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En réponse à :

Le droit au risque chez la personne âgée

, par Dom

Bonjour à tous

Je poste ici un lien vers une tribune publiée dans Libération (Vieux et chez soi,
http://www.liberation.fr/france/2017/05/25/vieux-et-chez-soi_1572328), qui devrait, je crois, intéresser nombre d’entre les contributeurs de ce forum.

Pour ma part, si je salue les "bons sentiments" qui animent ce papier, je suis tout de même déconcertée qu’on ne pose pas plus clairement la question du "coût" (organisationnel, physique, financier, psychologique, sociétal) du droit ainsi défendu par les signataires des vieilles personnes à mourir chez elle.

A titre personnel, je garde comme une blessure profonde la réflexion de ma mère, atteinte d’Alzheimer et placée en EHPAD après une énième chute ayant entraîné une fracture du fémur, à qui j’expliquais qu’il ne lui était plus possible de rester seule chez elle : "Oui, bon, tu dis ça, mais c’est pas comme si on avait essayé"... Précisons que je me suis battue pendant trois ans pour la maintenir à domicile, multipliant les intervenants, gérant les agendas (ah la course aux RV avec le kiné, l’orthophoniste, la consultation mémoire, le médecin-traitant, la banque, l’ophtalmo, le dentiste, l’audio-chose, les scans, les échographies, EDF, le pédicure, l’assistante sociale, le notaire, la psychologue... ), "sécurisant" son environnement (aménagement de la cuisine et installation d’une douche "ergonomique" à la place de la baignoire, pose de rampes dans tous les couloirs etc.), assurant la gestion de ses biens et toutes ses démarches administratives, et notamment la succession de mon père, etc. Je l’ai fait de toutes mes forces, parce que moi aussi, j’aurais préféré que ma mère meure chez elle, jusqu’à ce que je me rende à l’évidence que je n’y arriverai pas, dussé-je moi-même renoncer à vivre pour et chez moi.

Quant au "libre-arbitre" de ma mère, c’est à la fois simple et triste : au moment où elle me fit cette réflexion déchirante, et, objectivement, d’une folle ingratitude, elle n’était tout simplement plus en mesure de peser ce que signifie le terme "droit au risque", ni ce que signifie "mourir chez soi", seule, dans son caca, dénutrie, déshydratée, harcelée par les huissiers, comme tant de ces vieux que la concierge s’étonne de n’avoir pas vus depuis une semaine, et qu’on retrouve morts en forçant la porte parce que les voisins ont commencé à se plaindre de l’odeur.

Je trouve qu’il faudrait dire cela, aussi, quand on prend fait et cause pour le droit au maintien à domicile - que les vieilles personnes, même si elles ne sont pas démentes, ne sont plus en mesure d’en mesurer le coût (à tous égards).

Cela me rappelle mon fils, alors adolescent rebelle, à qui nous demandions quels étaient ses projets d’études futures : "Moi, je serai DJ, trafiquant d’armes ou maître du monde". D’autres se rêvent en footballeur professionnel ou actrice célèbre. Ils en ont le "droit", bien sûr. Mais se soucie-t-on, comme on le fait aujourd’hui pour les vieilles personnes, de proclamer qu’il faudrait que chacun d’entre eux puissent le faire si c’est leur choix ? La vie, hélas ou heureusement, se charge de les faire déchanter, et la responsabilité de leurs proches est de les ramener à des ambitions plus terre-à-terre. Pourquoi devrait-il en être autrement pour les personnes âgées ? A cette enseigne, elles aussi ont eu "leur chance" de devenir milliardaires et de se donner les moyens d’assumer leurs choix (cf Liliane Bettencourt, qui, elle, ne finira pas ses jours en EHPAD).

Last but not least : d’expérience à nouveau, je me pose une simple question. Combien de ces gens scandalisés par ces familles qui "placent" leur vieux en EHPAD contre leur gré - et râlent copieusement sur les insuffisances de leur prise en charge, de leur détresse, de leurs droits bafoués etc. - sont prêts à renoncer à leur vie propre pour assumer le maintien à domicile de leurs proches ? Plus ordinairement encore : combien d’entre eux prennent le temps, une fois tous les six mois, de passer voir leur vieille voisine dans son EHPAD ? Combien même assisteront à son enterrement ? Alors quoi ? Il faudrait inscrire dans le "job description" des services d’aide aux personnes âgées : "présence aux obsèques des personnes suivies par le CLIC" ?

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