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En réponse à :

L’escarre : une maladie générale

, par Michel

Bonsoir, Lil.

L’histoire que vous racontez est malheureusement tous sauf étonnante.

"Mon grand père âgé de 79 ans"

Pas très vieux, donc. Mais cela ne nous dit pas s’il était en bon état général : l’obésité du sujet âgé n’est pas une bonne chose (même s’il est bien tard pour essayer de le faire maigrir) ; par ailleurs il chutait, et il y avait des raisons pour cela. Bref il y a des raisons de penser que votre grand-père n’était pas en très bonne santé.

"Une hospitalisation par rapport à une chute"

Les chutes du sujet âgé sont graves. Elles sont graves parce que le plus souvent elles ont une cause qui est elle-même une maladie ; elles sont graves parce qu’elles ont des conséquences, notamment en termes d’immobilisation et de douleur.

"Pendant son séjour ma mère se rendait tous les jours pour le voir et être à ses côtés ! Elle s’est aperçue que mon grand père commençait à changer de comportement..."

Classique. C’est pourquoi les gériatres sont irremplaçables dans ces situations. Mais j’ajoute aussitôt que, gériatre ou pas, ce sont des situations qui filent très vite, et devant lesquelles on se trouve souvent démuni. C’est une sorte de cascade d’ennuis qui s’accumulent, et qui conduisent le malade à sa perte malgré les soins les plus attentifs.

"délires, fatigues, fièvres, déshydratation et dénutrition !Il avait du mal à marcher donc il restait en majeur partie du temps allongé."

Voilà. Vous n’imaginez pas le nombre de fois où j’ai vécu ces situations, terriblement culpabilisantes pour le médecin, parce que tout de même quand il est entré le malade n’allait pas si mal. Et puis, inexplicablement, rien de ce que vous faites ne marche, ce sont des malades qui vous échappent. Et je n’ai jamais compris la nature du mécanisme qui s’enclenchait.

"Sachez quand même qu’il pesait 120 kilo à son entré ! Son espèce de médecin lui prétendait qu’il avait un problème a la prostate et que ces reins été foutu... d’où son incontinence."

C’est assez logique : les examens ont montré qu’il avait une insuffisance rénale ; comme il n’y avait pas de raison, on a pensé qu’elle était due à un obstacle sur les voies urinaires ; et puis il avait (à son âge, quoi de plus fréquent ?) une grosse prostate. Il suffit d’ailleurs qu’on ait traité sa douleur : le risque de beaucoup de ces médicaments (mais il faut bien le prendre, ce risque !) est de bloquer la vessie. Et voilà comment on peut se laisser piéger, malgré toute sa vigilance. En fait il s’est arrêté de boire, il s’est déshydraté, d’où l’agitation, la fièvre, l’insuffisance rénale par défaut d’apport d’eau. Ou alors constipation, fécalome, rétention d’urine, agitation, neuroleptiques pour le tenir, majoration des troubles... Le problème est que si vous laissez filer ces situations, mettons vingt-quatre heures, après il ne vous reste plus qu’à compter sur la chance.

"Il a alors décidé de lui poser une sonde et de lui mettre une couche."

Sans doute n’y avait-il pas d’autre possibilité, au moins dans un premier temps.

Quant aux escarres, il ne leur en faut pas plus pour arriver. Le problème est que ce que j’écris sur le sujet (attention : je n’ai rien inventé, ce sont les données actuelles de la science) n’est pas assez connu du corps médical.

"Voyant au bout d’un mois que son état s’était totalement aggravé elle décida de le faire transférer dans un centre hospitalier..."

Et là tout était déjà joué. ils auraient pu remuer ciel et terre, rien n’y aurait fait.

" la douleur devait être horrible..."

C’est curieux : dans ma pratique, je n’ai jamais eu beaucoup de difficultés avec la douleur liée aux escarres. Cela se produit, mais c’est moins fréquent qu’on ne dit. Et j’ai l’intuition que les médecins de la clinique ont veillé à traiter sa douleur : parmi les causes classiques du tableau que vous décrivez il y a précisément la prise de traitements contre la douleur.

"et personne ne lui a prêté aucune attention !"

Ce n’est pas sûr : mais nous sommes là dans la gériatrie pure, et quand le médecin ne connaît pas il est dérouté. Et souvent très malheureux.

"Mourir au bout d’un mois d’une maladie que l’on ne connaissait pas qu’il n’a jamais eu c’est une souffrance que personne ne pourra atténuer..."

J’ai conscience que rien de ce que je pourrai vous dire n’atténuera cette douleur.

Mais je persiste à penser que les malades qui vivent (et nous font vivre) ces évolutions catastrophiques, surtout après une chute, ne font que décompenser une situation bien plus précaire qu’il n’y paraissait, et qu’ils meurent d’une maladie qui est à la fois la cause de leur chute et celle de leur effondrement. Laquelle ? Nous ne le saurons pas. Mais elle a fait son œuvre.

Après il se peut qu’il ait été mal soigné. Mais je l’ai vécu tant de fois, ce cauchemar, que je n’ai pas besoin de ça pour sentir ce qui a pu se passer.

Bien à vous,

M.C.

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