Poster un message

En réponse à :

Les troubles psychiatriques du sujet âgé

, par Michel

Bonsoir, Laurent.

Votre situation est malheureusement assez classique.

Commençons par nous débarrasser d’un problème : le diagnostic. Il est évident qu’on va se poser la question d’une maladie de type Alzheimer. Je ne reviens pas sur mes réticences devant l’utilisation inconsidérée de ce terme, en particulier chez le sujet très âgé ; laissons cela. La question est de savoir ce qui attend votre mère sur le plan intellectuel. Et le raisonnement se fait en trois temps :
1°) : Éliminer une origine extracérébrale au trouble, comme un problème circulatoire, endocrinien, etc.
2°) : Éliminer une pathologie cérébrale d’autre nature, et principalement une dépression.
3°) : Cela fait, rassembler les éléments en faveur d’une altération intellectuelle.

Le fait que les troubles remontent à deux ans ne doit pas vous rassurer à bon compte : ces malades sont souvent très habiles pour sauver les apparences, et le moment où vous avez commencé à repérer les difficultés correspond non pas à leur début mais au moment où elle n’a plus été en capacité de vous les cacher. Et le fait de ne plus connaître la date n’est pas lié à la mémoire mais à une autre fonction, celle de l’orientation.

Il faudrait donc faire le bilan de cette situation ; il faudrait aussi faire un bilan de chute, et vérifier l’état nutritionnel ; tout cela vous l’aviez compris.

Elle aussi. Car c’est bien parce qu’elle a compris ce qui se passe qu’elle se débat contre l’idée de se faire examiner. C’est une chance qu’elle ait accepté une aide à domicile, il est fréquent qu’ils refusent, pour ne pas avoir de témoins de ce qu’ils vivent en réalité.

Et la question est donc de savoir ce qu’il faut faire. Il y a deux points contradictoires, dont il ne faut oublier aucun.

Le premier est que nous parlons d’une citoyenne française, qui est libre de ses décisions et de ses choix, y compris des risques qu’elle prend. Non seulement c’est là un principe éthique essentiel, mais personne ne peut dire si quelque part elle n’a pas raison : il est souvent dangereux de mettre les gens en sécurité, et tout comme les barrières de lit font plus de dégâts que les chutes, tous les gériatres ont leur lot de vieilles personnes qui sont mortes trois jours après leur entrée dans la maison de retraite où on les avait fait entrer parce que leur maintien à domicile devenait dangereux.

Le second est que nous avons affaire à une personne dont nous ne savons pas si elle est en état de décider pour elle-même. Certes, même les déments doivent être considérés comme des humains libres ; certes même son affaiblissement intellectuel ne lui supprime pas toutes ses capacités, notamment intuitives et affectives, mais enfin il n’y a guère de sens à revendiquer la liberté d’une personne qui n’est plus intellectuellement en état de l’assumer.

Ce que vous souhaitez à juste titre c’est que votre mère soit examinée. Cela peut se faire assez facilement à Melun ; je ne sais pas quelles sont les ressources locales, mais je vois qu’il y a à l’hôpital un service de médecine gériatrique, qui a tout à fait les moyens d’agir, et dont je serais surpris qu’il ait des délais d’intervention aussi importants : tous les gériatres savent qu’une vieille personne qui va mal n’attend pas six mois un rendez-vous. Si ce service n’avait pas de procédure de prise en charge en urgence ou en semi-urgence, c’est qu’il aurait un problème d’organisation, et la question d’une prise en charge, par exemple sur Paris, serait posée.

Vous pouvez vous mettre en colère et exiger qu’elle aille au rendez-vous que vous aurez pris. Cela marche souvent.

Vous pouvez aussi jouer sur une corde plus sensible et lui représenter combien elle vous rassurerait en voyant un spécialiste.

Vous pouvez aussi vous dire que, les choses étant ce qu’elles sont, on peut assumer le risque d’une chute, étant entendu que la prochaine chute entraînera l’hospitalisation.

Mais avant de prendre une mesure de contrainte (ce qui au reste supposerait une mise sous protection judiciaire) je crois qu’il serait prudent de vérifier que vous n’avez plus rien à perdre.

Je sais bien que ma réponse est très partielle. Mais c’est que d’un côté vous avez raison d’être inquiet, de l’autre il ne faut pas que cette inquiétude vous incite à des actions précipitées : le mieux est l’ennemi du bien.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.