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L’agonie

, par M.C. PARIS

Bonjour,

Tout d’abord, je voulais vous remercier de prendre ce temps pour chacun avec une sérénité incroyable qui permet ( quand on arrive à chercher un sujet sur la fin de vie sur internet, c’est qu’on est dans l’angoisse de la fin d’un de nos proches) d’être un peu rassurée (si je puis dire) à travers vos mots et les différentes expériences auxquelles vous répondez si gentiment et avec tant d’empathie.
Vos mots m’ont bouleversée, votre honnêteté et votre grandeur d’âme me touchent profondément.

Je vais essayer de résumer ce pourquoi je suis là, à vous écrire…

Mon papa a été hospitalisé le jour de la St Valentin, après avoir fait une crise de démence violente dans la nuit, jusqu’à frapper violemment ma mère quand elle essayait de le calmer…(c’est un paradoxe que ce se soit passé le jour de la St Valentin pour ces deux êtres qui s’aiment depuis 70 ans)

Ils ont 96 et 91 ans, ils désiraient rester chez eux le plus longtemps possible (dans un village totalement désert et loin de tout mais c’est là qu’ ils ont vécu les plus grand moments de leur vie), ma maman est très en forme, malgré ses 91 ans passés, physiquement on pourrait croire qu’elle a 75 ans…

Mon papa était devenu sportif quand il a été à la retraite,( c’est à dire quand il a eu plus de temps, il était artisan boulanger), ils ont même fait du tandem tous les deux jusqu’à 85 ans, jusqu’à ce que les doigts de mon père ne lui permettent plus, car ils se tordaient….

Tout allait bien, jusqu’à ce qu’il soit hospitalisé pour une déshydratation sévère qui a été très bien prise en charge, à l’époque, par un de nos amis, chef urgentiste de la ville où on habitait , (« qui a arrosé la plante tout doucement sans l’inonder «  : voilà les mots que cet ami employait quand je le remerciais d’avoir sauvé mon papa)

Cependant, il a perdu un peu la tête juste après le passage aux urgences et l’arrivée dans le service de médecine polyvalente, avec des gestes menaçants quand on l’empêchait de sortir de son lit médicalisé ….puis les choses se sont apaisées, après l’hôpital de convalescence, il est revenu chez lui, en disant quand même à ma mère, qu’il vaudrait mieux qu’il meurt car il n’y avait plus rien de bien à espérer dans sa vie, ma mère lui a dit alors, qu’elle avait envie qu’il reste près d’elle parce qu’elle l’aimait, il lui a répondu que lui aussi il l’aimait : » alors je reste » a t’il dit….et il est resté …jusqu’à maintenant..

Je passerai les petits accidents qu’ il y a eu jusqu’à aujourd’hui, car tout s’est passé tant bien que mal, il y a eu une aide ménagère pour 3h de ménage par semaine et le reste était accompli par ma mère, qui s’avérait être une bonne aide soignante…

Depuis quelques mois, l’état de mon père n’a fait que se dégrader, et j’ai reconnu beaucoup de signes que vous décrivez…

A Noël, alors que nous étions en train de prendre notre petit déjeuner, ma mère a vu passer son mari, mon père donc, devant la fenêtre,il était en pyjama, pieds nus et allait je ne sais où, mais gaillardement en tout cas… quand on a été le rechercher, il est revenu sans problème comme un enfant qui a fait une bêtise, en souriant et faisant des singeries comme un enfant de cinq ans qui fait le pitre…

Il était tombé d’un escalier en pierre, en mois auparavant,. Normalement une personne, même moins âgée que lui, ne s’en serait pas sorti ainsi, et bien , lui, a eu un énorme hématome( quand je dis énorme c’est quand même que tout le côté de son corps était noir), la peau d’un de ses bras arrachée, et une coupure à l’arcade sourcilière…mais on peut dire que par rapport à sa chute de haut en bas d’un grand escalier en pierre, ce n’est rien du tout… trois semaines après, plus aucune trace, sans être passé par la case hôpital ; ma mère pensant qu’elle pourrait le soigner seule (avec une infirmière matin et soir pour les pansements), craignant que les urgences ne le désorientent encore plus (comme après chaque hospitalisation même très courtes.)

Tout ça pour dire, qu’il était très très » solide » malgré le fait qu’il était désorienté et parfois très fatigué.

Il n’aimait plus manger , la seule chose qu’il appréciait était le sucré mais , bien évidemment, il avait développé un petit diabète...donc, il fallait surveiller les doses ! ce qui l’énervait un peu !

