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En réponse à :

La perfusion sous-cutanée

, par Michel

Bonjour, Valérie.

Votre message est extraordinaire, parce qu’il permet de voir comment des professionnels pourtant chevronnés arrivent à commettre des erreurs majeures au nom d’un savoir qui n’est que supposé exister, et comment la présence supposée de ce savoir arrive à paralyser leur pensée.

Prenons votre première question :

Faut-il poser la perf’ vers le cœur ou vers la périphérie (site : face antérolatérale de la cuisse) ? Les informations qu’on m’a données étant contradictoires, je me demande si ça a une réelle importance...

Ce qui a fait qu’on vous donne cette information, c’est la croyance dans l’existence de cette information. Et ce qui est le plus extraordinaire, c’est que du coup on a éliminé la seule possibilité qui vaille : réfléchir.

Or vous avez totalement raison de douter : ce que la physiologie nous enseigne, c’est que si vous placer uns substance sous la peau d’une cuisse, elle va se résorber dans le liquide extracellulaire, puis être récupérée par la circulation sanguine et suivre tout bêtement le réseau veineux. Il suit de ce simple rappel que c’est l’anatomie du réseau veineux qui compte, et absolument pas la position de l’aiguille. Je n’ai jamais su d’où venait cette idée ; à ma connaissance elle ne repose sur aucun mécanisme physiologique identifié, et il appartient à ceux qui la professent de nous donner leurs raisons.

Comment peut-on fabriquer une telle croyance ?

Il faut en premier lieu partir du principe que la position de l’aiguille a une importance. Cette étape se franchit aisément, car quand il va dans ce qui lui semble l’inconnu le professionnel éprouve le besoin de se rassurer en contrôlant tout ; cela passe par le besoin de séparer les choses en bonnes et mauvaises, et le plus insupportable serait d’avoir affaire à des choses neutres.

Une fois qu’on a dit cela, il faut répondre à la question. Cela peut se faire avec les ressources de la pensée magique ou avec celles de la pensée scientifique.

Mais pour utiliser la pensée scientifique il faut :
- Proposer une hypothèse, à partir de ce que nous savons déjà. Ici, ce que nous savons déjà nous inciterait plutôt à considérer que la position de l’aiguille n’a aucune importance, et à en rester là.
- Si on peut proposer une hypothèse, il faut la vérifier, ce qui demande d’avoir observé le résultat d’un grand nombre de perfusions avec l’aiguille orientée dans diverses positions.
- Cela fait, conclure.

J’attends avec amusement qu’on me produise cette étude. Et jusqu’à ce qu’on le fasse je tiendrai qu’elle n’existe pas.

On a donc utilisé la pensée magique, et résolu la question en utilisant le cœur pour ses capacités symboliques. Ce qui est fascinant c’est qu’une fois installée la pensée magique se montre plus puissante que la pensée scientifique, empêchant même le professionnel de retrouver son esprit critique.

Les indications des infirmières divergeaient également sur la profondeur de la perfusion : l’une me conseillait de la poser relativement profonde pour une meilleure diffusion (avec un geste en virgule), l’autre trouvait que je risquais de toucher le muscle avant de remonter sous la peau...

Je ne vous conseillerais certainement pas un geste en virgule, qui est bien plus difficile à contrôler qu’un geste droit.

Précisons d’abord que si vous n’êtes pas en sous-cutané, vous aurez des problèmes de tolérance, mais rien d’autre. Il faut donc relativiser l’importance de cette question.

Quand vous faites votre pli cutané, vous pouvez facilement sentir que la base de votre pli glisse sur l’espace sous-cutané. C’est là qu’il faut piquer, et un angle de 30° va amplement suffire. Il ne faut pas piquer dans le pli : le pli est composé de deux épaisseurs de peau entre lesquelles il n’y a pas forcément beaucoup de place, ce qui fait que vous augmentez le risque de piquer dans la peau, car il n’est pas si simple de se tenir exactement au milieu du pli.

Si vous faites comme cela, vous allez rapidement remarquer que la cuisse est l’un des pires endroits pour faire une sous-cutanée, car l’épaisseur de la peau y est très variable, et sa mobilité par rapport au plan sous-cutané n’est pas toujours évidente. Il en va de même de la paroi abdominale. C’est pourquoi la zone privilégiée est la zone sous-claviculaire :
- La peau y est toujours mince et mobile.
- On ne gêne absolument pas les mouvements du patient.
- On peut très facilement observer le point de ponction.
Le risque de pneumothorax relève là aussi de la pensée magique : il suffit de mesurer la longueur d’une aiguille et de la comparer à l’épaisseur de la paroi.

Bien à vous,

M.C.

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