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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonsoir, Laetitia.

Ce qui me frappe dans votre écrit, c’est que vous arrive très bien, tous ensemble, à faire exactement ce qu’il faut. C’est ce qui illustre ce que je vous disais : dans de tels instants la mécanique qui se met en place n’est contrôlée par personne, mais elle fait bien son travail et prend soin de tout le monde. Comment cela se fait-il ? Je n’en sais rien. Mais ce qui me semble évident c’est que l’être qui compte, l’unité fonctionnelle, n’est plus le malade, ni son entourage, mais un étrange personnage constitué de tous les protagonistes.

Au fond, ce n’est pas si étrange : on sait que la notion d’individu n’a émergé dans notre civilisation qu’assez récemment, et que même encore maintenant dans de nombreuses cultures elle n’a pas grand sens : c’est le groupe qui est l’unité biologique, pas ses membres. Et on ne peut s’étonner que dans des moments de grande intensité comme le trépas, le vieux fond de notre mentalité d’humains réapparaisse.

Ainsi, sans vous être outre mesure concertés, vous arrivez à évoluer vers le but qui vous attend.

Vous vous êtes donné un rôle auprès de vos proches. C’est une réaction fréquente, normale et somme toute saine, à condition qu’elle ne vous entraîne pas dans une attitude héroïque qui vous épuiserait. Je ne partage pas, en tout cas, l’opinion de ceux qui s’en méfient : bien sûr c’est une position « anormale » ; mais dans une telle épreuve, serait-il normal de n’avoir que des positions normales ?

Je n’ai jamais aimé les barrières de lit. La raison est que les malades qui tombent de leur lit sont très majoritairement des malades qui ont essayé de se lever. Ceux-là, ce n’est pas une barrière qui va les retenir : bien au contraire ils l’enjambent et leur chute est beaucoup plus grave. C’est pourquoi nous avions acheté des lits qui descendaient très bas, et nous installions des tapis de gymnastique au pied des lits.

Dans ces accompagnements de fin de vie, tous les sentiments sont normaux. Il faut juste les accueillir et les reconnaître. Par exemple vous écrivez : Au fond de mon cœur, je crois qu’il serait serein pour tout le monde de soulager cet état. L’ambiguïté de la formule saute aux yeux ; mais ce désir est tellement sain, tellement habituel, tellement systématique qu’il faut le recevoir en paix. En réalité la mort fait plutôt bien son travail, du moins quand on ne s’en mêle pas n’importe comment, et il n’est pas nécessaire d’intervenir.

Les messages de votre oncle sont effectivement très parlants. Cela dit il ne faut pas trop se fier aux apparences, mais il e faut pas oublier non plus que leur sens est souvent multiple, et qu’ils ont aussi le sens qu’ils ont pour vous. Laissons cela. Nous avons besoin que les paroles du mourant aient un sens, parce que nous sommes tentés de lui attribuer un rôle prophétique. Cela aussi vient du tréfonds de notre humanité, et cela pour moi a une immense valeur. C’est dans leur fonction poétique que se trouve leur vérité, et cela aussi vous l’avez découvert spontanément.

Je crois que, tristement, les choses sont dans l’ordre. Merci de ce que vous faites.

Bien à vous,

M.C.

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