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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Laure.

Votre question est très difficile, mais disant cela je ne vous apprends rien.

Si je m’en tiens à ce que vous dites, alors la réponse est simple : la liberté de chacun est entière, et si votre mère a décidé qu’elle finirait sa vie chez elle, ce désir doit être respecté, dès lors qu’elle en assume les conséquences.

Mais voilà. Nous parlons de sa liberté. D’où deux limites au moins.

La première est qu’il faut que votre mère soit en état d’exercer cette liberté : elle a 88 ans, la probabilité d’une démence méconnue est grande (de l’ordre de 40% de la population tout-venant de cet âge) ; il ne faudrait pas qu’on s’aperçoive qu’en réalité elle est hors d’état de faire des choix. Ne répondez pas trop vite : ces patients sont très doués pour cacher leur trouble. Le problème est à peine différent si, n’étant pas démente, elle est prisonnière d’une réaction de déni liée à son cancer. Entre les lignes je lis que vous vous demandez si l’oncologue n’a pas été trop brutal dans ses annonces ; cela se peut ; mais je crois aussi qu’on n’a pas toujours le choix, et qu’il n’est pas toujours possible (ni souhaitable) d’éviter de dire les choses clairement ; c’est d’autant plus difficile quand le malade a exigé qu’on ne lui cache rien, alors même qu’on s’aperçoit qu’il n’est pas tant que cela capable de supporter la perspective de ce qui va se passer : cela aussi, c’est sa liberté. Cela montre simplement que la manière d’annoncer la maladie, ou son évolution, est une chose, l’annonce d’une mort prochaine en est une autre. Mais laissons cela : ce qui demeure c’est que votre mère a pu, à cette occasion, perdre le sens des réalités, et qu’il faut tenir compte de ce point dans votre discussion.

La seconde est que ma liberté s’arrête où la vôtre commence. Je veux bien que votre mère reste chez elle, mais à condition que cela ne vous impose pas une tâche insurmontable. Il en va ainsi de ces vieilles personnes admirables qui veulent à tout prix être maintenues à domicile, et qui le peuvent effectivement, pour peu que leur fille leur fasse le ménage, les courses, les papiers, et que les pompiers viennent les ramasser quatre fois par jour. Ici vous êtes dans votre rôle en rappelant que ni vous ni vos sœurs n’êtes disposées à rester sur le qui-vive jusqu’à la fin de ses jours.

En d’autres termes, et sous réserve de certitudes sur son état intellectuel, je veux bien entendre qu’elle reste chez elle, et que tout le monde assume le risque de la retrouver morte sur son carrelage. C’est le choix que nous avions fait pour mes parents. Mais vous pouvez (devez ?) imposer une contrepartie en termes de surveillance. Cette surveillance peut être physique, en exigeant qu’un professionnel vienne une ou deux fois par jour s’assurer que tout va bien ; elle peut être électronique par divers moyens, dont par exemple une ou deux caméras bien placées. Cela doit pouvoir être négocié, et si d’aventure votre mère se braquait sur ce point je craindrais que sa lucidité, et donc sa capacité à décider pour elle-même, ne soit trop atteinte pour justifier son maintien à domicile.

Mais c’est vraiment très délicat. Tout ce que j’ajouterais c’est que votre devoir est de faire ce que vous pouvez faire de mieux, en tout amour et toute conscience. Le mieux bien sûr est de prendre la bonne décision ; mais si votre décision est prise dans le souci de faire au mieux, votre contrat est rempli et, la suite ne vous appartenant pas, cette suite ne sera pas le juge ultime de vos choix.

Bien à vous,

M.C.

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