Depuis Noël, il est devenu très »mou », pouvant s’endormir dans son assiette, or il dormait 18 h par jour, ma mère essayait de le secouer, de le motiver pour marcher mais ça ne fonctionnait pas toujours… il ne parlait presque plus, n’entendait plus, semblait avoir des difficultés pour voir aussi, et ne comprenait pas toujours ce qui se passait…

Puis il a commencé à s’agiter beaucoup la nuit(c’était la semaine d’avant), émettant des sons assez forts, bousculant ma mère qui dormait près de lui, et quand elle le repoussait, il lui donnait des coups de poing, mais semblait ne pas se rendre compte…

Puis il est tombé du lit, sans pouvoir se relever, et depuis c’est une descente permanente de tous ses sens, jusqu’au 13 février dernier où il a voulu marcher (alors qu’il avait du mal à faire de tout petits trajets avec une canne car ça l’épuisait, là il marchait très vite , presque en courant, à tel point, que ma mère ne pouvait même pas le suivre…c’était très étrange pour elle, m’a t’elle dit..
Le soir même, il a voulu repartir marcher avec une obsession d’aller à l’ancien lavoir du village, ma mère lui refusant car il était tard et qu’il faisait trop froid, il essayait alors d’arracher les poignées de porte, et donnait des coups de pieds pour essayer d’ouvrir…..ses forces semblaient décuplées….

Jusqu’à cette nuit cauchemardesque pour ma mère, dont j’ai parlé en début de récit, où, il enlevait les draps du lit, pour s’en entourer le corps, mettait des chaussons sur sa tête, ses pieds dans la housse d’oreiller qu’il avait défaite…ma mère essayait de le calmer, de récupérer les draps pour qu’ils se recouchent mais il la repoussait. Ensuite, il est parti vers son ancienne chambre située au premier étage de la maison et ma mère l’a suivi, il montait les escaliers quatre à quatre(méconnaissable, là encore !)…arrivé dans leur ancienne chambre, il a refait le même scénario, jusqu’à ce que ma mère tire sur le drap plus fort et le déséquilibre, ce qui l’a fait devenir violent , et qu’il a donné cette paire de gifles …ma mère a appelé les secours qui n’ont pas voulu venir, le médecin urgentiste lui a seulement dit de donner un doliprane tous les six heures (je n’invente rien !) heureusement, tout est redevenu calme et ils ont pu dormir un peu… et le lendemain , mon père a été hospitalisé par son médecin généraliste…il était extrêmement calme à l’hôpital, mais il a fait des convulsions le midi, après repas(repas qu’il n’avait pas touché).. au scanner, rien de probant…père toujours calme la deuxième nuit, les médecins m’ont même dit qu’il allait le remettre sur pied rapidement.
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Mais avant hier soir, il a été beaucoup plus agité, entortillant ses draps sans arrêt (j’avais oublié de dire qu’il avait demandé à voir ses parents et surtout sa mère la semaine dernière, alors qu’il disait souvent qu’il n’aimait pas sa mère car elle avait été trop dure avec lui, il était d’une fratrie de 16 enfants), il allait et venait, faisant des choses insensées..

L’infirmière a alors dit à ma famille présente, qu’elle le contentionnerait pour la nuit car il désirait s’échapper…c’est ce qui a été fait , mais il n’a pas, pour autant, été calme et quand l’infirmière de nuit s’est approché, il l’a prise au col violemment…le lendemain, cette même infirmière m’a dit qu’il ne pouvait pas rentrer chez lui car trop instable, doux comme un agneau, et même vraiment adorable et puis très violent, car perdu, ne sachant pas pourquoi il est là.. elle me disait même que ça se voyait que cet homme n’avait pas un tempérament violent, et qu’il était facile à soigner…mais voilà, sa tête dysfonctionne…

Aujourd’hui, nous en sommes à devoir chercher un établissement d’accueil, or quand il était valide, il avait dit qu’il ne voulait pas terminer ainsi, quitte à mourir tout seul chez lui(ma mère dit la même chose d’ailleurs)…il n’est bien sur plus en état de prendre quoique ce soit comme décision.. mais quelle autre solution avons nous que de l’envoyer dans ce cadre de fin de vie ?(qui peut durer un moment, même si beaucoup de choses laissent à penser que ça ressemble à l’agonie que vous avez décrit…)

La nuit je ne dors pas, je pense à lui, car je l’ai beaucoup retenu moi aussi, comme ma maman l’a fait, je ne me sentais pas prête à le voir nous quitter…
Maintenant je lui demande de partir, de trouver le chemin…je l’ai aimé ce père, je l’aime encore , c’était un magnifique papa, un magnifique grand père aussi…il n’était plus vraiment là pour les arrière petits malheureusement…il n’est plus là pour personne maintenant, mais son corps semble s’accrocher…j’aimerai tellement lui éviter la case Ehpad enfermé..je ne le veux tellement pas pour moi..

Je suis désolée, c’est un peu long mais c’est difficile de décrire les quelques derniers jours sans donner le contexte de cette vie .Je pense que vous ne m’en voudrez pas.
Merci encore d’être ce que vous êtes.

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