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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonsoir, Aurélie.

Je crois que vous avez très bien fait, même si je sais qu’en disant cela je vais devoir m’aventurer dans des considérations qui sont tout sauf scientifiques.

Débarrassons-nous d’abord d’un point technique. tels que vous les décrivez les mouvements que vous avez constatés font surtout penser à ces mouvements automatiques qui surviennent autour du trépas, et qui ne témoignent que des derniers scintillements du cerveau. Autant dire que la personne qui les présente a déjà perdu toute conscience, et qu’on ne prend guère de risques en disant qu’elle est déjà morte.

La mort, c’est-ce pas, c’est la perte complète et définitive de toute possibilité de relation à son environnement. Définitif, nous ne le savons qu’après. Mais complet ? A partir de quel moment la panne du cerveau est-elle suffisamment complète pour que nous soyons assurés qu’elle ne permet plus de vie de relation ? On ne sait pas très bien ; mais il y a de solides arguments pour penser que cette perte de toute vie de relation précède largement l’arrêt des fonctions cardiaque ou respiratoire.

Tout cela pour vous dire, et c’est un des problèmes de l’agonie, c’est que le malade n’assiste pas, lui, à ce que vous vivez ; les manifestations, parfois spectaculaires, parfois insoutenables, de ce moment lui sont complètement inconnues. Comment en être sûr ? Difficile, évidemment ; mais tout de même nous connaissons suffisamment d’états au aussi profonds, voire moins, des comas, par exemple, mais qui sont réversibles et donc les malades peuvent nous garantir qu’il ne s’y passe rien de conscient. Cela ne donne pas de certitude absolue, mais tout de même.

Du coup, que fallait-il faire ? Assurément privilégier la présence, et c’est ce que vous avez fait.

Votre histoire me pousse à dire que l’instant de la mort est effectivement quelque chose de très mystérieux, et qui implique de manière manifeste non seulement le mourant mais ceux qui l’entourent, et que tous jouent un rôle dans cette histoire. on a du mal à penser que c’est par hasard si la mort de votre grand-mère est survenue alors que sa fille était partie, que c’est par hasard si elle est arrivée au moment précis où vous lui disiez votre tendresse et votre consentement. Je sais bien, je m’en fais à chaque fois l’objection : cela, c’est ce que nous avons envie de croire, et c’est pourquoi mon propos n’est pas du tout scientifique. Mais il y a tout de même beaucoup de faits troublants. Et puis je me dis que même si c’était une illusion, il n’en resterait pas moins que la nature aura ainsi créé une situation qui vous permette à vous, les survivants, de construire vos dernières images de la disparue, et de commencer votre deuil dans une paix au moins relative.

Bref, nous ne savons pas ce qui s’est passé, et nous en sommes réduits aux conjectures et à la poésie. Il serait temps que nous retrouvions l’importance de la poésie.

Je vous souhaite tout le courage dont vous allez maintenant avoir besoin.

Bien à vous,

M.C.

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