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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Jerkhan.

J’aimerais vous donner des certitudes : dans le deuil où vous êtes, ce serait un grand réconfort. Mais j’ai pris le parti dans ces forums de ne rien dire qui s’écarte de la vérité ; et la vérité est que je ne sais pas vous répondre : il m’aurait fallu être sur place.

Ce que je peux dire, c’est que, contrairement à ce qu’on pense (et contrairement souvent à ce qu’on voit) l’agonie n’a pas de raison d’être une période spécialement pénible, notamment parce que, tout de même, l’état de conscience du malade est un peu modifié. On peut observer des manifestations spectaculaires, voire terrifiantes pour l’entourage, mais il y a de très solides raisons de penser qu’elles correspondent à des automatismes de l’organisme, et non à un vécu réel du sujet. Entendons-nous : je ne suis pas en train de dire que l’agonie est un moment agréable, je croirais même plutôt le contraire ; mais ce qui en fait l’inconfort c’est bien plutôt la lutte que mène le patient pour tout à la fois ne pas sombrer dans la mort et accepter de le faire.

Voici un malade qui crie. Mais pourquoi pensons-nous immédiatement qu’il crie de douleur ? Il se passe quelque chose de très particulier dans notre société. Après avoir longtemps nié le phénomène douloureux, après l’avoir jugé inévitable, après lui avoir, même, trouvé des vertus, voici que nous l’avons considéré comme la calamité absolue, le mal en soi, qu’il faut combattre par tous les moyens. Et certes c’est une bonne chose, et nous avons fait beaucoup de progrès. Mais cela a un effet pervers : bien souvent dans notre tête (et dans celle des professionnels) la lutte contre la douleur en est venue à résumer le combat et les devoirs de l’équipe. Comme s’il n’y avait pas d’autres sources de souffrance ou d’inconfort. Et on voit les équipes les plus dévouées passer à côté de ce qu’il fallait comprendre et, sous couvert d’éviter de ne pas voir la douleur là où elle est, voir des douleurs là où il n’y en a pas. Et ce qu’ils font alors les conforte dans cette erreur : car il y a toujours une dose de morphine pour laquelle le malade se calme... Le problème est qu’il n’est pas éthiquement acceptable de priver un malade de sa conscience s’il y a un autre moyen de le mettre dans le confort.

Bref, le malade qui crie peut crier de douleur. Mais il est au moins aussi fréquent qu’il crie d’angoisse, ou même d’un inconfort infiniment plus banal et minime, mais qu’il ne sait plus analyser.

Par ailleurs ce que je dis s’applique aux malades correctement pris en charge ; il faudrait savoir si votre mère a eu une phase douloureuse au cours de son évolution, et si les traitements adéquats ont été décidés. De ce point de vue, votre récit me préoccupe : vous êtes passé la voir, je suppose que c’était à l’hôpital, et que c’était le soir. Mais quand elle s’est ainsi mise à crier, qu’a dit, et qu’a fait l’équipe soignante ?

Bien à vous,

M.C.

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