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En réponse à :

Le grabataire en fin de vie

, par Michel

Bonsoir, Elise.

Comment vous aider ?

Il y a des fins de fin de vie qui sont effectivement très (on a envie de dire : trop) longues. Mais que faire ?

Car nous sommes vite pris dans une contradiction :
- D’un côté l’entourage fait partie de la situation, et il faut être très attentif à ce qu’il endure ; l’équipe a le devoir de le soulager de son mieux, cela fait partie du soin.
- De l’autre c’est le malade, et lui seul, qui meurt, et il a tous les droits.
Et on voit vite que ce que nous lui devons n’est pas toujours compatible avec ce que nous devons à ses proches.

Se pose alors une première question : que savons-nous de son désir ? Que dit-il ? Qu’a-t-il dit ? Avons-nous des directives anticipées ? Si nous n’avons rien de tout cela, comment allons-nous nous autoriser à décider à sa place ? Quelle procédure ? Quels interlocuteurs ? Quelles garanties de droiture au plan éthique ?

Comment cette question est-elle posée ?

Se pose ensuite une seconde question, et qui n’est pas plus simple que la précédente : il y a ce que le malade donne à voir, que j’imagine sans peine, et qui vous est une inévitable source de souffrance ; et il y a ce qu’il en vit, qui est une tout autre affaire, et que nous savons assez largement évaluer.

Comment sont faites ces évaluations, et que vous en dit-on ?

Troisième question : parmi les soins qui lui sont prodigués, y en a-t-il dont l’effet (ou le but) est de prolonger sa vie ? Cela va poser les questions, trop difficiles pour que j’ose m’en mêler à distance, de la pertinence de l’hydratation et de l’oxygénothérapie. Ces questions sont assez largement symboliques, car il en faudrait davantage pour "maintenir votre grand-père en vie", comme vous le redoutez ; mais je demanderais volontiers, par exemple si l’oxygène est donné pour des raisons de confort, et si dans ce cas les solutions alternatives à l’oxygène ont été envisagées.

Dans ces conditions il ne reste plus en effet qu’à attendre la fin. Mais si l’équipe a évalué le confort du malade, et si sa conclusion est que ce confort est correct, alors elle ne peut trouver aucun argument pour en faire plus : elle a rempli sa mission vis-à-vis de son patient. Si le confort n’était pas suffisant, alors on pourrait alourdir les traitements, voire proposer une sédation, de manière à être certain qu’il n’assiste pas à ce qui se passe. Il faut se souvenir de ce que montrent les études : quand la sédation respecte les règles de l’art, elle ne modifie pas la durée moyenne de vie : certes il existe un risque toxique et certaines vies se trouvent abrégées, mais ceci est contrebalancé par le fait que dans d’autres circonstances la diminution du stress du malade tend à prolonger sa vie. L’effet global de la sédation sur la durée de vie est donc neutre.

Cela dit, habituellement la durée de vie dans ces conditions est limitée à quelques jours. J’ajouterais pour ma part qu’il y a dans ces situations une étrange prescience de la famille, et que le moment où elle perd patience est pour moi le signe le plus fidèle que les choses sont à leur toute fin.

Le conseil de la psychologue est bon en soi : si votre grand-mère va à l’hôpital son deuil peut effectivement s’en trouver facilité. Mais est-il réaliste ? Cela tient-il compte de tous les éléments ? Vous apportez des notions pour en douter. Peut-être s’agit-il d’un malentendu... Je suppose bien qu’en ce moment vous avez envie de tout sauf de régler des malentendus, mais...

Alors il y a cette phrase : « c’est notre devoir et des fois, il faut être fort dans la vie ». Telle quelle je ne la comprends pas plus que vous. Mais qu’y avait-il avant ? après ?

Vous dites : J’ai des bouffées de haine face à ce système qui privilégie les morts aux vivants. C’est facile à comprendre, et ce qui m’importe le plus est de vous faire sentir que ces sentiments sont normaux, habituels, obligatoires. Cette impatience, cette révolte sont nécessaires, car elles font partie du processus de séparation ; on les observe toujours, au moins à bas bruit. Il vous arrivera même d’en vouloir au malade, et il est capital que vous puissiez le ressentir et l’exprimer. La condition pour cela est que vous soyez assurée (quitte à lui en vouloir) que l’équipe peut recevoir votre désir et ne pas y céder.

Le contexte, l’entourage, la famille, bref, ceux qui restent et qui doivent faire face, supporter, ça n’intéresse personne.

Il n’y a pas de limite connue à la bêtise des médecins, et il se peut que vous ayez raison de dire cela ; mais statistiquement le plus probable est que "ça" intéresse l’équipe soignante ; simplement sa réponse n’est pas, parce qu’elle ne peut pas l’être, celle que vous voudriez.

Non, votre message n’est pas dur. Il est au contraire très émouvant. Et il montre à l’évidence combien vous avez enduré dans cette épreuve. Et je vous le redis : même votre "hâte que ça s’arrête" est le signe de votre profonde humanité. Surtout ne vous craignez pas.

Bien à vous,

M.C.

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