre amie a une arme absolue : la condition pour que cette cohabitation se poursuive c’est que la malade fasse ce qu’on lui dit. Elle sait parfaitement que sans sa fille elle ne peut se débrouiller. Au besoin cela se démontre, il faut seulement (et je sais que ce n’est pas si simple) sécuriser un peu le domicile. Oui, il s’agit de créer un conflit. Je sais. Mais la faute serait de l’éluder.

Bien à vous,

M.C.

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