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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Marine.

Je vais essayer de vous répondre, mais ce n’est pas très facile, car, comme vous le décrivez très bien, vous êtes dans cette phase du deuil où les choses n’arrivent pas à prendre réalité. Or ce que vous avez à comprendre, c’est que les choses demandent à être nuancées. Et quelles nuances pourriez-vous accepter : votre père est mort et à cela il n’y a pas de nuances.

Je vous dis cela parce que vous écrivez par exemple : pour moi le cancer = mort, ce qui est faux dans plus de la moitié des cas. Et quand le cancer finit mal, il a bien souvent évolué en maladie chronique, avec laquelle il est possible de vivre, et de bien vivre, pendant une assez longue période.

Ici nous avons affaire à une situation rare : vous ne me dites pas quel était l’âge de votre père, mais j’ai lieu de supposer qu’il était assez jeune, un âge où on n’a pas souvent un cancer de la prostate. Soit donc son opération de 2008 n’était pas liée à un cancer, et on ne sait pas quel était ce cancer des os, soit il a réellement eu un cancer de la prostate en 2008 (ce qui est une première malchance parce qu’il était très jeune) et le cancer des os était lié à des métastases de ce cancer (et c’est une seconde malchance, parce qu’il se croyait guéri, et que quand les métastases surviennent elles sont souvent compatibles avec une survie prolongée) ; ou alors il a eu un cancer de la prostate en 2008 et il a présenté un second cancer, osseux, sans rapport avec le premier.

Ce que vous racontez ensuite est malheureusement très classique. Il faudrait pour l’éclairer savoir ce qu’il pensait, ce qu’il savait, ce qu’il disait. Si j’en reste à l’hypothèse du cancer de la prostate, alors il faut savoir que les chimiothérapies marchent très mal, et cela me donne une raison de plus pour penser qu’il était jeune et que les médecins n’ont pas eu le cœur de ne rien faire ; ils ont donc tenté tout ce qui pouvait l’être.

Maintenant, a-t-il souffert ? Je n’y étais pas. Ce que je sais c’est que les métastases osseuses sont souvent très douloureuses, mais il était en hospitalisation à domicile et les professionnels n’ont pas hésité longtemps à lui donner de la morphine ; une autre solution aurait été de le faire sans attendre, mais tout dépend de l’état général du malade, de son degré de fatigue, de la manière dont il se plaint.

Après il y a la question de l’encombrement. Elle est difficile, cette question, parce que l’encombrement, les troubles respiratoires en général, sont des symptômes qui se voient (la douleur ne se voit pas), et que c’est un spectacle si insupportable qu’on a toujours tendance à surestimer sa gravité. Et ici je ne sais pas pourquoi il était encombré (je ne crois pas qu’il s’agissait d’un râle agonique) ; je ne sais donc pas comment on aurait pu lutter contre ; mais je ne sais pas non plus quel était le degré d’inconfort induit.

Vous décrivez ensuite la manière dont il s’est comporté le dernier jour. Le plus probable est que vous avez raison : il était conscient, et relativement lucide. Mais qu’est-ce à dire ? Qu’il comprenait ce qui était en train de se passer ? Je le présume. Qu’il en souffrait ? C’est une autre affaire : il existe au moment de la mort des mécanismes qui permettent de ne pas trop voir ce qui se passe (les mêmes que ceux qui vous ont fait ne pas vous rendre compte de la situation) ; et face à la mort la plupart des gens réagissent avec un calme que nous n’imaginons pas : la peur de la mort, c’est la peur de la mort à venir, et non la peur de la mort qui est là.

Toujours est-il que vous avez eu la bonne réaction : en fin de fin de vie, quand il y a une source d’inconfort très probable et qu’on ne sait pas améliorer, il est logique de proposer une sédation. C’est cette idée que vous avez donnée, et c’est celle qui semble avoir été adoptée par l’équipe.

Et du coup, l’horreur du spectacle (et Dieu sait si je la connais, cette horreur) n’avait pas de rapport avec ce qu’il vivait, lui, dans son sommeil plus ou moins profond.

Voilà. J’aurais pu vous rassurer davantage, en ne vous faisant pas partager mes hésitations. Mais je me suis donné comme règle de ne jamais mentir. Et tout ce que vous racontez montre que vous avez fait un très beau travail auprès de lui.

Bien à vous,

M.C.

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